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Comment le Burkina Faso en est arrivé là

Publié le mardi 25 janvier 2022  |  DW Afrique
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© Présidence de CI par DR
Sommet extraordinaire de la CEDEAO à Addis-Abeba
Dimanche 09 février 2020. Sommet extraordinaire de la CEDEAO à Addis-Abeba, ce dimanche, en présence du Président de la République ivoirien, S.E.M. Alassane OUATTARA, en marge du 33e Sommet ordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement de l`Union Africaine. Photo: Le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré
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Le coup d'Etat à Ouagadougou résulte à la fois du mécontentement de l'armée mais aussi de la population civile burkinabè.

Au Burkina Faso, le président Kaboré et plusieurs ministres seraient donc détenus dans une caserne de Ouagadougou. L’Union africaine et la Cédéao font part de leur inquiétude face à cette "tentative de coup d’Etat". La France appelle ses ressortissants à "éviter tout déplacement" dans le pays.

Tout est parti de revendications de soldats mutins qui réclamaient le départ de leurs chefs et des "moyens adaptés" à la lutte antiterrorisme. Mais le Burkina Faso en est arrivé là à cause principalement de deux sources de mécontentement profond qui expliquent les événements de ces derniers jours.

De la base aux officiers

La mutinerie s’explique d’abord par la colère au sein de l’armée. A la base, les soldats réclament des "moyens adaptés" à la lutte antiterrorisme parce qu’ils rencontrent sur le terrain de nombreux problèmes d’équipement, de salaire, d’approvisionnement, de prise en charge des familles de ceux qui se font tuer au combat.

Hassane Koné, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité (ISS) à Dakar pointe aussi la défiance mutuelle des officiers avec l'exécutif depuis l’accession de Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir.

Ce dernier a été élu président en 2015, au bout d’un an de transition, après la destitution de Blaise Compaoré par un mouvement populaire en octobre 2014.

A l’époque, Roch Marc Christian Kaboré suscite une vague d’espoir : c’en était fini de l’autocratie, de la corruption après 27 ans de dictature, croyaient beaucoup de Burkinabè. Alors même que le nouveau président avait participé au système honni, en tant que ministre, Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, et qu’il avait quitté le parti au pouvoir (CDP) sur le tard.

Klaus Grütjen, représentant pour l’Afrique de l’ouest de la fondation allemande Hanns Seidel, reconnaît qu’en dépit de ce changement à la tête de l’Etat "des problèmes visibles depuis une vingtaine d’années n’ont pas été pris en charge, ni par [Roch Marc Christian Kaboré] ni par le gouvernement de Blaise Compaoré".


La défiance au RSP

Le représentant de la fondation Hanns Seidel rappelle par ailleurs que les changements qui ont eu lieu, comme la dissolution rapide du RSP, le Régiment de sécurité présidentiel dédié à la protection de l’ancien président Compaoré, n’ont pas eu l'air de plaire à certains officiers de l’armée.

D’autant que l’intégration de "cette armée à côté de l’armée", qui était bien équipée, bien entraînée, au sein de l’armée nationale burkinabè n’a pas fonctionné et depuis 2015, "les forces de défense ont perdu de leur force de frappe", déclare Klaus Grütjen.

La nouvelle équipe gouvernementale estimait en effet que les haut-gradés, notamment ceux issus de l’ancien RSP, lui manqueraient de loyauté. D’où le mécontentement de militaires, détaille Hassane Koné, de l’ISS, qui "considèrent que leurs demandes et aspirations n’ont pas été prises en compte, ont été négligées par ce pouvoir politique dont la principale préoccupation était d’éloigner l’armée du politique et de tout fait."

Les récentes arrestations d’officiers accusés de préparer un putsch après avoir été placés sous la surveillance de l’Agence nationale du renseignement n’ont fait qu’amplifier cette défiance. Hassane Koné constate que le courant ne passant pas, "toutes les réformes décidées depuis 2017 et le Forum national sur la sécurité n’ont pas été mises en œuvre, […] la machine bloquait".

Inata comme révélateur

L’année 2021 est ensanglantée par des attaques qui marquent les esprits : le massacre du village de Solhan, en juin - 132 civils sont tués – ou encore l’attaque d’Inata, en novembre, qui se solde par la mort de 57 personnes, dont 53 gendarmes.

Cette dernière attaque devient "le symbole […] de l'idée que les politiques avaient "lâché" les forces armée", pour Ornella Moderan, directrice du Programme Sahel à l’ISS basé à Bamako.

Hassane Koné confirme que l’attaque d’Inata "a révélé au monde qu’il y avait des problèmes graves de logistique puisque des soldats n’arrivaient même pas à trouver de l’eau ou de quoi manger".

Les rancœurs se sont donc accumulées au sein de l’armée. "C’est un échec car si on était parvenu à professionnaliser cette armée, d’en faire une armée républicaine, de la prendre en compte sur tous les plans, de l’assister, je pense qu’on n’en serait pas arrivé là", déclare le chercheur de l'ISS.

Une population "essoufflée"

La population civile aussi est déçue des mandats de Roch Marc Christian Kaboré qui a été réélu en 2010.
Depuis 2015, la situation sécuritaire "s’est continuellement dégradée", souligne Klaus Grütjen. Les attentats de Ouagadougou en 2015 ont créé un premier choc, suivis par les attaques et attentats perpétrés quasi quotidiennement à travers le pays.

Les morts de civils se comptent par centaines, le nombre des déplacés et réfugiés a dépassé le million et demi. Et les problèmes sociaux s’accentuent, tandis que des milliers d'écoles sont restées fermées ces derniers mois.

Demander des comptes

Alors l’armée peut s’appuyer sur ce désir de changement de la population. Klaus Grütjen espère que cette dynamique de la société civile permettra d’améliorer le quotidien des Burkinabè : "Peut-être sommes-nous en train de vivre une période où la population réclame davantage de redevabilité de l’Etat pour l’argent qu’ils payent. Les citoyens sont mieux informés, notamment par les réseaux sociaux, et ils revendiquent davantage. L’Etat africain doit rencontrer ses citoyens et ses citoyennes."

Klaus Grütjen préconise donc de voir quelles seront les actions des militaires si le coup d’Etat se confirme. S’ils oppriment ou non la population, par exemple. Et dans quelle mesure on peut mettre en place une transition pour un retour à l’ordre républicain et constitutionnel.

Hassane Koné aussi pense que "les militaires burkinabè peuvent accepter de collaborer avec un pouvoir [civil] légitime" et que "la société civile burkinabè, si elle accepte de s’allier avec la junte, va conditionner cet appui et s’organiser d’une autre manière, vers une transition qui aboutisse vers un pouvoir qui ne développe pas la crainte de l’armée, contrairement au pouvoir de M. Kaboré qui a toujours eu l’impression d’avoir affaire à l’armée de M. Compaoré et se méfiait d’elle".
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