L’aggravation de la pauvreté sur le continent remet en question les objectifs de l’aide au développement tandis que la Chine vient bousculer les règles.
Au cours des 18 dernières années de données disponibles, la totalité de l’aide publique au développement accordée dans le monde a atteint la somme assez phénoménale de 1.729 milliards de dollars.
Près de la moitié de ce montant a été accordée à l’Afrique et sur le continent, 87% des budgets sont délivrés en Afrique subsaharienne.
Voilà pour la vue d’ensemble de l’aide publique au développement en Afrique. Si on souhaite zoomer un peu plus, alors il apparait très vite qu’à l’exception de la République démocratique du Congo, ce sont les pays anglophones ou d’Afrique de l’Est qui attirent le plus de projets : l’Ethiopie, le Nigeria, la Tanzanie, le Kenya ou le Mozambique.
Ethiopie, RDC, Nigeria et Kenya sont parmi les pays africains à recevoir le plus d’aides.
L’Afrique a donc perçu au cours des 18 dernières années 805 milliards de dollars d’aide publique au développement.
Pour donner une valeur de comparaison, le Plan Marshall, qui a permis à l’Europe de se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale, a représenté, de 1948 à 1952, un prêt américain de 173 milliards de dollars actuels.
En dépit de ces efforts, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté (avec moins de 1,90 dollars par jour) a augmenté sur le continent africain. 75% des personnes pauvres dans le monde vivent en Afrique, en 1970 cette part était de 10% et les prévisions de la Banque mondiale tablent sur 90% en 2030.
1.500 milliards depuis 1960
Il existe plusieurs types de critiques contre l’aide publique au développement. La première est que celle-ci assure un versement d’argent facile qui n’encourage pas la prise d’initiatives et l’autonomie des Etats.
Une autre critique porte sur la mauvaise utilisation des fonds qui sont détournés par la corruption, ou encore investis dans des projets aussi gigantesques qu’inutiles : les fameux "éléphants blancs" qui symbolisent l’échec de certaines politiques industrielles.
Selon les chiffres de la Banque mondiale, près de 1.500 milliards de dollars d’aide publique au développement ont été donnés à l’Afrique subsaharienne depuis 1960.
L’Allemagne est un des premiers donateurs au monde avec un budget annuel global de 22 milliards d’euros consacré à l’aide au développement. Berlin veut promouvoir aussi l’initiative privée en Afrique en soutenant les investissements des entreprises allemandes grâce à son initiative Compact with Africa, lancée en 2017.
Mais ce projet se heurte à une faiblesse structurelle : les entreprises allemandes investissent peu en Afrique et lorsqu’elles le font, elles concentrent leurs budgets sur le Maghreb et l’Afrique du Sud.
Les putschs militaires au Mali et en Guinée, ou la prise de pouvoir par les militaires au Tchad après la mort de l’ancien président Idriss Déby, ne peuvent qu’aggraver le manque de confiance des investisseurs dans cette partie du monde.
Poursuivons plus en détails en choisissant trois pays importants au sein de l’Afrique francophone : la République démocratique du Congo (RDC), le Mali et le Cameroun.
Avec plus de 50 milliards de dollars d’aide au cours des 18 dernières années, la RDC est le pays qui attire le plus de crédits.
Sans surprise, les Etats-Unis sont en tête des pays donateurs en RDC et au Mali tandis que la France occupe la première place au Cameroun. L’Allemagne n’apparait dans le Top 5 qu’au Cameroun, une de ses anciennes possessions coloniales sur le continent.
L’infographie suivante montre qu’une grande partie de l’aide au développement est versée dans ces trois pays aux gouvernements qui ensuite la répartissent, parfois sous forme d’appels d’offres, avec un manque de transparence dont pâtissent les entreprises locales.
La Chine a ses propres règles
Enfin, il y a la Chine qui vient bousculer les règles établies par les Occidentaux.
Nos infographies portent sur l’ensemble de l’aide publique au développement dans le monde : elles prennent en compte les Etats membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE, qui comprend 29 pays ainsi que l’Union européenne, les pays qui ne sont pas membres de ce comité (Turquie, Russie, Arabie saoudite...) et les organisations internationales (Onu, Banque mondiale, Banque africaine de développement...)
Il a fallu toutefois ajouter la Chine pour laquelle les chiffres sont plus difficiles à trouver. Car la Chine arrive avec beaucoup d’argent et elle suit ses propres règles.
L’apport de la Chine n’est en effet pas éligible aux critères de l’OCDE en termes d’aide publique au développement : "avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement (…) et être assortie de conditions favorables.”
Pour simplifier, l’aide doit plus se présenter sous forme d’un don, d’une subvention non remboursable que sous la forme d’un crédit commercial.
Or, la Chine fonctionne avec des crédits aux taux d’intérêts élevés qui sont donc classés dans la catégorie des "autres apports du secteur public”. Les taux d’intérêts chinois seraient deux fois supérieurs à ceux pratiqués par des pays membres de l’OCDE comme l’Allemagne ou la France.
La dette cachée de l’Afrique
Selon une étude publiée par l’institut de recherche de l’Université William & Mary aux Etats-Unis, la Chine, avec le lancement du projet Nouvelle route de la soie en 2013, aurait investi 85 milliards de dollars par an en moyenne en dehors de ses frontières.
C’est deux fois plus que l’ensemble de l’aide publique au développement reçue par l’Afrique durant cette période. Mais les auteurs de cette étude rappellent que cette expansion repose sur la dette des pays receveurs, à commencer par les pays africains.
"70% des prêts chinois à l’étranger”, poursuit le rapport, "sont dirigés vers des compagnies publiques, des banques publiques (…) et des institutions privées dans les pays receveurs. Ces dettes, pour la plus grande partie, n’apparaissent donc pas dans les comptes des Etats.”