Le Nokia 105 Africa Edition sera disponible sur tout le continent, fonctionnant uniquement sur le réseau 2G. Une stratégie assumée par le groupe finlandais qui croit au marché des téléphones traditionnels en Afrique, où les tests de réseaux 5G ont déjà lieu.
Début février, HMD Global, fabricant des téléphones de la marque Nokia, annonçait le lancement de la commercialisation de son Nokia 105 sur le continent africain. Développé en 2013 pour cibler les pays en voie de développement, HMD Global livre cette année une version spécifiquement construite pour les usagers africains, opérant uniquement sur le réseau téléphonique 2G.
Le 105 Africa Edition est équipé d’une batterie longue durée, capable de tenir jusqu’à deux semaines sans recharge. Il donne aussi la possibilité d’utiliser deux puces à la fois, fonctionnalité essentielle au lancement d’un téléphone simple sur le continent, où nombreux sont ceux qui jonglent entre différents opérateurs pour « optimiser les tarifs d’abonnement», explique à Jeune Afrique Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint France dans le domaine des télécoms. « Nous avons des populations qui sont dans des zones rurales soit sans électricité, soit avec un accès aléatoire. Parfois quelques heures par jour et pas forcément le soir. Il vaut mieux avoir des téléphones qui en termes de batterie vont moins consommer, comme avec la 2G».
Au prix d’achat de seulement 17 euros (8,100 nairas au Nigeria), l’appareil permettra également d’effectuer des transferts d’argent mobile. Un moyen d’échange numérique offert à ses usagers par un opérateur ou une autre entité partenaire des opérateurs de réseau mobile, indépendamment du réseau bancaire traditionnel, en utilisant des comptes d’argent mobile. Une option essentielle sur le continent africain, où l’on compte le plus haut taux d’utilisation au monde avec près de 160 millions de comptes de mobile money actifs en 2020, illustre une étude de l’Association mondiale des opérateurs télécoms (GSMA).
L’option manquée du smartphone
Après avoir vendu des centaines de millions d’unités du Nokia 105 partout dans le monde depuis sa sortie, selon les chiffres du communiqué d’HMD Global, le fabricant finlandais veut appuyer sur l’accélérateur pour les marchés africains. Comme le rappelait en 2017 l’agence Reuters, Nokia a, un temps, fourni l’appareil mobile le plus populaire au monde, le Nokia 3310, et fut pendant les premières années de ce millénaire « le fabricant de téléphones dominant dans le monde ». HMD Global, start-up finlandaise, exploite la marque commerciale Nokia depuis 2016, année de cession des actifs par Microsoft à d’anciens salariés de la marque. L’industriel Nokia avait cédé ses marques et licences de téléphones à Microsoft en 2014.
Et malgré le déclin que connaît la marque depuis une quinzaine d’années, après avoir raté le coche du smartphone, la marque Nokia jouit encore d’une attractivité non négligeable sur le continent. Au deuxième trimestre 2021, les appareils Nokia de HMD Global étaient au troisième rang des ventes de feature phones, les téléphones standards, avec 9,8 % de parts de marché en Afrique selon les analystes d’International Data Corporation (IDC).
De plus, le marché africain des portables standards reste dynamique, avec une croissance de 14,2 % au troisième trimestre 2021, rapporte une note d’IDC. «Les prix des smartphones restant relativement élevés, et ne devant qu’augmenter au cours des prochains trimestres, les prix abordables des feature phones rendent ces appareils extrêmement attractifs», détaille le document. En outre, une étude de la GSMA démontre que si l’adoption des smartphones en Afrique subsaharienne a plus que doublé entre 2015 et 2020, ceux-ci ne représentent encore qu’environ la moitié du total des connexions mobiles.
Au demeurant, durant le développement du projet Nokia 105 Africa Edition, les équipes ont remarqué un phénomène « typique dans les pays subsahariens » rendant réaliste l’adoption de cet appareil par le grand public, explique à Jeune Afrique Patrick Henchie, chef des produits et des opérations chez HMD Global Sub Saharian Africa. «Ce n’est pas un phénomène chiffré ou suivi par des études mais nous avons noté qu’il prenait de l’ampleur. En se basant sur l’expérience utilisateur, nous avons remarqué que les propriétaires de smartphones ont généralement un téléphone standard avec eux pour éviter de ne plus avoir de batterie et pour continuer à passer des coups de fil», détaille Patrick Henchie.
Ce dernier dit être régulièrement témoin de cet usage du double téléphone lorsqu’il prend des Uber dans la province du Gauteng, qui comprend Johannesburg et Pretoria en Afrique du Sud. Il a noté que ses chauffeurs possèdent d’un côté un smartphone qui héberge l’application et de l’autre un portable standard pour les échanges par la voix et pour les SMS.
Une concurrence sérieuse
Mais la 2G reste-t-elle vraiment pertinente en 2022 ? Le système réseau bas débit demeure le plus utilisé en Afrique centrale avec 53 % des usages. En revanche, il se positionne loin derrière la 3G en Afrique de l’Ouest (56 %) et en Afrique australe (49 %), selon une étude de la GSMA. D’ici à 2025, cette même étude annonce aussi que la 4G dépassera la 2G pour devenir le deuxième réseau le plus utilisé derrière la 3G à travers le continent, dans son ensemble. Pour Jean-Michel Huet, la couverture réseau n’est pas un problème, la 3G couvrant 70 % du continent. Pour lui, tant que le coût des smartphones continuera d’être inaccessible pour de nombreux d’usagers, la 2G restera légitime sur le continent.
«Le taux de de pénétration de l’internet pourrait être de 70 % en Afrique, si tous les usagers africains avaient un téléphone. Par comparaison en Europe, ce taux est de 85 %, ce qui n’est pas une différence énorme», détaille l’expert en télécoms. Dans son rapport « L’économie mobile Afrique Subsaharienne 2021», la GSMA explique que sur les 1 084 millions de personnes recensées dans la région, 303 millions (28 %) étaient connectées, 206 millions n’étaient pas du tout couvertes par un réseau mobile (19 %) et 575 millions de personnes (53 %) vivaient dans des zones couvertes par des réseaux de haut débit mobile, mais n’utilisaient pas encore les services de l’internet mobile.... suite de l'article sur Jeune Afrique