Le bureau directeur de l’UFC (Union des Forces de Changement) a commémoré ce 5 mai 2022 la 30è anniversaire de l’attentat de Soudou (396 km au nord de Lomé) qui a failli emporter le leader de ce parti, Dr Gilchrist Olympio et certains de ses lieutenants qui étaient avec lui dans le cortège. 30 ans après, l’UFC tend la main pour une co-construction de l’unité nationale.
Cette commémoration a commencé par une messe pour le repos des personnes disparues le 05 mai 1992. Un dépôt de gerbes sur la tombe du Dr Marc Messan Atidépé a ainsi été opéré en prélude à la Conférence de presse organisée au siège du parti à Lomé.
Elliott Ohin, 2è Vice-président de l’UFC (ex chef de la diplomatie togolaise entre 2010 et 2013) qui a dirigé la conférence de presse, a rendu un hommage aux illustres disparus et a adressé sa compassion aux blessés dans une longue déclaration. Il a également fait le tour d’horizon de la vie socio-politique au Togo. «L’UFC doit rester, comme toujours, fermement attaché à cet idéal de renouvellement démocratique pour notre pays, même quand sa méthode prône le pragmatisme de la realpolitik. L’UFC doit se solidifier et doit pouvoir fédérer l’opposition togolaise dans un grand mouvement de courants et d’idées afin de pouvoir prétendre offrir au Togo l’expérience et les compétences nécessaires à une alternative viable de gouvernance», a rappelé Elliott Ohin.
Au cours de cette conférence de presse, le deuxième vice- président qui était entouré de plusieurs rescapés de l’attentat de Soudou, a profité de l’occasion pour faire des propositions au pouvoir UNIR qui est un partenaire de l’UFC depuis le 26 mai 2010.
«Dans l’attente d’un nouveau projet de société débattu et voté par l’ensemble de notre formation politique, je me permets de porter la voix de l’UFC au débat national et d’amorcer les idées qui nous paraissent judicieuses pour changer le quotidien de nos concitoyens. Nous n’aborderons ici que les grands sujets structurels les mieux à même d’améliorer la qualité de vie des Togolais et les opportunités qui s’offrent à notre jeunesse, notamment l’emploi et l’employabilité des jeunes, l’économie, le social, l’éducation, la santé, la justice etc.», a détaillé M. Ohin.
Le deuxième Vice-président de l’UFC a en outre évoqué les dissensions au sein du parti relayées par plusieurs médias ces derniers mois. Pour éclairer les uns et les autres, le ministre Ohin a expliqué qu’en réalité, «il n’y a ni tension ni deux UFC comme les gens veulent le faire croire, mais il y a des courants au sein du parti comme dans tous les grands partis», a-t-il précisé. Avant d’ajouter «qu’un travail est en train d’être fait pour ramener la sérénité au sein de la maison UFC».
En prélude à la tenue de cette conférence de presse, l’UFC a, une énième fois dans un communiqué, convié les Togolais de tous bords politiques à la culture de la tolérance et du pardon, au nom des impératifs de développement du pays.
Le 05 mai 1992, une date noire dans l’histoire politique du Togo
Le 5 mai 1992 dans la localité de Soudou, «un convoi de campagne de l’UFC», a été victime «d’une agression armée» selon plusieurs témoignages.
Parmi les militants émérites décédés dans cet attentat, l’UFC cite Marc Atidépé, Moussa Mama Touré, Ouro Atchankpa Zakari, Sama Tchatchibo Alasa, ainsi que plusieurs blessés.
Dans son ouvrage «Démocratisation à la togolaise» (aux Editions L’Harmattan, 2000), l’écrivain et ex-fonctionnaire togolais, aujourd’hui nonagénaire, a aussi relaté les douloureux évènements de Soudou.
Sous une plume épique, il détaille: «Le lundi 4 mai, Gilchrist Olympio et ses compagnons passent la nuit à l’Hôtel Kédia à Sokodé. Le Premier ministre Koffigoh avec une partie de son cabinet se trouvait aussi dans la ville, mais à l’Hôtel Central.
Le mardi 5 mai, il pleut sur la ville de Sokodé et dans toute la région. Ce qui perturbe quelque peu le programme des meetings. Mais en fin de matinée le convoi des véhicules de l’UFC s’ébranle de Sokodé en direction de Bafilo. Le convoi est précédé de quelques minutes par un véhicule de sécurité avec à son bord deux hommes. Au total, sept véhicules, qui tomberont dans une embuscade entre Bafilo et Soudou.
Sur la route vers 12 heures, le convoi est attaqué.
A quelque 200 mètres après avoir franchi le pont de la rivière Sarah, une bombe explose devant la Nissan Patrol de Gilchrist Olympio. Les véhicules précédant la Patrol n’ont pas été inquiétés. Aussitôt après l’explosion, les trois derniers véhicules du convoi, le 4x4 Nissan à bord duquel se trouvent Gilchrist Olympio et le Docteur Atidépé, le 4x4 Mitsubishi et la Peugeot-404 sont pris sous un tir nourri que les témoins identifient comme celui ‘d’armes automatiques’.
Patrick Lawson, un rescapé, raconte: ‘Embusqués derrière un bois, nos assaillants ont tranquillement laissé passer les véhicules en tête du cortège avant d’ouvrir le feu. En immobilisant la voiture qui précédait la Nissan Patrol de Gil, ils étaient assurés d’avoir une cible statique. Devant le barrage de tirs, notre véhicule est tombé dans un ravin. Même avec les pneus-avant crevés, notre chauffeur a continué de rouler jusqu’au village de Soudou (préfecture d’Assoli), où nous devions tenir un meeting régulièrement autorisé’.
Gilchrist Olympio est atteint au poumon et à la hanche de plusieurs balles explosives. Patrick Lawson et le chauffeur de la Nissan Patrol, quoique tous les deux blessés réalisent qu’il faut immédiatement quitter les lieux. Un habitant de la région leur affirme qu’il est possible de se rendre rapidement au Bénin. Il leur indique le chemin. La piste est impraticable, mais ils n’ont guère le choix. Selon le rapport de la FIDH sur cet événement: ‘Aussitôt après l’attentat, les différents véhicules sont rassemblés sur la place de Gandé, quelques kilomètres plus loin. Le véhicule Nissan dans lequel avaient pris place Gilchrist Olympio et le Docteur Atidépé est abandonné là après que ceux-ci, le premier gravement blessé, le second déjà mort, avaient été transportés dans un autre véhicule au Bénin’.
Gilchrist Olympio sera opéré une première fois à Natitingou (Bénin). C’est un Grumman spécial de la Présidence ivoirienne qui le transportera ensuite à Paris pour des soins à l’hôpital du Val-de-Grâce».
L’attentat de Soudou fait partie des douloureux évènements qui ont fait vriller la transition démocratique au Togo, après la tenue houleuse de la Conférence nationale de juillet à août 1991, suivie de l’attaque de la Primature en décembre 1991.