La région du Sahel en Afrique doit être considérée comme une région d'opportunités malgré les «multiples crises» que subissent les populations, estime Annadif Khatir Mahamat Saleh, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel.
Le Sahel est une vaste région sous-peuplée qui s'étend à travers l'Afrique, du Sénégal à l'ouest à Djibouti à l'est, une zone déstabilisée par les conflits liés au terrorisme, les effets du changement climatique et le manque de développement. ONU Info s'est entretenu avec M. Annadif des solutions aux problèmes auxquels la région est confrontée.
Quel est le contexte historique de la région du Sahel?
Les populations sahéliennes sont éloignées des centres de décision des pays qui composent la région et vivent donc en marge. Mais elles sont résilientes et autosuffisantes, vivant du commerce et de l'agriculture nomade.
Suite aux troubles politiques en Libye et avant cela en Afghanistan, cette région est devenue un sanctuaire pour les groupes terroristes qui utilisent la religion pour inciter à la haine. Ce n'est pas l'islam, c'est un islam corrompu que ces groupes veulent répandre pour servir leurs plans, profitant du fait que la plupart des gens au Sahel sont très sensibles aux questions religieuses.
En raison du manque de services de base et d'infrastructures, certaines personnes peuvent être tentées d'adhérer au discours de ces groupes qui, dans certaines situations, jouent le rôle de l'État en offrant des services comme l'éducation, la santé et la justice.
Pouvez-vous décrire la situation aujourd'hui?
Aujourd'hui, le Sahel est infesté de terroristes. Avec la chute de Kadhafi en Libye, la région est devenue un arsenal à ciel ouvert, où les armes circulent comme du pain ; n'importe qui peut se procurer une arme, ce qui provoque la violence.
La région souffre également de l'impact du changement climatique. Avant, les éleveurs nomades et les agriculteurs coexistaient bien côte à côte, mais avec le changement climatique, il y a moins de terres à cultiver et moins de pâturages pour les éleveurs, ce qui a conduit à davantage de conflits intercommunautaires.
Dans le passé, les dirigeants locaux contribuaient à apaiser ces conflits, mais ils ont été chassés par les terroristes qui, dans certains cas, manipulent et aggravent les différends entre agriculteurs et éleveurs afin d'étendre leur sphère d'influence.
À quel type de crise la région est-elle confrontée?
La région fait face à de multiples crises, dont les populations du Sahel ne sont pas responsables. Ce sont des problèmes mondiaux avec des effets mondiaux : nous assistons à plus de migration illégale, à plus d'influence terroriste et à la déstabilisation des États.
Avec un peu de soutien, les pays sahéliens pourraient progresser contre ces crises qui se chevauchent et constituer un rempart contre le terrorisme. Mais il est important que la communauté internationale reste engagée pour soutenir les efforts des pays de la région.
Quelles sont les solutions à ces problèmes profondément enracinés?
Investir davantage dans l'éducation est vital pour articuler des solutions durables. Dans une région composée de 60 à 70% de jeunes, il est crucial de redoubler d'efforts pour assurer l'accès des jeunes à l'éducation.
Il est important que l'État et les institutions publiques jouent leur rôle en assurant la fourniture des services de base et en mettant en place des infrastructures de développement. Il n'y a pas d'issue sans développement. Et cela nécessite un minimum de soutien financier.
Il est également important de voir le Sahel comme une région d'opportunités plutôt que simplement comme un problème, et les gens doivent être considérés comme faisant partie de la solution plutôt que comme faisant partie du problème.
Où sont ces opportunités?
La plupart des gens du Sahel veulent la paix ; ils sont travailleurs, résilients et peuvent vivre avec très peu. Ils ne demandent pas grand-chose. L'opportunité est là d'exploiter les ressources qui se trouvent sous la surface de la terre, par exemple les sources souterraines d'eau, de minéraux et d'or.
Les terroristes vendent de l'or extrait au Sahel pour financer leurs opérations. Si ces ressources étaient correctement exploitées, si les personnes qui vivent au Sahel en bénéficiaient, ce serait un moyen d'arrêter les flux illicites de drogues, d'armes et de personnes à travers la région.
Même si ces personnes sont pauvres et délaissées, elles sont fières et attachées à leur région et ne voudront plus la quitter.
Comment les Nations Unies soutiennent-elles ces solutions?
Les Nations Unies sont un partenaire clé au Sahel, travaillant en coordination avec divers partenaires pour soutenir les efforts inlassables des gouvernements de la région.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (SINUS), l'ONU contribue à la consolidation de la paix, à l'aide humanitaire et au développement grâce au travail d'agences, de fonds et de programmes dédiés des Nations Unies, qui sont au service des populations du Sahel, au quotidien, pour façonner un avenir meilleur.
Sous la direction de Mar Dieye, le Bureau du Coordonnateur pour le développement du Sahel s'emploie activement à mobiliser les partenaires régionaux et internationaux pour accélérer la mise en œuvre des programmes et projets de développement dans le cadre de la Stratégie.
Les gouvernements des pays du Sahel font ce qu'ils peuvent et nous devons continuer à les soutenir. Leurs efforts sont nécessaires mais insuffisants pour mettre fin aux différents défis.
Compte tenu de l'évolution de la situation mondiale causée par la crise ukrainienne, j'appelle la communauté internationale à ne pas négliger la région du Sahel et à maintenir son soutien financier et son engagement politique dans la région. Nous devons tous rester mobilisés en ce moment critique que vivent les pays du Sahel.