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Togo : un vendredi ensanglanté qui appelle à repenser la stratégie de riposte

Publié le lundi 18 juillet 2022  |  Courrier d'Afrique
Faure
© aLome.com par Edem Gadegbeku & K. T.
Faure Gnassingbé a présidé le défilé militaire et paramilitaire organisé pour commémorer les 62 ans de l`accession du Togo à la souveraineté internationale.
Lomé, le 27 avril 2022. Place des Fêtes de la Présidence du Togo. Faure Gnassingbé a présidé le défilé militaire et paramilitaire organisé pour commémorer les 62 ans de l`accession du Togo à la souveraineté internationale. Un défilé qui a réuni 5.000 hommes d`une trentaine d`unités de toutes les Armées du Togo durant 2h30 d`horloge.
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Depuis novembre 2021, la région des Savanes, au nord du Togo, est devenue, malheureusement, le théâtre d’attaques de groupes armés. Après une tentative au poste avancé des FDS à Sanloaga, c’est en mai 2022 que le phénomène du terrorisme s’est véritablement révélé à notre pays comme une menace à prendre désormais très au sérieux. Les événements sanglants de ce vendredi 15 juillet ont achevé de convaincre même les plus sceptiques que le terrorisme n’est plus un mal extérieur au Togo.

On a tous pu se rendre à l’évidence que, malgré les moyens militaires déployés, ces individus sans foi ni loi sont allés au bout de leur entreprise d’effusion de sang en égorgeant une trentaine d’hommes dont un chef de village, si l’on en croit les informations qui font le tour des réseaux sociaux. Ces fous se sont également attaqués à un symbole de la République : un policier est tombé, un commissaire a failli passer de vie à trépas lorsque son véhicule a sauté sur un engin explosif. Ils ont réussi à créer ce joli bazar sans tomber dans la trappe des militaires envoyés au front.

Et dire que ces innocents ont été immolés, tels des agneaux sacrificiels, seulement quelques heures après une sortie du haut commandement militaire qui avouait avoir tué, par inadvertance, sept enfants dans la même zone, quelques jours plus tôt. Des renseignements relatifs à l’imminence d’une série d’attaques terroristes dans des localités de l’extrême-nord du Togo ont, si l’on en croit l’état-major des Forces armées togolaises, conduit à cette bavure qui ne doit pas rester sans conséquence pour les auteurs.

C’est clair, la menace terroriste est de plus en plus militarisée, ressemblant parfois à une rébellion de grande ampleur, comme ce qu’on a pu voir ce vendredi. En général, l’objectif des terroristes est de produire le plus grand retentissement médiatique possible. C’est ce qui explique les attaques simultanées de cibles multiples, l’utilisation des explosifs et des armes de guerre, l’association de frappes localisées et de tirs en mouvement – ils se déplacent souvent à moto et en groupes – semant abomination et désolation sur leur passage. Ce qui rend plus difficile la réponse des forces de l’ordre et de secours.

En se comportant comme en territoire conquis ce vendredi, l’objectif de ces marchands de la terreur est de sidérer l’opinion et de déstabiliser la société togolaise.

Face à cette volonté morbide de semer le chaos, par tous les moyens, la réponse militaire a souvent montré ses limites. C’est pourquoi, afin de combattre plus efficacement ces ennemis invisibles nulle part mais présents partout, il est important de mettre en place une stratégie de lutte qui définit clairement les rôles des différentes forces nécessaires à la cause. La réponse militaire face au phénomène du terrorisme qui s’apparente aujourd’hui à une guerre non conventionnelle est inévitable. Toutefois, elle doit venir en appui d’une chaîne d’actions bien coordonnées.

Il faut un réarmement militaire face à la menace, mais il faut d’abord et avant tout investir dans l’information. Celui qui a l’information, a le pouvoir, dit-on. Pour cela, la collaboration et la coopération entre les populations civiles et les forces de défense et sécurité doivent être privilégiées. N’oublions pas que depuis la création de Daech, le terrorisme a changé de visage et de forme.
Désormais, ces propagateurs de la mort n’ont plus besoin de planifier des attentats en détournant un avion par exemple, comme en 2001 aux États-Unis. Tout peut servir à commettre le crime. Les réseaux de recrutement des terroristes peuvent piocher partout, même à l’intérieur du pays où ils veulent frapper; et c’est là le plus dangereux. Qui sait, ces cellules dormantes sont peut-être déjà parmi nous, prêtes à servir d’appui ou de relai aux groupes extérieurs. Alors, comment les identifier ou du moins anticiper sur leurs projets d’attaques?

L’échange d’informations entre les populations, les chefs traditionnels, les autorités locales, les forces de défense et de sécurité, est nécessaire. En plus de cela, il ne faudrait pas négliger la coopération transfrontalière. On ne combat pas le terrorisme à coup de slogans politiques ni en faisant de l’exclusion. Dans cette «guerre», toutes les compétences doivent être prises en compte, indépendamment des considérations politiques.

Mais, ne faisons pas d’amalgame. Sommes-nous face à une menace terroriste ou au djihadisme, comme on l’entend souvent à chaque coup d’éclat de ces groupes armés? Sans verser dans des définitions conceptuelles – ce qui serait superfétatoire -, posons-nous les bonnes questions: ces individus qui viennent nous frapper en plein cœur appartiennent-ils à des réseaux de trafic en tous genres ou sont-ils des combattants de Daech ou d’Al-Qaïda et donc au service d’une idéologie religieuse? Cette nécessaire différenciation nous évitera d’exacerber le phénomène en tombant sans le vouloir dans une stigmatisation religieuse aux conséquences imprévisibles.

À ce niveau, les médias ont un rôle important à jouer. Le djihadisme a un arrière-fond religieux. Ces individus qui ont tué nos vaillants soldats en mai, égorgé nos frères, pères, mères, enfants ce vendredi, l’ont-ils fait pour la cause d’Allah ou s’agit-il de représailles à certains choix osés de notre pays dans un contexte géopolitique sous-régional particulièrement tendu ou est-ce simplement le fait de groupes de trafiquants qui règnent en maîtres absolus dans le Sahel et qui se dirigent désormais vers les côtes ouest-africaines? Nous devons savoir de quoi nous parlons.«Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde», disait Albert Camus.

Ambroise DAGNON
... suite de l'article sur Autre presse

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