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Terrorisme: Que reste-t-il d’Al-Qaida ?

Publié le jeudi 4 aout 2022  |  ORIENT 21
Ayman
© Autre presse par DR
Ayman al-Zawahiri, chef d`al-Qaïda
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D’une organisation unifiée incarnant le djihad international, Al-Qaida s’est transformée au fil des décennies en actrice de plusieurs insurrections à travers le monde. À la suite de l’intervention américaine de 2001, ses adeptes se sont éparpillés depuis le foyer afghan sur différents théâtres de guerre, notamment dans toute la région du Sahel.


Al-Qaida1 a survécu aux morts violentes de ses deux principaux fondateurs : le Palestinien Abdallah Azzam et le Saoudien Oussama Ben Laden, l’un théoricien du djihad issu de la cause palestinienne, l’autre richissime héritier légitimé par son aura yéménite. Tous les deux ont été tués au Pakistan, à 22 ans d’intervalle, Azzam à Peshawar dans un attentat à la bombe en 1989, et Ben Laden à Abbottabad sous le feu d’un commando américain en 2011.

La chute de l’Émirat islamique taliban en Afghanistan après l’intervention américaine de 2001 avait poussé une nouvelle fois Ben Laden et ses hommes sur les routes de l’exil. Privé de sa nationalité saoudienne et de son refuge soudanais quelques années plus tôt, Ben Laden se retrouve alors sans sanctuaire. Sa propre famille, avec une partie du haut commandement de l’organisation, se réfugie alors en Iran, où certains se trouvent encore aujourd’hui, comme l’Égyptien Saif Al-Adl2. Quant à lui, il passera avec d’autres la frontière vers le Pakistan voisin. Mais au lieu de s’éteindre, Al-Qaida va s’exporter pour survivre, et c’est une autre intervention militaire américaine qui lui donnera un nouveau souffle, cette fois en Irak.

QUAND LA BRANCHE MÉSOPOTAMIENNE SOUTIENT LA MAISON MÈRE


C’est là que se fait donc une des premières exportations du groupe, avec l’instauration d’Al-Qaida en Mésopotamie, sous le commandement du fameux Abou Moussab Al-Zarqaoui dès 2003. Ce dernier est un repris de justice jordanien, rejeté par Ben Laden quelques années plus tôt en Afghanistan, mais finalement accepté dans les rangs d’Al-Qaida après la débâcle des talibans et l’intervention américaine en Irak en 2003. Après avoir traversé l’Iran, Zarqaoui a été reçu par les premiers djihadistes d’Irak, les Kurdes d’Ansar Al-Islam de Halabja, dans le Kurdistan irakien. Il devient très vite l’un des deux principaux «alibis» de l’administration Bush qui l’accuse — à tort — de faire le lien entre Al-Qaida et Saddam Hussein. Il est même officiellement dit que Zarqaoui chercherait à doter Al-Qaida d’une capacité chimique avec l’assistance du régime irakien. On sait depuis lors que ces allégations n’avaient aucun fondement…

L’intervention américaine inverse radicalement le rapport de force. Ben Laden qui a perdu une bonne partie des soutiens, des moyens et des réseaux dont il jouissait avant le 11 — Septembre a désormais besoin de Zarqaoui. Dans cette équation, c’est la nouvelle branche irakienne qui va soutenir Al-Qaida centrale financièrement, tout en lui assurant une continuité d’existence et de recrutement sur la scène internationale. En 2003, la première puissance mondiale, «victorieuse» selon ses dirigeants, était de fait engluée dans deux conflits asymétriques, à portée des djihadistes d’Al-Qaida. Ben Laden a ainsi réussi à réaliser son souhait: «attirer les États-Unis sur le champ de bataille».

Pourtant, un débat a lieu au sein du commandement d’Al-Qaida sur les bénéfices à tirer d’une filiale irakienne conduite par Zarqaoui. L’homme, bien que charismatique, produit un effet repoussoir chez « le commun des musulmans », du fait de sa radicalité et de son ciblage de la communauté chiite, de même que par son sens de la mise en scène morbide3. Le débat tourne court, car Zarqaoui est tué par les forces américaines en juin 2006. Quelques mois après, différents groupes irakiens, dont Al-Qaida en Mésopotamie, s’unissent avec d’autres factions claniques sunnites pour former l’État islamique d’Irak (EII), embryon de l’actuel État islamique (EI).

La branche irakienne d’Al-Qaida se dissout donc dans cette nouvelle formation. À défaut d’être le fondateur de l’EI, Zarqaoui en est le père spirituel. En 2007, Ayman Al-Zawahiri, actuel numéro 1, annonce publiquement qu’Al-Qaida n’a plus de présence en Irak. Pour certains au sein de la mouvance, il fallait en effet se dissocier des agissements des héritiers de Zarqaoui et de leurs méthodes. Pour d’autres, Al-Qaida venait d’acter la perte d’un territoire à gros potentiel au profit d’un groupe qui pourrait l’éclipser. L’organisation ne pourra plus jamais retourner en Irak. La suite de cette séparation est définitivement actée par un divorce sanglant six ans plus tard en Syrie et l’expansion mondiale de l’EI.

SUR LE FRONT DU MAGHREB…


L’Algérie est un des premiers pays à subir le retour de certains « Afghans arabes » dans leurs pays d’origine au début des années 1990. Suivra « la décennie noire », avec ses drames, ses manipulations, ses exactions et son amnistie générale en 2002 qui met fin à la guerre civile. C’est sans compter avec les irréductibles parmi les djihadistes, qui forment en 1998 le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) dans le but de « purifier les rangs des infiltrés et des déviants ». Le GSPC prête allégeance à Al-Qaida en 2007 sous le nom d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). L’architecte de cette implantation est feu Abou Moussab Abdel Wadoud Droukdel.

Les forces armées algériennes mettent le groupe en grande difficulté dès sa formation, le forçant à chercher des alternatives à ses sanctuaires montagneux, ou à défaut, des voies de ravitaillement qui l’aideraient à survivre à la pression croissante. L’année 2009 voit la sortie d’AQMI du territoire algérien avec la confirmation de sa présence au Nord-Mali, et la revendication d’une attaque visant l’ambassade de France à Nouakchott, la capitale mauritanienne. Le chaos des révolutions arabes aidant — AQMI et Al-Qaida en général ont vu d’un bon œil les soulèvements des «printemps arabes».

Ils ont soutenu via des communiqués le Hirak en Algérie et les manifestations de Khartoum et de Bamako —, AQMI trouve également des relais du côté tunisien de la frontière dès 2011 avec Ansar Al-Charia, puis sous le nom de l’Unité Oukba Ibn Nafaa qui revendique des opérations au nom d’AQMI à partir de 2015, après la dissolution d’Ansar Al-Charia. Plusieurs membres de ce groupe trouvent refuge chez Ansar Al-Charia Libye, alors que des centaines de départs avaient déjà eu lieu depuis la Tunisie et la Libye vers le Levant, principalement dans les rangs d’Al-Qaida dès 2012, et de l’EI en Irak et au Levant (EIIL) dès 2013. Les liens étaient très forts entre les deux versions d’Ansar Al-Charia. Abou Iyadh Al-Tounsi était au chevet de Mohamed Al-Zahawi, émir d’Ansar Al-Charia Libye, quand il est mort au combat à Benghazi en 2015, face à l’armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar.

… ET DU SAHEL


Avec la destitution de Mouammar Kadhafi fin 2011, des unités entières de l’armée libyenne se retrouvent livrées à elles-mêmes. Parmi elles, les unités majoritairement touareg originaires du Nord-Mali. Ces combattants décident de revenir au pays avec armes et bagages. Ils bousculent l’armée malienne jusqu’au centre du pays. Les rebelles touareg sont évincés à leur tour par les djihadistes qui les ont épaulés contre l’armée malienne. Les quelques mois de règne djihadiste qui suivent au Nord-Mali en 2012 sont très riches d’enseignements. On constate une tentative d’administration du territoire et des populations, mais aussi une transgression des directives du commandement d’AQMI qui appelait à une application mesurée de la charia pour gagner les cœurs et les esprits. Les quelques mois de gouvernance arrivent à leur terme avec l’intervention française en janvier 2013.

La percée stratégique d’AQMI — et donc d’Al-Qaida — devra attendre encore quelques années. De déboires en débâcles, face aux pressions étatiques et au tsunami de l’EI dans la sphère djihadiste mondiale, AQMI a su tirer son épingle du jeu en unifiant trois factions djihadistes avec sa propre branche sahélienne sous la bannière d’un nouveau groupe, Jamaat Nusrat Al-Islam Wal Muslimin (JNIM) début 2017. Droukdel réussit, suivant le conseil de celui qui lui succèdera à la tête d’AQMI, Abou Oubaïda Youssef Al-Anabi, à unifier les factions djihadistes du Sahel sous une seule bannière. Ses choix sont militaires, dogmatiques, mais aussi politiques. Pour la première fois, un Targui, Iyad Ag Ghali, est porté à un haut niveau de commandement et donne un ancrage malien au groupe. Il est secondé par un prédicateur peul, Mohamad Kouffa, qui ouvre des perspectives inédites vers le sud en termes de recrutement et de capacité de frappe. Cette évolution se manifeste à travers la poussée djihadiste dans le centre du Mali et au nord du Burkina Faso, comme à travers la capacité de recrutement du JNIM au sein de différentes communautés ethniques.


Aujourd’hui le JNIM est totalement imbriqué dans les dynamiques des conflits locaux, dans le tissu sociétal et même économique. Pourtant, le groupe a annoncé à plusieurs reprises son souhait de négocier, tout en affirmant que la guerre avec la France se limite au Sahel. Une sortie inédite pour une branche d’Al-Qaida, «des guerres épiques djihadistes» vers des objectifs plus réalistes. Paradoxalement, les pays occidentaux, y compris la France, se retrouvent enfermés dans une guerre sans fin «contre le terrorisme». Ces annonces sont certainement politiques et s’adressent aux opinions publiques africaines, française et européennes, mais elles sont aussi dues à la pression militaire française et à la guerre en cours avec l’EI depuis la fin de l’exception sahélienne fin 2019. Ceci n’empêche pas pour autant le JNIM de détenir un otage français, le journaliste Olivier Dubois, ni d’avoir des visées encore plus au sud vers les pays du Golfe de Guinée, une zone qui concentre plusieurs intérêts stratégiques pour la France et qui n’est toujours pas à la portée de l’EI rival.

UN ÉCHEC STRATÉGIQUE

L’année 2017, celle de la percée stratégique au Sahel, compense le lourd échec de l’organisation en Syrie acté dès l’été 2016, et dont le principal responsable n’est autre que le Syrien Abou Mohamad Al-Joulani. Joulani combattait initialement dans les rangs de l’EII quand la révolution puis la guerre éclatent en Syrie. Dès 2012, feu Abou Bakr Al-Baghdadi décide de le renvoyer dans son pays d’origine, avec une poignée d’hommes et la moitié de la trésorerie du groupe, très affaibli à cette époque. Les djihadistes profitent d’un terrain favorable et des réseaux logistiques préexistants en Syrie pour passer à l’action. Ils recrutent dans les rangs rebelles et au sein de la population et prennent le nom de Front Al-Nosra, qui devient l’un des groupes les plus efficaces dans la mosaïque des formations rebelles syriennes.

En 2012, les premiers combattants étrangers arrivent sur le sol syrien. Joulani prenant trop de liberté et refusant d’exécuter certains ordres jugés « illégitimes » de sa hiérarchie irakienne, Baghdadi annonce la dissolution du Front Al-Nosra et de l’État islamique d’Irak, puis la création de l’EIIL début 2013. Joulani refuse de dissoudre son groupe et prête allégeance à Al-Qaida et au successeur de Ben Laden, Ayman Al-Zawahiri. Le Front Al-Nosra devient alors officiellement la branche syrienne d’Al-Qaida et rentre en guerre ouverte contre l’EIIL. Au fil des mois, les hommes de Joulani perdent la guerre intradjihadiste contre l’EI, transformé en califat à l’été 2014, et se retrouvent confinés dans la région d’Idleb et ses environs4.

Le groupe prend ses distances avec Al-Qaida en 2016. D’abord d’un commun accord quand l’un des plus hauts responsables d’Al-Qaida, Abou Al-Kheir Al-Masri annonce aux côtés de Joulani la rupture à l’amiable entre les deux entités. Mais Joulani rompt rapidement avec cet arrangement, et son groupe finit par pourchasser les commandants et membres d’Al-Qaida dans le réduit d’Idleb. Beaucoup sont aujourd’hui emprisonnés, quand ils n’ont pas été chassés ou tués. Joulani donne des gages à la communauté internationale et il fournit même, selon certaines sources djihadistes, les informations qui ont permis aux Américains de cibler et de tuer une bonne partie des commandants d’Al-Qaida présents sur le sol syrien.

UNE ORGANISATION DÉCENTRALISÉE

Après plus de trois décennies d’existence, il est faux de croire qu’Al-Qaida est une organisation qui œuvre exclusivement à frapper l’Occident et les Occidentaux, malgré les attentats commis sur le territoire européen et aux États-Unis5. Le groupe a autant un parcours terroriste qu’un parcours insurrectionnel et politique, le terrorisme n’étant qu’un moyen mis au service d’une fin politique. Al-Qaida a toujours cherché à s’imbriquer sur des territoires qui sont souvent des théâtres de guerre antérieurs à l’implantation djihadiste. Ce fut le cas en Afghanistan, en Somalie, au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban, au Mali etc.

Frapper l’ennemi proche ou l’ennemi lointain n’est finalement qu’une question d’opportunité et de circonstances, toujours au service du projet djihadiste et sociétal d’Al-Qaida. La décentralisation à outrance du groupe a été confirmée publiquement par Anabi, aujourd’hui à la tête d’AQMI : « Al-Qaida centrale se contente de donner des directives générales que les branches essayent de suivre avec leurs propres moyens ». Il revient donc à chaque branche de gérer son quotidien opérationnel, ses alliances et ses finances, ce qui n’empêche pas l’entraide entre branches et avec Al-Qaida centrale, ni les consultations à différents niveaux et au sein du comité Hattin qui regroupe les principales figures du groupe.



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