Annoncée en mai à Malabo, la création d’une agence et d’un fonds africains consacrés à l’action humanitaire avance timidement. Il y a pourtant urgence, compte tenu de l’ampleur des crises sanitaire, climatique, alimentaire et sécuritaire.
Par Mabingué Ngom (Directeur du bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population pour les régions Afrique de l’Ouest et Afrique centrale, qui couvre 23 pays).
Dans une situation de crise humanitaire, une femme sur cinq est susceptible d’être enceinte. Sans accès à des services de santé reproductive, les 15-49 ans encourent un risque accru de complications potentiellement fatales. Elles sont nombreuses, aussi, à perdre accès à la planification familiale, ce qui les expose au risque de grossesse non désirée, dans des conditions périlleuses.
Les jeunes, eux aussi en première ligne dans ces crises en raison de leur poids démographique en Afrique, sont en situation de grande vulnérabilité lorsqu’ils sont traumatisés par la violence et déscolarisés depuis longtemps.
Pis, ils sont exposés au risque d’être instrumentalisés par des groupes armés.
En Afrique, 75% de l’activité humanitaire mondiale
Autant de raisons, pour le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), de soutenir la nouvelle Agence humanitaire de l’Union africaine (AHUA), qui permettra à l’Afrique de prendre en charge ses propres crises. Cette initiative, qui s’inscrit dans la droite ligne de l’Agenda 2063 de l’UA et des Objectifs de développement durable (ODD), vise à combler une lacune abyssale, en s’appuyant sur des instances nationales, sous-régionales et sur des partenaires étrangers.
L’AHUA vise à améliorer l’efficacité et la coordination de la réponse aux crises humanitaires dans des domaines où les efforts restent insuffisants, comme les services en faveur des jeunes et des femmes. L’aide délivrée sur le terrain reste en effet loin des attentes et largement en-deçà des besoins, malgré les promesses et déclarations de toutes parts.
L’AHUA, qui sera bientôt active, commence à lever des fonds : 140 millions de dollars d’engagements ont été entérinés lors du Sommet humanitaire et de la Conférence des donateurs, organisés par l’UA et la Guinée équatoriale à la fin de mai à Malabo. Un bon début, qui ne représente cependant que 1% des 14 milliards de dollars que l’on estime nécessaires à la réalisation de ce mandat stratégique.
L’Afrique, où s’exerce 75% de l’activité humanitaire globale, abrite 26 % des réfugiés du monde entier, et 114 millions de personnes y ont besoin d’une assistance, selon les Nations unies. Le continent est par ailleurs le théâtre de quinze des trente-deux conflits armés recensés dans le monde. Autant de crises qui sapent ses chances de tirer le profit tant attendu de son dividende démographique, et ce au moment où la baisse des taux de natalité et de mortalité est porteuse de croissance économique, si les bons investissements sont faits dans la santé et l’éducation.
«Kits de dignité»
Les crises humanitaires touchent quinze pays africains de manière récurrente, en raison du terrorisme, des conflits et du changement climatique, dont les effets se multiplient, allant des inondations aux épisodes de sécheresse sévère.
Le contexte est par ailleurs marqué par les répercussions de la situation en Ukraine sur la sécurité alimentaire. En 2021, avant cette guerre, pas moins de 58 millions de personnes étaient déjà en situation d’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, selon l’UA. Ce chiffre, en hausse de 30% par rapport à 2020, n’inclut pas les 3 millions de personnes déplacées et réfugiées dans le bassin du lac Tchad.
La RDC, le Soudan et le Nigeria sont les pays d’Afrique qui, en 2021, ont eu le plus recours à l’aide d’urgence de la FNUAP – avec notamment la distribution de «kits de dignité», qui contiennent des produits hygiéniques féminins et des kits d’accouchement.
Les interventions sont adaptées aux circonstances de chaque crise. Des salles d’accouchement provisoires sont installées dans des bâtiments endommagés, des cliniques de santé mobiles dépêchées sur le terrain et des motos mises à la disposition des sages-femmes.
Fort de son expérience et de son savoir-faire, qui s’appuie sur de très nombreux partenariats, le FNUAP fait de la lutte contre la violence fondée sur le genre dans les contextes humanitaires une priorité. Son approche repose sur la prévention et la réponse à ces violences, par l’équipement des centres de santé et la formation de leurs personnels.
Une mortalité maternelle inacceptable
Même dans des conditions normales, les problèmes de santé reproductive sont une cause majeure de décès et de maladie parmi les femmes en âge de procréer, certains pays affichant des taux de mortalité maternelle d’autant plus inacceptables qu’ils sont évitables. En situation de crise humanitaire, il est encore plus difficile pour les femmes de prendre soin d’elles-mêmes. Elles veillent sur leurs familles et leurs voisins, au risque de négliger leurs propres besoins.... suite de l'article sur Jeune Afrique