Installée depuis 2011 au Togo, la société « Pierre Ornementale et Marbres du Togo (POMAR-Togo) »
au sein de laquelle on retrouve certains pontes du régime, bénéficie
d’une kyrielle d’avantages qui font dire à beaucoup d’observateurs qu’il
pourrait s’agir d’une société écran. Surtout qu’au Togo, les mines sont
un domaine pourri où des réseaux obscurs fleurissent. En plus, les
marbres de Pagala (Préfecture de Blitta) ne sont pas vendus sur le
marché togolais. Ce qui constitue une violation de la Convention d’investissement entre la République togolaise et POMAR-Togo S.A.
« Un permis
d’exploitation à grande échelle du gisement de marbre et pierres
ornementales de Pagala, préfecture de Blitta, est accordé à la société
POMAR-Togo S.A », stipule l’article 1er du Décret N°
2010-144/PR portant attribution d’un permis d’exploitation à grande
échelle du gisement de marbre et pierres ornementales de Pagala,
préfecture de Blitta à la société POMAR-Togo. S.A. Ce permis correspond à
environ deux millions (2 000 000) de mètre cubes de matériaux par mètre
de profondeur et couvre une superficie de douze virgule quatre
kilomètre carrée (12,4 km²). Ainsi, courant 2011, cette société dont les
premiers responsables sont des Espagnols – le grand arbre qui cache la
forêt des magouilles -, a commencé à exploiter le gisement de Pagala
avant l’inauguration officielle qui s’est déroulée le 24 mai 2012 en
présence du chef de l’Etat togolais. Mais pourquoi Grupo Pagala S.L. qui
avait auparavant réalisé des études et analyses physico-chimiques sur
des échantillons de divers gisements de marbre et de pierres
ornementales, entre autres, Pagala, Gnaoulou, Namon, Kamina-Akebou,
Djamde, Bassar, Glito, Sotouboua et dans d’autres localités des régions
de Dapaong et de la Kara, a-t-il changé de nom lorsqu’il a émis le vœu
d’exploiter ce type de ressources et de construire une usine de
transformation de marbre et pierres ornementales à Lomé ? Mystère. Dans
la Convention d’investissement, il a été tout simplement dit que « Pour se conformer à la réglementation en vigueur, Grupo Pagala S.L. a créé la societe Pomar-Togo SA ». Inutile de demander de quelle réglementation il s’agit. Ce qu’il faut savoir c’est que l’Etat togolais aurait pris « une participation non payante de dix pour cent (10 %) du capital social de POMAR-Togo S.A »
(article 22). Et c’est l’indéboulonnable ministre des Mines, Dammipi
Noupokou, le protégé de Barry Moussa Barqué, qui représente l’Etat dans
les organes de POMAR-Togo S.A. Par-dessus tout, la Présidente du Conseil
d’Administration de POMAR-Togo S.A a pour nom Mme Rebecca Atayi,
ex-épouse Glikou devenue intime de Faure Gnassingbé, directrice de
Platine Communication. C’est d’ailleurs cette femme d’affaires de la
République qui a représenté l’investisseur et signé le 23 novembre 2010
la Convention d’investissement avec les ministres Adji-Otèth Ayassor des
Finances et Dammipi Noupokou des Mines, les représentants de l’Etat.
Comme on le voit, le choix
de Mme Rebecca Atayi est loin d’être fortuit. Tout comme les nombreux
avantages qui sont accordés à POMAR-Togo S.A tant sur le plan des
infrastructures que fiscal. L’Etat s’est par exemple engagé à permettre
l’utilisation par POMAR-Togo S.A à des conditions préférentielles des
infrastructures suivantes : le quai minéralier du Port Autonome de Lomé,
les chemins de fer Lomé-Blitta et le réseau ferroviaire togolais.
L’Etat devra aussi assister POMAR-Togo S.A en vue de négocier et obtenir
des tarifs préférentiels de la part de : Port autonome de Lomé, CEET,
Togolaise des eaux, Togotélécom et Togocellulaire. « De même, l’Etat
assistera POMAR-Togo S.A pour l’obtention du droit d’importer,
d’installer, de posséder et d’exploiter des réseaux de télécommunication
privés, y compris antennes de satellites, stations terriennes par
satellite (V-SAT), système de micro-ondes, commutateurs, réseau local et
système d’équipements terminaux nécessaires à la fourniture de canaux
commerciaux internationaux, de données et de services de
télécommunications vidéos, sous réserve de se conformer aux
prescriptions légales en vigueur », indique la dernière partie de l’alinéa 1 de l’article 12.
Mais c’est sur le plan fiscal et douanier que les magouilles sont organisées. En effet, l’alinéa 1 de l’article 1er de l’annexe 6 de la Convention d’investissement (Lire texte en encadré) dispose qu’« A
Partir de la date de signature de la présente Convention et jusqu’a la
date de la première production commerciale (cette date ne pouvant
excéder la période initiale), dûment constatée par les structures de
contrôle du ministère chargé des Mines, POMAR-Togo S.A. est exonéré de
tous impôts et taxes directs et/ou assimilés ». Quid de la « période initiale » ? Selon la Convention, elle est la période courant à compter
de la date à laquelle l’ensemble des conditions préalables prévues à
l’article 5 de la présente Convention sont réalisées jusqu’à la date de
la première production commerciale, cette période ne pouvant excéder
trente (30) mois. De fait, il convient de s’intéresser au contenu de cet
article 5 : « Les parties conviennent que la réalisation effective
de l’investissement est soumise aux conditions préalables ci-après que
l’Etat s’engage dès l’entrée en vigueur de la présente Convention à
remplir pour permettre à l’investisseur d’exécuter ses obligations :
i. la signature et la publication du Décret ;
ii. la délivrance du Certificat de conformité environnementale pour l’exploitation ;
Au cas où les conditions préalables
précitées n’auraient pas été remplies dès l’entrée en vigueur de la
Convention, la durée de la Convention et du permis sera automatiquement
prolongée d’une période égale au retard accuse ».
Toute la procédure ayant été
respectée depuis des années, rien ne peut s’opposer au paiement des
impôts et taxes directes par POMAR-Togo SA. Mais depuis bientôt trois
ans que cette société exploite les marbres de Pagala, elle n’apporte
rien au budget togolais. Dans la loi des finances 2014 par exemple,
POMAR-Togo SA ne figure pas parmi les sociétés privées qui vont apporter
leur contribution. Cette société hispano-togolaise semble être gérée en
vase clos.
Là où le bât blesse, c’est que le marbre
n’est pas vendu sur le marché togolais. Toute la production est
destinée à l’exportation. « Le marbre de Pagala est exploitable à
l’infini. 200 mètres de profondeur, le Togo en a pour une exploitation
régulière de plus de 100 ans. C’est pourquoi, le Groupe DENNIS n’a pas
hésité à y mettre 100 milliards de FCFA dont 20 pour la construction et
la réhabilitation des usines et la réouverture des 4 premières carrières
pour mettre cette mine au service de l’économie togolaise balbutiante.
Jean Marc (Directeur des travaux de POMAR, NDLR) nous a donné des
détails sur les travaux effectués par une bonne centaine d’ouvriers et
de cadres togolais et espagnols, spécialistes héréditaire du travail de
marbre. Sur place, étaient positionnés 3000 blocs qui s’apprêtent à être
transpostés par les camions et les remorques, destination, Chine et
Espagne et USA. Des clients du Ghana s’en procurent également pour
d’autres besoins, en construction », a écrit récemment notre confrère « L’Indépendant Express » après une visite sur le site.
En sevrant le marché togolais de sa
production, POMAR-Togo SA viole les termes de la Convention
d’investissement intervenue le 23 novembre 2010 entre elle et la
République togolaise. Notamment l’alinéa 2 de son article 7 : « A
condition qu’elle remplisse toutes les formalités du Code Minier et la
réglementation en vigueur au Togo, POMAR-Togo S.A. peut vendre et/ou
exporter hors du territoire national le marbre et les pierres
ornementales sous toutes ses formas ainsi que tous Produits dérivés
issus de la production de l’usine, étant toutefois entendu que
POMAR-Togo S.A. veillera à donner priorité à l’approvisionnement du
marche togolais ». Depuis 2011, la priorité est plutôt donnée à l’exportation. Une situation anormale qui n’émeut aucun membre de l’exécutif.
Par ailleurs, la création de la
Fondation qui fait partie des obligations de POMAR-Togo SA et dont le
but est d’aider les collectivités locales en contribuant à des projets
sociaux tels que aide au développement d’écoles, de dispensaires, etc.,
se fait désirer. De plus, l’indemnité d’expropriation qui devrait être
payée aux propriétaires terraine, ne l’est pas jusqu’à ce jour. Affaire à
suivre.
R. Kédjagni
ANNEXE:6
REGIME FISCAL ET DOUANIER DE L’INVESTISSEUR
Article premier: IMPOTS DIRECTS
1.1. A Partir de la date de signature de la présente
Convention et jusqu’à la Date de la Première Production Commerciale
(cette date ne pouvant excéder la Période Initiale), dûment constatée
par les structures de contrôle du ministère en charge des Mines,
POMAR-Togo S.A. est exonéré de tous impôts et taxes directs et/ou
assimilés.
1.2. Au-delà de la Période Initiale, PO MAR-Togo S.A. est
soumise aux impôts directs et assimilés conformément au droit commun.
Cependant, POMAR- Togo S.A. bénéficie des dispositions particulières
ci-après sous réserve que les investissements projetés s’élèvent à un
montant, équivalent en francs CFA à la date de la signature de la
Convention, supérieur ou égal à cent cinquante millions de dollars
(150000000 USD) :
1.2.1) Impôt Minimum Forfaitaire (IMF), Impôt des Sociétés (IS)
i.IS: POMAR-Togo S.A. bénéficie de l’exonération pendant les
dix (10) premières années et paiera, à titre de l’impôt sur les
sociétés, un taux de quinze pour cent (15 %) du bénéfice imposable à
partir de la onzième (11e) année.
ii.IMF: POMAR-Togo S.A. bénéficie de l’exonération pendant les
dix (10) premières années et paiera, à titre d’impôt minimum
forfaitaire, quinze pour cent (15 %) du montant de l’impôt correspondant
au chiffre d’affaires réalisé à partir de la onzième (11e) année.
iii. Exonération d’une quote-part de bénéfice pour le calcul
de l’Impôt sur les Sociétés (IS) et d’une quote-part du chiffre
d’affaires pour le calcul de l’IMF dus au titre d’un exercice, égale à
la proportion du Chiffre d’Affaires réalisé à l’exportation au cours
dudit exercice par rapport au Chiffre d’Affaires global hors TVA de
l’entreprise.
Cette exonération ne pourra cependant pas s’appliquer au delà d’une
quote-part d’exportation supérieure à soixante-quinze pour cent (75 %)
du Chiffre d’Affaires global.
Cette exonération s’applique au titre de chaque exercice au cours
duquel l’entreprise réalise des exportations sans limitation de durée.
iv. Les intérêts payés sur des prêts sont déductibles, pourvu
que le taux d’intérêt ait été fixé sur une base commerciale raisonnable
et qu’il soit comparable à ce qui serait payé normalement par une autre
personne pour un financement semblable.
v. Les frais ou provisions pour des coûts ultérieurs de remise
en état de terrains, de fermeture ou de blocage et, généralement, de
tout ce qui est nécessaire pour rendre sûre et inoffensive toute
installation utilisée dans les activités minières sont déductibles.
1.2.2) Taxe sur les Salaires
Application de la taxe sur les salaires au taux réduit de deux pour
cent (2 %) sur les salaires versés aux salariés de nationalité togolaise
et/ou étrangère.
1.2.3) Impôt sur le Revenu-Catégorie des Capitaux Mobiliers (IR/RCM)
Exonération de l’impôt pendant les dix (10) premières années, Application du droit commun à partir de la onzième (11e) année.
1.2.4) Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties (TFPB)
Exonération pour les Biens des Périmètres des carrières et du terrain de l’Usine.
1.2.5) Taxe Professionnelle (TP)
POMAR-Togo S.A. est exonéré totalement de la taxe professionnelle(TP) pour toute la durée de la Convention.
1.2.6) Prélèvement et retenues à la source
Les impôts et taxes directs sur des prestations, locations, prêts et
licences à PO MAR-Togo S.A. s’appliquent dans les conditions qui
suivent:
i.IRPP
Aux fins du présent article, une personne qui est présente en
République togolaise pour moins de 183 jours dans une année calendaire
est considérée sur le plan fiscal, comme, étant non résidente dans la
République. Si sa présence dépasse cette limite, elle est considérée
comme fiscalement résidente et doit se conformer à toutes les
obligations de droit commun.
ii. Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC)
Exonération de l’impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux
(BIC) au cordon douanier pour les dix (10) premières années
d’exploitation.
Article 2 : IMPOTS INDIRECTS- DROITS ET TAXES DE DOUANE
2.1. Au delà de la période initiale, POMAR-Togo
S.A. est soumise aux impôts indirects, droits et taxes-de-douane
conformément au droit commun. Cependant, POMAR- Togo bénéficie des
dispositions particulières ci-après pour toute la durée de la
Convention, sous réserve que les investissements projetés s’élèvent à un
montant, équivalent en FCFA à la date de la signature de la Convention,
supérieur ou égal à cent cinquante millions de dollars US (150.000.000
USD) de :
-la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), des droits de douane et autres
contributions indirectes de toute nature perçus à l’importation des
Biens et services qui sont destinés exclusivement à l’exécution du
Projet;
- la Taxe sur les Activités Financières (T AF) ; tous droits et taxes
exigibles en régime intérieur sur les acquisitions de Biens, services
et travaux de toute nature destinés exclusivement à l’exécution du
Projet.
2.2. L’importation et la réexportation de Biens de POMAR-Togo
S.A. et de ses prestataires de services destinés aux activités
d’exploitation minière ne sont soumises à aucun droit ou taxe de douane
ni à la taxe de statistique, jusqu’à la date de la première production
commerciale, conformément à l’article 53 du Code Minier. Toutefois, les
effets personnels du personnel expatrié en cours d’usage peuvent être
importés en exonération du droit d’entrée et de la TVA.
L’importation desdits effets se fera en un seul lot par
employé/expatrié, dans les six (06) premiers mois suivant l’installation
du bénéficiaire.
2.3. Pour les droits d’enregistrement aux apports effectués
lors de la création ou de l’augmentation du capital de la société
POMAR-Togo S.A., les taux suivants seront appliqués à POMAR- Togo S.A.
-zéro virgule six pour cent (0,6 %) jusqu’a cinq (05) milliards de franc C FA
- zéro virgule deux pour cent (0,2 %) au delà de cinq(05) milliards de franc CFA.
LIBERTE HEBDO