Le 25 septembre 2015, l’ensemble des États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) adoptait un nouveau programme de développement connu sous le nom de «Programme de développement durable à l’horizon 2030». Celui-ci prévoit alors la réalisation de 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) ayant pour but d’éradiquer la pauvreté, de protéger la planète et de permettre à toute personne d’évoluer dans un environnement social plus inclusif et moins inégalitaire. Depuis lors, en Afrique, de nombreux progrès ont été réalisés mais les mesures prises sont longtemps restées insuffisantes.
Le développement fulgurant du numérique sur le continent au cours de ces dernières années et son accélération depuis la pandémie de la COVID-19 tout particulièrement, apparaissent désormais comme le principal levier à la réalisation des ODD à l’horizon 2030. En effet, les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont un vecteur de réduction des inégalités socio-économiques et culturelles sur le continent, jouant également un rôle non-négligeable dans la protection de l’environnement ou encore dans la création de nouveaux emplois à travers l’émergence de l’économie numérique. In fine, les nouvelles technologies se présentent aujourd’hui comme le socle permettant l’émergence d’une Afrique plus durable et inclusive, en phase avec les ODD de l’Agenda des Nations Unies pour 2030.
Le numérique pour une Afrique désenclavée et inclusive
Le développement de la connectivité permettra à l’Afrique de répondre à l’enjeu de réduction de la pauvreté et à la lutte contre les inégalités sur le continent, piliers de la feuille de route des ODD.
En effet, en Afrique subsaharienne, selon la Banque mondiale, 58% de la population vivait en milieu rural en 2021, là où l’accès aux services publics de base tels que l’éducation et la santé représentent un défi de taille.
En 2020, l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) révélait dans son rapport «The State of Mobile Internet Connectivity 2020» que l’Afrique détenait l’écart de connectivité entre zones rurales et urbaines le plus important au monde, avec un taux de pénétration d’Internet de 16% en milieu rural contre 40% en zone urbaine (Rapport GSMA 2020). Dans les premières, force est de constater que les territoires sont difficiles d’accès. Les opérateurs télécom pourront le confirmer. En effet, ces zones faisant face à un déficit d’accessibilité, l’extension du réseau y est alors très onéreuse, les opérateurs faisant donc appel à des solutions généralement coûteuses (générateurs fonctionnant au diesel par exemple).
Dans ce contexte, le développement de solutions numériques s’est révélé salvateur et a permis de désenclaver ces régions reculées et ainsi favoriser l’accès à une connexion optimale pour les populations. De tels progrès ont été en partie rendus possibles par des équipementiers (le rôle des opérateurs ne devant pas non plus être négligé), dont l’engagement en faveur d’une Afrique inclusive s’inscrit au cœur de leurs actions. L’exemple de Huawei est ainsi significatif.
Dans la région Northern Africa plus particulièrement, le géant des télécommunications a déployé la solution RuralStar Pro dans dix pays, permettant ainsi à quelques 4,5 millions de personnes venant de plus de 1.000 villages d’avoir accès à la connexion. Autoalimentée, requérant une faible consommation d’énergie et peu coûteuse, cette solution a permis aux populations vivant dans des zones reculées d’avoir accès à un Internet à haut débit et de haute qualité.
La problématique des zones reculées et de la faiblesse des infrastructures se fait également ressentir dans le secteur de la santé. Tandis que l’on compte un grand nombre de déserts médicaux en Afrique et que l’on dénombre seulement 2 médecins pour 10.000 habitants, l’accès au numérique apparaît donc comme un vecteur de démocratisation de l’accès aux soins, à travers la télémédecine ou encore la souscription à des assurances de santé via le téléphone mobile. Ce désenclavement médical est d’autant plus important que le manque d’infrastructures de transport sur le continent ne permet pas toujours aux populations de se rendre dans les zones urbaines pour accéder aux services publics jugés essentiels.
De surcroît, et au même titre que la santé, la connectivité est également à l’origine d’une démocratisation de l’accès à l’éducation, permettant ainsi de répondre à l’ODD n°4 qui veille à «ce que tous puissent suivre une éducation de qualité dans des conditions d’équité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie». Si l’accès aux ressources éducatives en Afrique a toujours représenté un défi majeur pour les gouvernements du continent, la pandémie de la COVID-19 est venue accroître les disparités sévissant entre régions rurales et urbaines et a profondément secoué le système éducatif des pays africains.
En rendant accessible l’éducation aux zones et foyers les plus modestes et les plus reculés à travers les plateformes de formation à distance, le numérique est ainsi venu réduire les inégalités sociales et territoriales qui s’opèrent en Afrique. Le secteur privé s’est tout particulièrement imposé comme un moteur clé dans le développement de l’éducation numérique. Seule une population qualifiée et formée, notamment aux technologies numériques, sera en mesure de répondre aux défis présents et futurs sur le continent.
Nombreux sont les acteurs à s’être lancés dans l’aventure de la formation aux TIC. A titre d’exemple, l’Office chérifien des Phosphates (OCP) a ouvert l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), lançant notamment un Centre de recherche appliquée en agro-technologie, en biosciences et en durabilité. Côté télécoms, l’équipementier chinois Huawei a développé plusieurs programmes d’e-learning. A travers son programme «Learn ON», l’entreprise a notamment déployé 260 cours en ligne dans plusieurs pays comme le Maroc, le Sénégal, l’Égypte, l’Algérie, l’Éthiopie ou la Côte d’Ivoire afin que l’apprentissage des TIC ne soit pas entravé par la pandémie. Si l’éducation est nécessaire à la réduction des inégalités socio-économiques en Afrique, elle est aussi et surtout le gage de la réduction des inégalités entre les sexes.
Si le numérique présente des avantages et des opportunités formidables pour une Afrique plus inclusive et plus résiliente, l’accès à l’ensemble de ces services reste conditionné par l’accès généralisé à l’électricité. Pour démocratiser l’accès à l’énergie, l’Afrique doit faire face à deux grands défis: l’augmentation de sa capacité de production et l’électrification du continent. Sans cela, le déficit d’accès à l’électricité restera l’un des obstacles majeurs au développement économique et social de l’Afrique et à la réalisation des Objectifs de Développement Durable d’ici dix ans. A titre d’exemple, en Afrique de l’Ouest, seule 42% de la population totale, - dont 8% de la population rurale -, a accès à l’électricité (selon un Rapport de la Banque mondiale).
Pourtant, le continent bénéficie d’importantes ressources en énergies renouvelables notamment solaire, éolienne et hydraulique. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la moitié de la croissance de la production électrique en Afrique d’ici 2040 pourrait venir des énergies renouvelables.
Si le développement d’infrastructures et de projets renouvelables à grande échelle nécessiterait d’importants investissements de la part des États, des solutions plus locales reposant sur des mini-réseaux raccordés à une source d’énergie renouvelable permettent dès aujourd’hui d’apporter de l’électricité en zone rurale sur un modèle de réseau décentralisé. Ainsi, l’opérateur français Orange, acteur notamment engagé dans l’inclusion énergétique à travers sa filiale Orange Energie née en 2017, a récemment annoncé un partenariat avec un acteur de référence dans la fourniture de services solaires off-grid: Bboxx.
Ce partenariat, lancé en juillet 2022, a pour objectif le déploiement de mini-réseaux en République Démocratique du Congo (selon Financial Afrik). Tout comme l’opérateur français, Huawei a développé une solution innovante qui combine les réseaux ruraux et l’énergie solaire à travers son projet Rural Solar Power. Le développement de tels projets constitue un prérequis au déploiement de solutions plus poussées telles que les Smart grids qui permettront à termes d’optimiser la production d’électricité par une gestion intelligente de l’intermittence des énergies renouvelables.
Ainsi, le développement du numérique laisse entrevoir les voies d’un avenir durable en Afrique reposant sur une gestion intelligente des ressources énergétiques du continent mais également de sa biodiversité et de ses villes.
Le numérique pour une Afrique durable
La fulgurante croissance de la population africaine d’ici à 2050 aura des conséquences importantes sur l’organisation territoriale du continent. En 2018, le continent enregistrait près de 400 millions de citadins, un chiffre qui est amené à atteindre les 1,2 milliards dans moins de 30 ans . De ce point de vue, les villes intelligentes - ou Smart cities - apparaissent comme la réponse à l’urgence de cette mutation sociodémographique et comme la solution pour répondre à l’ODD n°11 pour une ville durable.
En effet, cette transformation de taille au sein des villes risque de provoquer un engorgement et le développement de bidonvilles si elle n’est pas anticipée dès maintenant. Selon Antoine Picon, architecte, ingénieur et enseignant à Harvard, la Smart City est «une ville plus efficace grâce à l’apport des TIC, qui permettent de mieux gérer les infrastructures, les déplacements, etc» (selon une étude du Wavestone, 2020).
Grâce au Big Data, à l’intelligence artificielle (IA) et aux capteurs, les Smart cities permettent ainsi de réduire la pollution dans les villes à travers une gestion optimisée des réseaux énergétiques, le développement de transports en commun durables, la gestion de la circulation dans les villes, la création de quartiers plus verts et l’optimisation des infrastructures de services publics (santé, éducation, etc.).
Malgré le boom de l’exode rural que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années, les zones rurales conserveront tout de même une place centrale dans le développement du continent afin de répondre à l’enjeu de la sécurité alimentaire. Parce qu’elles permettent d’améliorer la productivité et le rendement des cultures tout en favorisant une meilleure gestion des ressources en eau et en énergie, les solutions d’agriculture numérique (AgTech) reposant sur les TIC sont une réponse à l’ODD n°2 visant à éradiquer la faim dans le monde. En 2017, l’Union Internationale des Télécommunication (UIT) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont uni leurs forces pour renforcer l’innovation en matière de TIC dans l’agriculture (Rapport Population & avenir 2018).
Secteur d’avenir, les agro-start-ups se sont développées à une allure fulgurante sur le continent ces dernières années. L’objectif de ces jeunes pousses est de s’attaquer aux lacunes des chaînes de valeurs agricoles afin d’optimiser la production de cultures. Les géants du numérique se sont également emparés du sujet afin d’apporter des solutions innovantes aux pays du continent. Au Maroc, le géant Huawei a développé le programme «Smart Irrigation».
Faisant appel à la 5G, le cloud, l’IA et le big data, celui-ci permet d’irriguer à distance, avec précision et de manière intelligente, en utilisant la quantité d’eau nécessaire afin d’accroître la production. Sur un continent où les ressources en eau se font rares et sont de plus en plus un terrain de conflits, ce type de projet repose sur l’utilisation de capteurs au sol permettant de collecter et de stocker les données afin de mesurer l’humidité, la température, la conductivité électrique ou encore la salinité de l’eau. Ce faisant, cela permet de réaliser une économie de gaspillage d’eau de plus de 60%. L’Afrique fait face à de nombreux défis en partie liés à l’accroissement de sa population et au changement climatique, celui-ci faisant peser de nombreux risques sur la croissance des pays du continent.
Le développement de solutions numériques apparaît dès lors comme le principal levier viable pour atteindre les Objectifs de Développement Durable d’ici à 2030. L’exploitation du potentiel numérique en Afrique repose cependant sur deux piliers qui doivent concentrer toute l’attention des pays africains: le déploiement d’infrastructures durables et de qualité permettant une électrification optimale du continent et la formation de sa jeunesse aux nouveaux métiers du numérique.