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L’étau se resserre autour du pouvoir Faure Gnassingbé / Exécution des recommandations de la CVJR : La Haut Commissaire adjointe du HCDH met à son tour la pression
Publié le dimanche 2 mars 2014  |  liberte-togo.com


© Autre presse
Le président Faure Gnassingbé au sommet de l`Elysée pour la Paix et la Sécurité


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Réconciliation nationale. C’est l’un des plus vieux chantiers ouverts par Faure Gnassingbé à son avènement au pouvoir. Si ce vœu (pieu) a été formalisé par la mise en place en 2009 de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, l’exécution des recommandations faites par Mgr Nicodème Barrigah et les siens après trois ans de travaux, est malheureusement en grande souffrance. Mais l’étau semble se resserrer de plus en plus autour du régime. Le dernier appel en date pour l’application des recommandations vient de l’instance onusienne des droits de l’Homme, le Hcdh.

Mme Flavia Pansieri, le nième appel

En séjour au Togo depuis le 17 février dernier, la Haut commissaire adjointe des Nations unies aux droits de l’Homme est arrivée le 20 février en fin de mission consacrée aux questions des droits de l’Homme, et a animé une conférence de presse. Tout en saluant des « avancées considérables » – on cite ici l’abolition de la peine de mort, la tenue des législatives du 25 juillet 2013 sans violences, la révision du Code des personnes et de la famille…-, Mme Flavia Pansieri souligne qu’il y a tout de même beaucoup d’effort à faire.

Entre autres sujets de préoccupation majeure dont la question des conditions carcérales dans notre pays, la Haut commissaire adjointe des Nations unies aux droits de l’Homme a abordé la problématique de la réconciliation nationale. Et comme on devrait le redouter, elle a appelé le pouvoir Faure Gnassingbé à prendre les dispositions nécessaires pour la mise en œuvre, dans un délai assez court, des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (Cvjr), convaincue que « l’avenir serein et pacifique du Togo dépend en grande partie de la finalisation de ce processus de justice transitionnelle ». Elle juge prioritaire l’opérationnalisation du Haut commissariat pour la réconciliation et le renforcement de l’unité nationale (Hcrrun) créé sur le papier depuis mai 2013 et l’élaboration du programme des réparations. Et Mme Flavia Pansieri a réitéré la disponibilité du Hcdh à accompagner le Togo dans cette voie. « Le gouvernement peut compter sur le soutien du Hcdh dans la finalisation du Libre blanc qui doit fixer les prochaines étapes », a-t-elle déclaré.

L’UE, le PNUD…pour l’application des recommandations

La Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme n’est pas la toute première voix étrangère à requérir l’application des recommandations de la Cvjr. Elle n’est que la dernière d’une série de personnalités ayant brisé le silence sur cette question. Le chef de la Délégation de l’Union européenne au Togo, Nicolas Berlanga-Martinez abordait déjà le sujet le 13 décembre 2013, à l’occasion d’une réception offerte dans le cadre de la célébration de la 65e journée mondiale de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Dans son allocution de circonstance, le patron de la Délégation de l’Ue au Togo a en effet souhaité que « la mise en œuvre des recommandations », « de toutes les recommandations » s’accélère. « En mettant en œuvre les recommandations de la Cvjr, vous êtes, nous sommes tous en train de pousser en faveur de la croissance économique, de l’égalité des opportunités, d’un avenir plus prospère », avait-il lancé à l’assistance, réitérant à l’occasion l’appui de l’Union européenne. Monsieur Berlanga-Martinez ne manque pas de renouveler cet appel, à chaque fois que l’occasion s’offre. Comme lors du forum organisé les 13, 14 et 15 février derniers par la Plateforme citoyenne Justice et Vérité qui a rassemblé les acteurs de la société civile et les partenaires au développement pour faire le bilan du chemin parcouru et réfléchir sur les voies et moyens pour booster la réconciliation. Il a insisté sur « la publication des trois (03) autres volumes complémentaires », « la lutte contre les inégalités [étant] centrale pour éviter la répétition des violences, conformément à la recommandation 26 ».

Même son de cloche chez la Représentante résidente du Hcdh, Mme Olatokunbo Ige, qui insiste sur « la nécessité de la mise en place effective du Haut-commissariat et de la publication du livre blanc ». Mme Khardiata Lo du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud), quant à elle, a mis plutôt l’accent sur « la notion d’infrastructures durables pour asseoir la non-répétition des violences politiques. Cela concerne les mécanismes d’alerte précoce, les élections et les dispositifs de suivi de mise en œuvre des 68 recommandations ». Et pour couronner le tout, le délégué de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) qui était également présent à la cérémonie d’ouverture du forum sus-mentionné, a relevé « la mise en œuvre rapide des actes symboliques qui ont une influence profonde sur le vivre ensemble des Togolais ».

La contribution du PASCRENA

Le Projet d’appui à la société civile et à la réconciliation nationale (Pascréna) est un projet mis en place par l’Union européenne spécialement pour booster la réconciliation au Togo. Son chef, Christophe Courtin est allé jusqu’à faire des prescriptions aux partenaires du Togo dans ce sens lors du forum organisé par la Plateforme citoyenne Justice et Vérité.

Le Pascréna leur propose de mieux travailler en « mode harmonisé », comme le leur recommande la Déclaration de Paris, la mise en œuvre des recommandations à partir des engagements que le gouvernement prendra dans son livre blanc. L’objectif serait, a indiqué M. Courtin, « conformément au processus d’amélioration de l’aide auquel toutes ces institutions ont adhéré, d’identifier dans leurs aides multiformes celles qui ont un impact sur l’une ou l’autre recommandation ». « La coopération militaire de quelques chancelleries qui a une influence sur les recommandations 11 à 16. L’appui à la décentralisation impacte les recommandations 4 et 5. Les financements de la BM ou du FIDA dans le développement rural concernent les recommandations 26 et 28 », donne-t-il en exemples. La seconde piste s’adresse particulièrement aux partenaires qui font de l’appui institutionnel à l’Etat togolais et suggère « la mobilisation des pouvoirs publics à suivre la mise en œuvre des recommandations à travers toutes les missions des ministères concernés par l’une ou l’autre recommandation. Une lecture budgétaire de la mise en œuvre des recommandations pourrait être faite. Ce travail de traçabilité gouvernemental des recommandations de la CVJR pourrait être confié au ministère des droits de l’Homme comme mission de l’une de ses directions. Le ministère des droits de l’Homme ne serait pas le seul à se préoccuper de la réconciliation, mais il serait le point focal de suivi des recommandations dans chaque ministère ou dans les grandes institutions ».

Point n’est besoin de rappeler ici les nombreux appels de la société civile togolaise lancés à l’endroit du gouvernement depuis avril 2012, pour l’application des recommandations de la Cvjr. Des appels auxquels le pouvoir est malheureusement resté sourd.

Un processus manifestement bloqué par le pouvoir

Si Faure Gnassingbé a simulé une certaine volonté de favoriser la réconciliation nationale au Togo en créant la Cvjr et ordonnant l’enclenchement travaux, le processus est manifestement bloqué depuis bientôt deux ans.

La remise officielle du rapport devrait ouvrir sans tarder la phase de la mise en œuvre des recommandations, toute chose devant favoriser la réconciliation. Mais ces prescriptions dorment depuis le 3 avril 2012 où elles ont été officiellement remises à Faure Gnassingbé. Les trois autres volumes du rapport respectivement relatifs aux circonstances historiques des faits, aux détails des investigations de la Commission avec mention des identités des auteurs et à l’approfondissement de la problématique de la réparation avec la liste des victimes ne sont pas publiés jusqu’à ce jour. Mieux, c’est un embargo qui est décrété par le pouvoir sur ces documents. Mgr Nicodème Barrigah et les siens avaient proposé l’élaboration d’un Livre blanc devant indiquer la façon dont le gouvernement compte mettre en œuvre les soixante-huit (68) recommandations. Ce document aussi se fait désirer.

En décembre 2012, lors des échanges de vœux avec le corps diplomatique, Faure Gnassingbé annonçait la création d’un Haut commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale, de même qu’un Fonds spécial de réparation et de réhabilitation des victimes. Le Haut commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale était censé se charger de la rédaction du Livre Blanc de la réconciliation et de la « mise en œuvre progressive et intégrale » des conclusions, avait indiqué Faure Gnassingbé. Il a fallu cinq (05) mois après pour que le décret formalisant sa mise en place ne soit pris en conseil des ministres. C’était le 24 mai 2013. Mais depuis, les membres devant le composer ne sont pas encore nommés. De fait, les recommandations formulées par la Cvjr sont restées en l’état. Toutes choses qui justifient les appels tous azimuts lancés pour leur mise en œuvre.

Le pouvoir Faure Gnassingbé va-t-il s’exécuter ?

La société civile et l’opposition togolaises, les partenaires du processus dont le Hcdh, le Pnud, l’Union européenne…qui demandent unanimement que les recommandations de la Cvjr soient mises en œuvre. Il faut avouer que l’étau se resserre davantage autour du pouvoir Faure Gnassingbé, car la problématique devient un sujet de sérieuse préoccupation. Surtout à l’approche de la présidentielle de 2015 – les élections présidentielles sont souvent des occasions de violences. Le régime Faure Gnassingbé est visiblement seul contre tous dans cette voie. La sortie de la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme n’est que la nième exhortation dans ce sens. Il ne reste peut-être que l’appel de Dieu en personne à l’endroit de Faure Gnassingbé et les siens. Mais la question est de savoir si le régime en place va s’exécuter, malgré toutes ces pressions.

Tino Kossi

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