Togotélécom, Lonato, ministère des Travaux Publics : des malversations constatées, mais aucune mesure contre les responsables
Des marchés passés en 2011 et dont
les rapports ne sont connus des citoyens qu’en 2014, cela se passe au
Togo. Et encore, des résultats ont été publiés, mais rien ne semble
avoir bougé sous la canicule togolaise. Au point qu’on se demande la
quintessence de ces audits qui engloutissent des centaines de millions.
Mais pour quels résultats ? Si dame nature est clémente cette année, les
audits de 2012 et 2013 seront aussi servis sous peu à la population,
après que les adjudicataires des marchés réalisés auront plié bagages et
après que des autorités se seront rempli les poches. Comme d’habitude,
malheureusement.
Le 28 janvier s’est déroulée une
cérémonie de publication des audits commandités par la direction de
l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) tant sur les
ministères que sur les sociétés et autres services étatiques. Le but
était de se conformer aux règles de l’ARMP selon le décret n°
2009-296/PR du 30 décembre 2009 portant missions, attributions,
organisation et fonctionnement de la structure. Lors de cette cérémonie,
M. René Kapou, Directeur général de l’Armp, s’est évertué à justifier
le bien-fondé de la mesure. Et nous a invités à nous approprier les
résultats des audits.
Un survol sommaire des différentes
conclusions appelle à certaines observations. Lorsqu’on prend le
ministère des Travaux Publics, il ressort que les marchés publics passés
en 2011 titillent les 100 milliards de FCFA et que seuls 12% du nombre
et 46% de la valeur des marchés ont été audités. Dans les conclusions
des auditeurs, on lit : « sur la base de notre échantillon et compte
tenu de l’incidence des limitations et réserves exposées ci-dessus, nous
ne sommes pas d’avis que les marchés passés et exécutés par le
ministère des Travaux Publics au titre de la gestion 2011, l’ont été en
conformité des lois et dispositions légales applicables en matière de
passation des marchés publics, notamment la loi N° 2009-013 du 30 juin
2009 relative aux Marchés publics et Délégations de services publics en
République togolaise et ses textes d’application ». 12% des marchés
contrôlés ont une performance satisfaisante, 25% moyennement
satisfaisante, 38% non satisfaisante et 25% sans opinion, telles ont été
les notes de performance. En 2011, c’était Andjo Tchamdja qui était le
ministre des Travaux Publics. Que lui a-t-on dit en guise de
réprimande ?
S’agissant de la société Togocel, le
contrôle a porté sur un échantillon de 11,223 milliards de FCFA sur un
total de plus de 16 milliards. Mais à l’issue du contrôle, « Sur la
base de notre échantillon et compte tenu de l’incidence des réserves
exposées ci-dessus, nous ne sommes pas d’avis que les marchés passés et
exécutés par TOGOCEL au titre de la gestion 2011, l’ont globalement été
en conformité avec les dispositions légales applicables notamment la loi
N° 2009-013 du 30 juin 2009 relative aux Marchés Publics et Délégations
de Service Public en République Togolaise et ses textes d’application ». Affo Atcha Dédji, Dg de Togocel, n’a pas été inquiété outre mesure.
A Togotelecom, sur plus de 2,995
milliards de FCFA de marchés passés, seuls 1.123.209.395 FCFA, soit 37%
ont été contrôlés. Mais dans le cas d’espèce, les conclusions sont sans
appel: « Pour l’ensemble de ces différentes étapes de la passation et
de l’exécution des marchés, notre appréciation peut être représentée
comme suit : performance totalement satisfaisante 0% ; performance
satisfaisante 0% ; performance moyennement satisfaisante 0% ;
performance non satisfaisante 100% ; absence d’opinion 0% ». Et pourtant, Sam Bikassam, Dg de Togotelecom, officie comme si de rien n’était.
La dernière des sociétés scrutées est la
LONATO. Et de l’avis des auditeurs, sur la base des étapes de la
passation et de l’exécution des marchés publics, on lit : « Sur la
base de ce graphique, notre avis d’ensemble est une performance « non
satisfaisante » pour la passation et l’exécution des marchés au niveau
de la LONATO au titre de la gestion 2011 ». Non seulement Pekemsi
Kudjow-Kum, Dg de la Lonato ignore qu’il y a eu audit, mais aussi il a
entrepris un autre projet tout aussi colossal malgré les soupçons
d’illégalité qui entachent cet autre marché.
Le rapport d’audit a été remis aux
autorités depuis belle lurette, mais malgré ces constats, la
quasi-totalité des responsables sous lesquels toutes les violations ont
été constatées sont toujours en place. Une vérité qui remet au tapis la
nécessité des audits qui coûtent des centaines de millions aux
contribuables togolais. Car à quoi sert-il de décaisser autant d’argent
pour juste s’entendre dire par René Kapou, Dg de l’ARMP que ces
situations prévalaient avant que les nouveaux textes ne prennent effet.
Dans d’autres secteurs, de pauvres citoyens n’ont pas commis le 10ème
de ces violations qu’ils ont été remerciés, ou pire, embastillés. Le
rapport a déploré la propension des responsables de Togotelecom et de la
Lonato à se référer au gré-à-gré, « plus porteur de rétro commissions » que les autres systèmes de passation.
Chaque participant a eu droit à une
copie sur CD du rapport des deux cabinets d’audits qui ont été payés
contre le travail par eux produit. Mais à quoi doit servir tout ce
boucan si c’est juste pour faire constater par les citoyens que les
structures étatiques et autres sociétés sont mal gérées ? En ce moment,
le bâtiment de la LONATO qui est en train d’être construit, fait suite à
un appel d’offre truffé d’irrégularités. Les autorités, comme à leurs
habitudes, attendront que les travaux soient achevés avant qu’un audit
des conditions de passation de ce marché ne soit commandité. Et à
supposer que l’audit épingle plus tard la société CENTRO, les autorités
vont-elles démolir le bâtiment pour le confier à une autre société ? Il
est aisé de demander aux médias de relayer le contenu du rapport, mais
il serait plus utile pour l’économie du pays que la procédure soit revue
pour que, lorsque l’ARMP ou la DCMP est saisie d’une plainte à une
certaine étape de la procédure de passation, que des auditeurs se
prononcent avant la prochaine étape. Plutôt que de toujours jouer au «médecin après la mort».