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Diplomatie sportive: «L’Arabie saoudite et le Qatar ont déjà gagné»

Publié le lundi 24 octobre 2022  |  Jeune Afrique
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© AFP par © Saudi Royal Palace/AFP/Archives/Bandar AL-JALOUD
Le prince héritier d`Arabie saoudite Mohammed ben Salmane au forum Future Investment Initiative (FII) à Ryad, le 24 octobre 2018 / © Saudi Royal Palace/AFP/Archives / Bandar AL-JALOUD
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À quelques semaines du Mondial au Qatar, l’Arabie saoudite vient de se voir confier l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver en 2036. Et envisage d’être candidate (avec la Grèce et l’Égypte) à l’organisation de la Coupe du Monde 2030. Éclairage de Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport.

La rivalité entre le Qatar et l’Arabie saoudite s’est, depuis plusieurs années, transposée sur le terrain sportif. Les deux puissances régionales se livrent un véritable duel et rivalisent à coups de compétitions de football, Grands Prix de Formule 1 ou de MotoGP, courses cyclistes, épreuves olympiques… Alors que les autres pays se montrent plus discrets, les deux rivaux, dont les relations diplomatiques restent difficiles, ont fait du sport un des principaux vecteurs de leur stratégie.
Jean-Baptiste Guégan, enseignant, auteur de Géopolitique du sport (Bréal éditions) et co-auteur avec Lukas Aubin de l’Atlas géopolitique du sport (Éditions Autrement), décrypte pour Jeune Afrique ce qui se joue derrière cette diplomatie sportive particulièrement active.


Jeune Afrique : Comment le spectaculaire engouement des monarchies du Golfe pour les événements sportifs a-t-il débuté ? On a le sentiment que le Qatar a, d’une certaine façon, obligé son puissant voisin saoudien à investir dans le sport, après avoir obtenu en 2010 l’organisation de la Coupe du Monde 2022 et racheté le Paris-SG en 2011, via le fonds souverain Qatar Sport Investments [QSI] ?

Jean-Baptiste Guégan : Longtemps, l’Arabie saoudite était, avec l’Iran, la vraie puissance sportive du Golfe. Puis les résultats ont commencé à être moins bons, et le Qatar a obtenu l’organisation de la Coupe du Monde et racheté le Paris-SG. De plus, le Qatar a remporté la Coupe d’Asie des Nations 2019 face aux Émirats arabes unis, un allié historique de Riyad, ce qui a été vécu comme une véritable humiliation.

Les Saoudiens, avec leur projet Vision 2030, veulent donc être présents sur le volet sportif. Ils ont beaucoup d’argent, plus que le Qatar, et ils sont partout : ils veulent accueillir la Coupe d’Asie 2027, la Coupe du Monde 2030, ont obtenu, après les Jeux asiatiques d’été de 2034, ceux de 2029, parallèlement à la construction d’une cité futuriste (Neom), ce qui coûtera des centaines de milliards de dollars. Le prince héritier Mohamed Ben Salman sait que l’image de son pays est déplorable et il mise beaucoup sur ce projet, même si je m’interroge sur sa capacité de financement.

On parle beaucoup du Qatar, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, mais moins de Bahreïn, d’Oman et du Koweït…

Bahreïn, dont le régime a sérieusement vacillé lors des Printemps arabes, est très dépendant de l’Arabie saoudite. Le pays a pris des actions au Paris FC, un club français de Ligue 2, organise un Grand Prix de Formule 1, mais ne peut quasiment rien faire sans l’aval saoudien. Oman a plutôt choisi la voie du tourisme haut de gamme. Quant au Koweït, il pense d’abord à se remettre complètement de son invasion par l’Irak en 1991, et ne cherche pas vraiment à développer une stratégie sportive. Effectivement, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis sont beaucoup plus visibles, même si le cas émirati est différent.

Pourquoi?

Les Émirats arabes unis se veulent plus discrets, contrairement aux Saoudiens et aux Qataris qui cherchent vraiment la visibilité. Bien sûr, les Émirats sont actifs : il y a un Grand Prix à Abou Dhabi, le City Football Group – avec comme club phare Manchester City – a racheté des clubs dans plusieurs pays (France, Chine, États-Unis, Espagne, Italie, Australie, Inde…), mais ils cultivent une certaine discrétion. Ils sont présents, mais cherchent surtout à faire de l’entrisme, notamment auprès des élites britanniques après le rachat de Manchester City.

Les Émirats misent surtout sur le tourisme de luxe, à Dubaï en particulier, et le business. Leur image au niveau international est meilleure que celle du Qatar et surtout de l’Arabie saoudite, qui sont critiqués sur des questions comme les droits de l’homme, la condition de la femme, le sort réservé à la communauté LGBT… Or ces deux pays ont compris que le sport pouvait améliorer leur notoriété.

Le fonds souverain saoudien a aussi racheté le club anglais de Newcastle United. Un choix surprenant, car le Qatar est propriétaire du club d’une ville beaucoup plus attractive…


Avant de racheter Newcastle, on avait entendu parler d’un intérêt pour l’Olympique de Marseille. Je pense que c’était juste une manière d’instrumentaliser les gens et de tester le terrain. Les Saoudiens avaient formulé une offre pour racheter Manchester United à hauteur de quatre milliards d’euros, mais la famille Glazer, qui détient le club en demandait sept.

Mais ils savent aussi que quand les Émirats ont racheté Manchester City, ce club n’était pas très bien portant. Et on voit où il en est aujourd’hui… L’Arabie saoudite a racheté un club de la Ligue la plus puissante et la plus suivie au monde. Ils peuvent y mettre beaucoup d’argent, à condition de rester assez raisonnables aux yeux du peuple, avec qui il y a un pacte social. Mais il faut sans doute s’attendre à ce que le fonds saoudien prenne possession d’autres clubs prochainement.
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