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Liberté N° 1644 du 3/3/2014

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Faure Gnassingbé ferme la porte à tout dialogue inclusif sur les réformes de l’APG Vers des réformes aux couleurs d’UNIR et aux conséquences fâcheuses pour le Togo
Publié le mardi 4 mars 2014  |  Liberté


© AFP par DR
Faure Gnassingbé, président de la républiquedu Togo
Dakar : Le président sortant d`UEMOA, le Président togolais Faure Gnassingbe est décrit le 24 octobre 2013 à l`extrémité du sommet d`UEMOA à Dakar, Sénégal. Les chefs de l`union économique et monétaire d`Afrique occidentale se sont occupés du sommet.


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L’actualité politique en lien avec la présidentielle de 2015 est rythmée depuis plusieurs jours par un échange de courriers entre Jean-Pierre Fabre et Faure Gnassingbé au sujet des réformes politiques. Après plus de deux semaines de silence, le locataire de la présidence de la République a (enfin) répondu le mardi 25 février dernier au président de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) et chef de file de l’opposition. Mais la réponse augure des conséquences fâcheuses pour la démocratie au Togo.

Pas de dialogue en dehors de l’Assemblée nationale
Après avoir pris acte (sic) de la correspondance du chef de file de l’opposition – une expression chère à Léopold Gnininvi et à la Cdpa et souvent utilisée quand on ne veut pas clairement exprimer sa position ou donner une suite favorable à une idée-, le locataire du palais de la présidence a joué au professeur agrégé de démocratie.

« Comme vous le savez, la constitution de la démocratie dans notre pays exige que chaque institution joue pleinement son rôle. Le peuple togolais a aujourd’hui l’avantage de disposer d’une Assemblée nationale où les principaux courants politiques sont représentés. Elle offre ainsi le cadre le plus indiqué pour débattre utilement des réformes envisagées, conformément à l’esprit de l’Accord politique global (Apg) », a-t-il écrit, avant d’informer son interlocuteur qu’il a « instruit à cet effet le Premier ministre afin qu’il prenne les dispositions pour l’ouverture prochaine au sein de l’Assemblée nationale des discussions sur les propositions de réformes institutionnelles et constitutionnelles », et que ce dernier « prendra attache avec [lui] dans ce cadre et restera à l’écoute de toutes bonnes volontés qui se manifestent ».

Acte anodin, grande portée ; c’est ainsi qu’on devrait résumer ce courrier-réponse de Faure Gnassingbé à Jean-Pierre Fabre. Car au-delà de la réponse, le véritable message que fait passer le Prince de la République est qu’il n’y aura pas de discussions préalables à travers un dialogue inclusif devant regrouper les composantes les plus représentatives de la classe politique pour plancher sur les réformes en dehors de l’Assemblée nationale, et que le reste du processus s’y déroulera désormais.

Evidemment, cette sortie suscite des réactions au sein de l’opposition. Me commérage, j’allais dire Me Dodji Apévon, le président du Comité d’action pour le renouveau (Car) parle de « moquerie » de Faure Gnassingbé à l’égard de l’opposition qui lui en aurait donné l’occasion ; Fulbert Attisso de l’Appel des Patriotes, lui, parle de « provocation », de « casus belli ». Aux dernières nouvelles, le Collectif « Sauvons le Togo » aurait saisi à son tour Faure Gnassingbé par un nouveau courrier dans lequel il sollicite une rencontre avec lui pour lui dire de vive voix pourquoi il est impossible de faire les réformes sans compromis politique, comme il semble le suggérer.


Des réformes en perspective taillées au profit de Faure Gnassingbé

C’est la grande crainte qu’il faudra nourrir, à voir la configuration de l’Assemblée nationale actuelle. Et c’est sans doute le dessein secret de Faure Gnassingbé en renvoyant son interlocuteur vers l’Assemblée nationale pour la satisfaction de la doléance formulée dans sa lettre. C’est une constance qu’une réforme constitutionnelle doit dans une certaine mesure avoir l’onction du Parlement pour passer.

Mais en l’orientant vers l’Assemblée nationale, le locataire du Palais de la Marina occulte savamment l’autre voie, celle du référendum. C’est là qu’apparaît toute la manipulation de l’homme, et c’est loin d’être gratuit.

Qui dit réformes constitutionnelles, en rapport avec l’élection présidentielle de 2015 parle forcément de réforme du mode de scrutin, de la durée et surtout de la limitation du mandat présidentiel.

Et dans le cas des échéances à venir et dans la dynamique de créer les conditions d’alternance politique au pouvoir, l’opposition a toujours réclamé le retour à la Constitution de 1992 adoptée par référendum et qui a donc eu l’onction du peuple togolais, nommément l’adoption d’un mode de scrutin à deux tours, la limitation du mandat présidentiel à deux avec effet immédiat – tout comme Macky Sall veut le faire au Sénégal.

Mais les représentants du parti au pouvoir se sont farouchement opposés à ces propositions lors des simulacres de discussions dans les différents formats du Cadre permanent de dialogue et de concertation (Cpdc). Et ce ne serait que la suite logique à l’Assemblée nationale, dominée par l’Union pour la République avec soixante-deux (62) députés.

Même si ce nombre de sièges n’est pas suffisant pour modifier la Constitution, il ne serait pas trop difficile pour le pouvoir de rassembler le quorum des 4/5 des membres de l’Assemblée nationale requis pour ce faire, avec la redoutable arme de la corruption dont il use à loisir.

Une chose est évidente, les trois (03) députés de l’Union des forces de changement (Ufc), toujours dans la logique de la collaboration avec le pouvoir sur la base de l’accord du 26 mai 2010, vont l’accompagner. Certaines sources voient même derrière la visite inopinée le 21 février dernier du Prince de la République à l’« opposant historique » périmé, le début des manœuvres dans ce sens.

Et avec quelques billets craquants, il pourra également acheter le vote de certains députés des autres courants politiques, et le tour serait joué. Dans le cas d’espèce, les réformes constitutionnelles, surtout celle relative à la limitation du mandat présidentiel à opérer ne va nullement insister sur son application immédiate. Ainsi, Faure Gnassingbé aura la latitude de se représenter en 2015, et ce sera parti pour 2025, et peut-être plus…

Mgr Nicodème Barrigah, Robert Whitehead…interpellés
Les réformes de l’Accord politique global (Apg) sont trainées par le pouvoir comme un boulet depuis 2006. Au-delà des appels traditionnels à leur matérialisation, à l’orée de chaque compétition électorale ayant suivi sa signature (législatives d’octobre 2007, présidentielle de mars 2010 et législatives de juillet 2013), l’opposition traditionnelle saisit l’occasion et remet cette exigence sur le tapis. Elle en fait souvent la condition de sa participation aux élections ; mais à chaque fois, ses leaders en sont dissuadés par le pouvoir, et souvent avec l’aide des partenaires en développement. On leur promet réaliser ce chantier après le scrutin ; mais ces réformes se font désirer depuis huit (08) ans.

On retiendra particulièrement les tractations de dernière minute ayant abouti à la participation de l’opposition aux dernières législatives, et surtout le rôle joué par le président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (Cvjr) et l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Togo.

En effet, ce sont Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan et Robert Whitehead qui ont conduit la médiation entre le pouvoir et l’opposition au siège de l’OCDI à Lomé. A ces discussions, le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel étaient arrivés à harmoniser leurs positions et avaient posé comme préalable fondamental l’exécution des réformes institutionnelles et constitutionnelles de l’Apg. Mais tous les efforts furent déployés par le pouvoir pour les en dissuader, avec l’argument de temps, et avec la promesse d’engager ce chantier après le scrutin du 25 juillet. Et sur ce chemin, le régime était aidé par les deux médiateurs qui avaient mis du leur pour amener l’opposition à mettre de l’eau dans son vin.

Il était promis l’ouverture d’un dialogue sur ces réformes et le président de la Cvjr et l’ambassadeur des Etats-Unis au Togo avaient servi de garanties de la bonne foi et de cautions du pouvoir. Mais voilà qu’aujourd’hui Faure Gnassingbé ferme la porte à tout débat inclusif et oriente vers l’Assemblée nationale qu’il sait dominée par son parti.

Mine de rien, c’est la mort confirmée de l’Accord politique global (Apg), avec ces manœuvres entreprises. Toutes choses qui scellent le sort de l’alternance pacifique au pouvoir qui est un principe démocratique et jettent un voile noir sur le futur du pays. Il y a un réel danger qui plane à l’horizon. Mgr Nicodème Barrigah, Robert Whitehead, et derrière eux, les diplomates accrédités au Togo et les partenaires en développement dont l’Union européenne qui étaient cautions solidaires de ces discussions de dernière minute et des pourparlers ayant abouti à l’Apg, afin de sauver le pouvoir de Faure Gnassingbé, sont interpellés. Ils devront intervenir pour ramener le Prince de la République à la raison, car il y a un véritable danger à l’horizon. Et leur responsabilité est aussi engagée.

Tino Kossi

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