Les derniers engagements climatiques internationaux en date sont «très loin» de répondre à l’objectif de l’Accord de Paris pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle, a alerté mercredi 26 octobre une agence de l’ONU.
Selon ce nouveau rapport de l’Agence des Nations Unies pour le climat (CCUNCC), les efforts pour lutter contre le réchauffement climatique ne nous permettent pas pour l’instant de «nous mettre sur la voie d’un monde à 1,5°C». Le document montre que les engagements climatiques combinés des 193 parties à l’Accord de Paris pourraient mettre le monde sur la voie d’un réchauffement d’environ 2,5 degrés Celsius d’ici la fin du siècle.
A moins de deux semaines de l’ouverture de la conférence mondiale climatique COP27, qui se tiendra en Egypte, l’ONU Climat publie ainsi une synthèse des derniers engagements des pays signataires de l’Accord de Paris. «Nous sommes très loin du niveau et de la rapidité de réduction d’émissions nécessaires pour nous mettre sur la voie d’un monde à 1,5°C», a averti dans un communiqué, Simon Stiell, Secrétaire exécutif d’ONU Climat.
Cet avertissement intervient alors que, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les concentrations atmosphériques des trois principaux gaz à effet de serre – dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O) – ont battu de nouveaux records en 2021.
Vers une hausse des émissions de 10,6% d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2010
Le rapport publié par ONU Climat mercredi montre également que les engagements actuels feront augmenter les émissions de 10,6% d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2010. Il s’agit d’une amélioration par rapport à l’évaluation de l’année dernière, qui indiquait que les pays étaient sur la voie d’une augmentation des émissions de 13,7% d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2010.
L’analyse de l’année dernière montrait que les émissions projetées continueraient à augmenter au-delà de 2030. Toutefois, l’analyse de cette année montre que si les émissions n’augmentent plus après 2030, elles n’affichent toujours pas la tendance à la baisse rapide que la science juge nécessaire pour cette décennie.
Pourtant les dernières données scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC) indiquent que les émissions doivent être réduites de 45 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2019. Cette réduction est essentielle pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, à savoir limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle.
Seuls 24 plans climatiques nouveaux ou actualisés soumis depuis la COP26
Pour maintenir cet objectif, les gouvernements nationaux doivent renforcer leurs plans d’action climatique dès maintenant et les mettre en œuvre au cours des huit prochaines années. ONU Climat a ainsi analysé les plans d’action pour le climat, appelés contributions déterminées au niveau national (NDC), de 193 parties à l’Accord de Paris, y compris 24 NDC mises à jour ou nouvellement soumises après la COP26 de Glasgow jusqu’au 23 septembre 2022.
Ensemble, ces plans couvrent près de 95% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2019. «Le fait que seuls 24 plans climatiques nouveaux ou actualisés aient été soumis depuis la COP26 est décevant», a regretté M. Stiell, relevant que les décisions et les actions des gouvernements doivent refléter «le niveau d’urgence».
Les émissions de certains pays inférieures d’environ 68% en 2050 par rapport à 2019
Bien que les conclusions générales du rapport soient sombres, il y a des lueurs d’espoir. Selon l’ONU, la plupart des parties qui ont soumis des nouvelles NDC ou actualisées ont renforcé leur engagement à réduire ou à limiter les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 et/ou 2030, démontrant ainsi une ambition accrue dans la lutte contre les changements climatiques.
Un deuxième rapport d’ONU Climat concernant les stratégies de développement à faible émission à long terme, également publié aujourd’hui, a examiné les plans des pays visant à passer à des émissions nettes nulles d’ici le milieu du siècle ou aux alentours. Le rapport indique que les émissions de gaz à effet de serre de ces pays pourraient être inférieures d’environ 68% en 2050 par rapport à 2019, si toutes les stratégies à long terme sont pleinement mises en œuvre dans les délais.
Les stratégies à long terme actuelles (représentant 62 parties à l’Accord de Paris) représentent 83% du PIB mondial, 47% de la population mondiale en 2019 et environ 69% de la consommation totale d’énergie en 2019. «Il s’agit d’un signal fort indiquant que le monde commence à viser des émissions nettes nulles», a détaillé l’ONU.
L’atténuation, l’adaptation, les pertes et dommages et le financement
Le rapport note toutefois que de nombreux objectifs de zéro émission nette restent incertains et repoussent à plus tard des mesures essentielles qui doivent être prises maintenant. Une action climatique ambitieuse avant 2030 est nécessaire de toute urgence pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris.
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP 27, se tiendra à Charm El-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre prochain.
M. Stiell exhorte les gouvernements nationaux à se rendre à la COP27 pour montrer comment ils vont mettre en œuvre l’Accord de Paris dans leur pays par le biais de législations, de politiques et de programmes, et comment ils vont coopérer et soutenir la mise en œuvre. Il appelle également les nations à progresser lors de la COP27 dans quatre domaines prioritaires : l’atténuation, l’adaptation, les pertes et dommages et le financement.
Les niveaux de gaz à effet de serre atteignent des records
De son côté, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a indiqué mercredi que les niveaux de gaz à effet de serre atteignent des records.
D’après le Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre, depuis le début des mesures systématiques, il y a près de 40 ans, jamais la progression annuelle des concentrations de méthane n’a été aussi forte qu’en 2021. La cause de cette augmentation exceptionnelle n’est pas clairement établie, mais il semble que des processus tant biologiques qu’anthropiques soient à l’oeuvre.
Le taux d’accroissement du dioxyde de carbone entre 2020 et 2021 a été supérieur à la moyenne du taux d’accroissement annuel des dix années précédentes. Les mesures effectuées par les stations du réseau de la Veille de l’atmosphère globale de l’OMM montrent que ces concentrations continuent d’augmenter en 2022 sur l’ensemble du globe.
Le forçage radiatif, qui induit un réchauffement du système climatique, s’est accru d’environ 50% entre 1990 et 2021. Il est imputable aux gaz à effet de serre persistants, le dioxyde de carbone contribuant pour près de 80% à cette augmentation.
En 2021, la concentration de l’atmosphère en dioxyde de carbone s’élevait à 415,7 parties par million (ppm), celle de méthane à 1.908 parties par milliard (ppb) et celle de protoxyde d’azote à 334,5 ppb, soit une progression de 149%, 262% et 124%, respectivement, par rapport à l’époque préindustrielle, lorsque les activités humaines ne perturbaient pas encore l’équilibre naturel de ces gaz dans l’atmosphère.
«Le Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre a mis en évidence, une fois de plus, ce formidable défi, qui est aussi une nécessité vitale: nous devons agir de toute urgence pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et empêcher que les températures mondiales n’augmentent encore à l’avenir», a déclaré Petteri Taalas, le Secrétaire général de l’OMM.
«L’augmentation continuelle des concentrations des principaux gaz à effet de serre, et notamment la hausse record des concentrations de méthane, montre que nous allons dans la mauvaise direction», a-t-il indiqué.
«Il existe des stratégies d’un bon rapport coût-efficacité pour lutter contre les émissions de méthane, en particulier dans le secteur des combustibles fossiles. Nous devons les mettre en oeuvre sans tarder. Le méthane ayant une durée de vie relativement courte, inférieure à 10 ans, son impact sur le climat est réversible. La priorité absolue est de réduire drastiquement et de toute urgence les émissions de dioxyde de carbone, qui sont les principales responsables du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes qui y sont associés. Ces émissions se répercuteront sur le climat pendant des milliers d’années via la fonte des glaces aux pôles, le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer», a expliqué M. Taalas.
«Nous devons transformer nos systèmes industriels, énergétiques et de transport, et l’ensemble de notre mode de vie. Les transformations nécessaires sont économiquement abordables et techniquement faisables. Le temps presse», a-t-il conclu.