Bien trop souvent, l'Afrique est vue de l'extérieur «à travers un prisme de problèmes», a déclaré jeudi dernier le chef de l'ONU, António Guterres, s'exprimant dans la capitale éthiopienne, siège de l'Union africaine (UA), où il participe à la sixième conférence annuelle ONU-UA.
«Quand je vois l'Afrique, je vois l'espoir et le potentiel», a déclaré le Secrétaire général aux journalistes lors d'un point de presse à Addis-Abeba. «Je vois des pays travailler ensemble, y compris ici à l'UA, pour favoriser la paix et le développement».
Se concentrant sur l'énorme potentiel inexploité de la jeunesse africaine, il a déclaré que «l’énergie illimitée» de cette jeunesse et ses «nouvelles façons de penser» pourraient apporter des solutions à des défis profonds, qui pourraient profiter au monde entier.
La reprise pour l'Afrique, en particulier à la lumière du déploiement inégal du vaccin contre la COVID-19 depuis 2021, a été freinée par ce qu'il a appelé «un système financier mondial moralement en faillite».
Pris en otage par le remboursement de la dette, de nombreux pays ne peuvent tout simplement pas avancer ou investir, tandis que l'insécurité alimentaire persiste, surtout dans la Corne de l'Afrique où 36 millions de personnes sont menacées par une sécheresse historique.
De nombreux pays sont enfermés dans des spirales d'endettement, empêchant les investissements dans les systèmes et services vitaux, tandis que l'insécurité alimentaire guette des millions de personnes sur le continent.
Rétablir la confiance
En réponse, l’Afrique «ne reçoit que de simples gouttelettes de soutien pour s'adapter à cette destruction», a dit M. Guterres.
«Le monde compte sur l'Afrique. Mais l'Afrique ne peut pas compter sur le monde. Cela doit changer», a-t-il déclaré. «Nous devons rétablir la confiance, dynamiser le développement et placer l'avenir de l'Afrique au cœur des solutions dont notre monde a besoin».
Premièrement, il a déclaré que l'Afrique avait besoin de nouveaux partenariats pour stimuler les économies et le développement au point mort. Les outils sont là pour fournir le soutien urgent nécessaire, mais ils doivent être utilisés «avec beaucoup plus de flexibilité et de rapidité», tels que des droits de tirage spéciaux favorables pour la liquidité et l'allégement de la dette.
Deuxièmement, l'Afrique «mérite et a besoin d'un soutien» face au changement climatique. La création d'un fonds pour les pertes et dommages le mois dernier à la COP27 en Egypte est une étape vers la justice climatique.
«Cependant, la promesse de doubler le financement de l'adaptation à 40 milliards de dollars par an n'a pas été tenue», a noté le chef de l'ONU, alors que les coûts d'adaptation de l'Afrique subsaharienne au changement climatique sont estimés à eux seuls à 50 milliards de dollars par an au cours de la prochaine décennie.
«L'Afrique ne peut pas payer seule cette facture. Elle ne le devrait pas non plus», a déclaré M. Guterres. Les pays développés doivent tenir leur promesse de fournir 100 milliards de dollars chaque année aux pays en développement et réformer toute l'architecture de la finance internationale, a-t-il ajouté.
«Et je continuerai à faire pression pour un Pacte de solidarité climatique qui mobilise un soutien financier et technique pour accélérer la transition des économies émergentes vers les énergies renouvelables et maintenir l'objectif de 1,5 degré Celsius en vie», a-t-il dit.
Enfin, il a déclaré que le continent a besoin et mérite la paix, les conflits continuant de faire rage au Sahel, dans la région des Grands Lacs et dans le nord du pays hôte de l'UA lui-même.
«Aujourd'hui, nous avons discuté de la manière dont nos organisations travaillent pour assurer la paix sur le continent », a-t-il ajouté, notamment en renforçant un règlement négocié sur la région éthiopienne du Tigré, en s'appuyant sur le récent accord de cessation des hostilités négocié par l'UA.
«La paix n'est jamais facile»
Au milieu d'une vague de coups d'État ces derniers mois, le chef de l’ONU a souligné que « les changements de gouvernement anticonstitutionnels ne sont pas acceptables. Ils ne font pas partie du monde civilisé».
Des opérations africaines solides d'imposition de la paix et de lutte contre le terrorisme, mandatées par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, sont essentielles, a déclaré M. Guterres, et doivent être soutenues par un financement stable et prévisible.
«La paix n'est jamais facile, mais la paix est toujours nécessaire», a-t-il conclu. «Les Nations Unies continueront de travailler avec l'UA pour assurer la paix, la prospérité et la justice climatique que les peuples d'Afrique méritent».
Plus tôt jeudi, le Secrétaire général a eu une réunion avec le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, ainsi qu'avec le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat. M. Guterres a réitéré son plein soutien à la pleine mise en œuvre du récent accord sur la fin des combats dans le nord. Il a souligné que l'ensemble du système des Nations Unies apporterait un soutien humanitaire à tous ceux qui en avaient besoin.