Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

«L’avenir des économies africaines ne peut pas se construire avec des avocats venus d’ailleurs»

Publié le mardi 24 janvier 2023  |  Jeune Afrique
Sept
© aLome.com par Parfait & Edem Gadegbeku
Sept étudiants relaxés pour défaut de preuves au terme d`un procès sous tension après les violences du 14 au 16 juin sur le campus de Lomé
Lomé, le 20 juin 2017. Salle d`audience du Palais de justice de la capitale togolaise. Le procès des étudiants de l’Université de Lomé arrêtés lors des manifestations des 14,15 et 16 juin 2017 sur le campus universitaire réclamant de meilleures conditions d’études s`est achevé sur une relaxe de 7 étudiants pour défaut de preuves, à la grande satisfaction de leur conseil. Le procès s’est déroulé sous une grande tension entretenue par le mécontentement des étudiants venus épauler leurs camarades jugés.
Comment


Par Michel Brizoua-Bi, Avocat au barreau d'Abidjan

De plus en plus sollicités par leurs États, les hommes de loi du continent peinent pourtant à faire face à la concurrence des firmes internationales. Plutôt que de privilégier les conseils étrangers, nos dirigeants gagneraient à promouvoir davantage les compétences locales, selon Michel Brizoua-Bi, inscrit au barreau d’Abidjan.


Paris, aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Un ministre d’un pays d’Afrique francophone m’adresse un large sourire et, au cours de l’échange qui suit, il se félicite d’avoir signé une importante convention relative à un projet d’infrastructure majeur. En ce début 2023, ses objectifs sectoriels sont, dit-il, atteints. Mais il confesse son grand regret d’avoir consacré plus d’un million d’euros aux honoraires des avocats dans ce projet. Et il conclut, dépité: «On est peiné de débourser ces montants, mais il n’existe pas partout en Afrique des cabinets d’avocats capables de prendre en charge ces importantes transactions».

Explosion des besoins

Habitué à ce prétexte, qui comporte une part de vérité, je m’abstiens de faire observer qu’une large partie de la documentation juridique du projet en question a été préparée en Afrique par des confrères très compétents. Je félicite néanmoins le ministre pour son succès et je me risque quand même à lui poser à voix basse cette question : «Monsieur le ministre, combien votre pays investit-il dans son Programme national de développement pour le renforcement des capacités des avocats ? » Surpris, il me répond : «Pourquoi l’État financerait-il une profession libérale»? Poser une telle question témoigne d’une erreur d’appréciation des parties prenantes, États et avocats confondus, alors même qu’ils pourraient être tous gagnants.

Dans les principes et les textes régissant la profession d’avocat, l’indépendance est non seulement consacrée mais, surtout, elle est protégée. Elle est non négociable. L’État, de son côté, excepté pour des missions de service public – dont, notamment, l’assistance judiciaire –, ne se préoccupe point de mettre des ressources à la disposition des barreaux en vue de leur développement.

Or, depuis quelques années, l’explosion des besoins juridiques dans tous les domaines de la vie de l’État et des entreprises fait jouer à l’avocat un rôle multidimensionnel et incontournable dans la société. Hormis son travail dans les prétoires, auquel l’homme de la rue tend, par ignorance, à le confiner, l’avocat est rédacteur de lois, médiateur dans des conflits, arbitre dans des contentieux, négociateur de grands projets, enquêteur dans des missions d’investigation relatives aux graves violations de droits humains, etc.

Si, en raison de l’expertise pointue et du savoir-faire qu’ils requièrent, ces domaines sont demeurés, pendant de longues années, la chasse gardée des puissantes multinationales du droit, la donne change. Dans les pays d’Afrique anglophone comme l’Afrique du Sud, le Nigeria ou le Kenya, la structure organisationnelle, la taille et l’expertise des cabinets ont rendu quasiment inutile le recours aux cabinets occidentaux. Mieux, un cabinet leader de la place de Lagos a franchi depuis 2021 un cap offensif et historique en ouvrant un bureau à Londres. C’est la réponse du berger à la bergère.

Préférence nationale

En Afrique francophone et en Afrique lusophone, tout comme au Maghreb, la situation est plus contrastée. Les expertises fortes ne manquent pas, mais le nombre de structures compétitives à l’international reste encore relativement limité. Loin de moi l’idée de prôner un patriotisme juridique à outrance, qui imposerait le recours aux cabinets d’avocats nationaux même lorsque ces derniers justifient à peine de l’expertise spécifique requise ou qu’ils ne la possèdent tout simplement pas. En revanche, il est possible de prévoir, notamment dans le cadre des marchés publics, des règles de préférence nationale pour les services d’avocats. À titre d’exemple, le Nigeria a déjà légiféré en faveur du contenu local pour les services d’avocats dans l’industrie pétrolière.

À la lumière de ces enjeux, décomplexés, ouverts et ambitieux, nombre de barreaux encouragent fortement leurs avocats à aller se former hors du continent auprès de leurs confrères plus expérimentés. Leurs dirigeants, conscients du fossé qui s’est creusé dans la compétition mondiale, mettent en place des programmes de formation interne pour leurs avocats. Mais, après plus de soixante années d’indépendance de nos États, n’est-il pas envisageable de soutenir les barreaux africains dans leurs efforts de développement et de formation, en mobilisant notamment des ressources financières importantes et en accordant des incitations fiscales aux structures d’avocats, surtout pour les plus jeunes qui entrent dans le métier?
... suite de l'article sur Jeune Afrique

Commentaires