Jean Pierre Fabre, le président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et chef de l’opposition a été reçu en audience mercredi par le chef de l’Etat. La dernière rencontre entre les deux hommes, remonte à 2010.
Principal sujet abordé : le cadre de discussions pour les prochaines réformes constitutionnelles et institutionnelles avant la présidentielle de 2015. Dans une réponse adressée à M.Fabre, suite à son courrier, le chef de l’Etat avait affirmé que l’Assemblée nationale est le "cadre le plus indiqué pour débattre utilement des réformes envisagées, conformément à l’esprit de l’Accord Politique Global (APG)".
Une réponse qui n’est pas du goût de certains leaders de l’opposition dont M.Fabre, l’opposition étant minoritaire au Parlement.
Ce vendredi matin, M.Fabre est revenu sur le sujet dans une interview accordée à Rfi. Voici l’intégralité de l’entretien.
Question : Votre rencontre de mercredi n’a duré que 30 minutes. Est-ce qu’elle a servi à quelque chose ?
Jean Pierre Fabre : Bien sûr que ça a servi à quelque chose. L’ambiance a été marquée par le sérieux. Le chef de l’Etat a même déclaré que la loi lui impose de me recevoir au moins une fois l’an, reconnaissant ainsi mon statut de chef de file de l’opposition. Je lui ai réitéré ma demande : que le gouvernement mette en place, un cadre formel où commenceront ces discussions dans les meilleurs délais. Le président est flou, il nous renvoie à l’Assemblée nationale. Je pense que la large majorité que détient son parti à l’Assemblée nationale l’incline à tenter de passer en force à l’Assemblée nationale, mais nous entrerons dans ce cas dans une zone de turbulence.
Vous demandez la limitation du nombre de mandat présidentiel. En 1999, le défunt président Eyadéma avait accepté - sous pression internationale - de limiter ce nombre à deux mandats. Mais en 2002, il a changé d’avis et aujourd’hui le nombre de mandat est à nouveau illimité. Pourquoi son fils accepterait-il aujourd’hui de fixer une limite de temps à son pouvoir ?
Mais ça dépend de ceux qu’il trouve en face de lui. S’il trouve des populations togolaises, il va le faire. Si les populations togolaises se mobilisent pour exiger que le mandat soit limité. Mais surtout si la loi est prise aujourd’hui et qu’elle limite le mandat à deux, elle s’applique immédiatement à M.Faure Gnassingbé qui ne peut plus se présenter à l’élection présidentielle de 2015.
Beaucoup de togolais sont persuadés que Faure Gnassingbé va être candidat à sa succession l’année prochaine
Mais, on va voir. Ca dépend de la pression qu’il aura en face
C’est-à-dire que l’audience de mercredi ne signifie pas que vous abandonnez la pression de la rue ?
Ah non, pas du tout. Moi, j’ai été toujours favorable à la conjugaison de la pression de la rue avec la négociation.
Aujourd’hui, la présidentielle est à un seul tour. Vous demandez deux tours notamment parce que vous êtes très divisés dans l’opposition. Et donc à priori, incapables de vous entendre sur une candidature unique dès le premier tour. Mais pourquoi Faure Gnassingbé vous fera-t-il ce cadeau ?
Nous ne demandons pas +deux tours+ parce que nous sommes incapables de nous unir. Nous demandons deux tours parce que son père a pris l’engagement de ne pas modifier la constitution et l’a modifiée en violation de l’Accord cadre de Lomé. Et donc, nous demandons qu’on retourne au mode de scrutin contenu dans la constitution de 1992. On veut aller à des élections normales. Maintenant, nous sommes incapables de nous unir, personne n’en sait rien. Nous disposons d’un an devant nous pour refaire le chemin perdu et travailler.
En tout cas pour l’instant, vous êtes divisés, puisque Me Apévon du CAR (Comité d’Action pour le Renouveau) et Brigitte Adjamagbo de la CDPA (Convention Démocratique des Peuples Africains) vous reprochent de ne les avoir pas prévenus, d’avoir demandé une audience à la présidence.
Vous savez, je ne veux pas entrer dans la polémique. Sinon, je répondrai que nous avons demandé à les voir et qu’ils n’étaient pas disponibles. Et ça sert à quoi, de dire toutes ces choses ?
A la différence de son père et malgré la répression meurtrière d’avril 2005, Faure Gnassingbé est plutôt bien vu par la communauté internationale et même par le président socialiste français qui le reçoit à Paris. Est-ce que ça ne vous chagrine pas ?
Non. Il y a longtemps que j’ai compris que la communauté internationale ne s’investit jamais en profondeur. Donc, je continue de travailler en ne comptant que sur les populations togolaises. Il ne faut compter que sur soi-même.
Est-ce que Faure Gnassingbé n’a pas une meilleure image que son père dans le monde ? Est-ce que ça ne contrarie pas vos efforts ?
Mais, dites-moi ce que je peux faire ? Il faut se méfier de la communauté internationale qui a toujours des prétentions en deçà de ce que veulent les populations. C’est les togolais qui comptent. FIN