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Togo: Que savoir de la situation de lutte contre la corruption depuis la création de la HAPLUCIA?

Publié le lundi 27 fevrier 2023  |  Société civile Media
Siège
© aLome.com par Edem Gadegbeku & J. Tchakou
Siège de la HAPLUCIA (Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées)
Lomé, le 31 août 2018. Kégué. Siège de la HAPLUCIA (Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées).
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La corruption est présente dans tous les pays du monde, mais ce sont les pays en développement à l’instar du Togo qui en pâtissent le plus et peuvent perdre jusqu’à 25% de leurs budgets annuels du fait de ses conséquences néfastes. Son coût est estimé à au moins 2 600 milliards de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial. La corruption est un phénomène social, politique et économique complexe qui sape les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l’instabilité gouvernementale.
Reconnu par les autorités togolaises comme un obstacle à la bonne gouvernance et au développement harmonieux du pays et dans le souci de prévenir et de lutter contre ce fléau ; le Togo à adopter le Protocole de la CEDEAO, la Convention de l’Union Africaine et la Convention des Nations Unies contre la corruption et mis en œuvre plusieurs initiatives de lutte contre ce fléau.

En 2016, le Président de la République Faure GNASSINGBE réaffirmait l’engagement ferme du Togo à renforcer les mesures dans la lutte contre corruption «la lutte que nous avons entamée contre la corruption doit être intensifiée avec méthode et détermination».
Cette volonté politique manifestée par le Chef de l’Etat d’aller vers une gestion plus efficace et transparente des ressources publiques, la promotion de l’intégrité, la culture de la reddition des comptes, s’est illustrée par l’adoption de plusieurs mesures dont la création de la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) à travers la loi n° 2015-006 du 28 juillet 2015. Depuis la mise en place de l’institution chargée de la lutte contre la corruption au Togo en 2017 avec la nomination et la prise de fonction des sept (7) membres ; plusieurs initiatives ont été entreprises par le Gouvernement pour permettre au pays de progresser et de relever un grand défi, celui d’éliminer la corruption et les infractions assimilées ou du moins minimiser les effets néfastes de la corruption sur le développement économique du pays.

Les chiffres de l’indice de perception de la corruption (IPC) de l’ONG Transparency International qui évalue chaque année la perception de la corruption en se basant sur des études et des enquêtes menées par 9 institutions indépendantes ; sur le Togo au cours de la période 2017 à 2022 démontrent suffisamment que les résultats sur le terrain semblent mettre du temps à se faire voir et la corruption semble être érigée en système et gangrène tous les secteurs de la vie socioéconomique du pays. Sur une échelle de 0 à 100, l’indice de perception de la corruption était par exemple de 70 points en 2022 (135e place), et plus le score est élevé, plus la corruption est massive. En 2021 il était également de 70, 71 en 2020 et 2019, 70 en 2018 et 68 en 2017.

Créée en 2015 par le Gouvernement conformément aux instruments internationaux ratifiés( convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et le Protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption) par le Togo dans la lutte contre la corruption, la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées est chargée de promouvoir et de renforcer la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées dans les administrations, les établissements publics, les entreprises privées et les organismes non étatiques.

Ces attributions sont prévues à l’article 2 de la loi de 2015. Il s’agit entre autres de veiller à la mise en œuvre, au sein de l’administration publique, des établissements publics ou de toutes personnes morales légalement constituées, des actions appropriées de formation et de mise en conformité, visant à prévenir la corruption et les infractions assimilées ; évaluer périodiquement les instruments juridiques et les mesures administratives de lutte contre la corruption, notamment au moyen d’indicateurs et d’analyses statistiques ; veiller à la diffusion et à la vulgarisation des textes relatifs à la prévention et a la lutte contre la corruption ; définir, accroitre et diffuser les connaissances et les bonnes pratiques relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption ; proposer aux ministères compétents des actions éducatives à l’adresse des apprenants ; sensibiliser dans sa communication publique, sur le respect de la présomption d’innocence et le principe d’égalité dans le procès pénal ou encore publier un rapport annuel d’activités qui comprend entre autres les causes, une analyse statistique de la corruption et des infractions assimilées.

Conduite depuis la nomination de ses membres en 2017 par M. Wiyao Essohana, la HAPLUCIA a désormais un nouveau Président. Elle est désormais dirigée par le juge Aba Kimelabalo, nommée par décret présidentiel en début d’année 2023. Ex-juge à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, le nouveau responsable de l’institution de lutte contre la corruption a été Directeur Général du Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).

Malgré l’appel lancé dès son entrée en fonction aux députés, à la classe politique, aux agents de l’administration publique, aux médias, à la société civile, au secteur privé, aux étudiants, aux autorités religieuses et traditionnelles, aux médias ; afin que chacun apporte sa contribution à la lutte généralisée contre toutes les formes de corruption et d’infractions assimilées au Togo ; sous sa présidence, M. Wiyao Essohana n’a pas réussi à créer suffisamment les conditions favorables pour une participation active de toutes les forces vives de la nation dans la lutte contre ce fléau malgré l’engagement et la disponibilité du Gouvernement à accompagner les actions et initiatives de cette institution.

Depuis qu’elle est devenue opérationnelle au premier trimestre 2018, elle a au cours des cinq (5) dernières années à titre de prévention essentiellement menée des actions de communication, de sensibilisation et de vulgarisation des textes. Elle a organisé une campagne nationale de sensibilisation sur la « participation citoyenne à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées»; l’organisation des célébrations des journées africaine et mondiale de lutte contre la corruption ; organisation des émissions télévisées et radiophoniques, mise en place d’un cadre de coordination et de concertation des acteurs impliqués dans la lutte contre la corruption au Togo ; élaboration d’un plan stratégique national de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Cette stratégie nationale se décline en trois axes principaux.

Le 1er axe vise le renforcement du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption dans le pays. A travers le 3 deuxième, la HAPLUCIA et ses partenaires vont œuvrer à la mobilisation de tous les acteurs et secteurs d’intervention confondus à la lutte contre la corruption. Conformément au dernier axe, des actions seront menées pour renforcer l’intégrité, la transparence et la qualité dans l’administration publique) ; transmission de trois cas présumés de corruption (cas des fonds de la CAN 2013, la route Lomé Vogan Anfoin et l’affaire de détournement des deniers publics à la Direction des transports routiers et ferroviaires au Procureur de la République ; réalisation d’une enquête sur le coût et la perception de la corruption au Togo et autres. Globalement, au cours des deux (2) mandats passés à la tête de cette institution, M. Essohana Wiyao a été très visible sur le terrain de la prévention à travers une diversité d’actions. Par contre cette institution dépourvue de moyens contraignants n’a pas réussi à travers sa coopération avec la justice à traduire les auteurs présumés de détournements de fonds et de faits de corruption devant la justice ou même à les faire condamner.

Il y’a encore deux (2) ans, le Gouvernement a annoncé vouloir procéder à sa restructuration pour lui donner véritablement les moyens de «promouvoir et renforcer la prévention et la lutte contre la corruption». Le ministre Christian TRIMUA, Porte-parole du gouvernement avait laissé entendre à l’époque que cette institution va faire l’objet d’une recomposition, à l’aune des défis du nouveau Gouvernement.

Au cours de la même période, la volonté politique du Chef de l’Etat à combattre ce fléau s’est également matérialisée par l’adoption des textes de loi et la mise en œuvre des politiques et programmes. Dans le chapitre V du titre IV intitulé « Des manquements au devoir de probité », le nouveau Code pénal promulgué le 24 novembre 2015 a repris les infractions de l’ancien code tout en changeant leur nature et en aggravant les peines applicables. Au-delà, les dispositions pénales pertinentes des trois instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption, ratifiés par le Togo ont été introduites dans le nouveau Code pénal. Il s’agit de la corruption des agents publics étrangers et des fonctionnaires internationaux, la corruption dans le secteur privé, le trafic d’influence, l’abus de fonctions, l’enrichissement illicite et le blanchiment des capitaux. Enfin, le législateur de 2015 à reconduit les peines complémentaires contenues dans l’ancien Code pénal, à savoir la déchéance civique, la confiscation du produit du crime, l’interdiction de séjour pour les condamnés étrangers et l’affichage ou la diffusion des décisions de condamnation.

La déclaration des biens et avoirs des hautes personnalités, hauts fonctionnaires et agents publics est effective au Togo avec la déclaration du patrimoine du Médiateur de la République devant la Cour Constitutionnelle conformément aux dispositions des textes qui l’obligent notamment à effectuer une déclaration initiale dans les 90 jours suivant sa prise de fonction. La réforme de la procédure de déclaration de biens et avoirs adoptée par l’Assemblée Nationale, est désormais réduite à des renseignements sur un formulaire de déclaration à transmettre au Médiateur de la République. Il introduit par ailleurs la possibilité d’une déclaration en ligne. En ce qui concerne l’assiette de la déclaration, le montant minimum unique initialement prévu par la loi organique du 24 janvier 2020, est supprimé. Après le lancement du portail national des services publics, les premières démarches administratives digitalisées sont désormais effectives au Togo.

Demande de passeport, permis de construire, raccordement à l’électricité, carte de séjour, e-visa…. La digitalisation de tous ces services publics, amorcée par le Gouvernement va contribuer à faire obstacle à la corruption en réduisant les tentations d’arrangement sous le manteau, en augmentant la transparence et en facilitant la 4 reddition des comptes grâce à la dématérialisation des services et à la limitation des interactions humaines.

Une chose est certaine, au regard de toutes ces actions, la lutte contre la corruption est une priorité pour le Gouvernement togolais. Nous pensons aujourd’hui qu’il est important de renforcer les actions et initiatives déjà prises dans la prévention et mettre un accent particulier sur la répression des actes de corruption en engageant des poursuites judiciaires contre les auteurs d’actes de corruption.

A cet effet, nous encourageons le Gouvernement à réviser la loi n° 2015-006 du 28 juillet 2015 portant création de la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées afin de donner véritablement les moyens efficaces à cette institution d’engager des poursuites judiciaires en collaboration avec la justice contre les présumés auteurs des cas de corruption et autres infractions connexes ; à poursuivre la digitalisation de tous les moyens de paiement au profit de l’Etat en vue de réduire les risques de corruption ; à renforcer les actions de sensibilisation de masse en s’appuyant sur les organisations de la société civile impliquées dans la lutte contre ce fléau afin de créer une masse critique de citoyens qui dénoncent les actes de corruption ; à sensibiliser et renforcer les capacités des magistrats des différentes juridictions afin de réduire leur vulnérabilité à la corruption ; à mettre en place un mécanisme de suivi des rapports d’audit des marchés publics afin d’engager des poursuites judiciaires contre les présumés auteurs de malversations financières ; ou encore faire en sorte que la Cour des comptes renforce son contrôle dans la gestion des fonds alloués aux partis politiques et les financements des campagnes électorales.


Globalement, l’Organisation des Nations Unies (ONU) estime que les responsables politiques, dirigeants et agents de la fonction publique ; les organisations non gouvernementales; les médias ; le secteur privé ; les syndicats et chaque citoyen peuvent s’engager de différentes manières dans la lutte contre la corruption dans un pays. Nous pensons que ces acteurs doivent prendre position et lutter contre la corruption à travers plusieurs actions afin d’accompagner les efforts consentis par le Gouvernement dans la lutte contre ce fléau dans notre pays. Il s’agit pour les acteurs du secteur public de dénoncer les cas de corruption dans tous les domaines ; refuser de participer à des activités qui ne sont pas licites et transparentes ; et veiller à ce que les fonds publics ne soient pas détournés. Les organisations non gouvernementales doivent engager les jeunes dans les discussions sur ce que constitue un comportement moral, la nature de la corruption et les moyens de la combattre, et encourager les jeunes à revendiquer leur droit à l’éducation ; et sensibiliser le grand public, les médias et les administrations au coût de la corruption sur l’économie du pays. Les médias à leur tour doivent informer le public ; collaborer avec les milieux d’affaires pour suivre les activités du secteur privé. Le secteur privé doit par contre favoriser la stabilité économique par l’application d’une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption ; adopter les principes directeurs concernant les cadeaux, la chaîne d’approvisionnement, la dénonciation d’irrégularités, et d’autres questions clefs touchant à la corruption, et en les faisant connaitre de tous les employés.
Les syndicats négocient les salaires convenables pour les agents publics ; traitent les stratégies de lutte contre la corruption dans le cadre du dialogue social et établissent des partenariats avec le secteur privé afin d’assurer une tolérance zéro à l’égard de la corruption ; mobilisent contre la corruption la voix collective des syndicats et leur pouvoir de négociation ; et luttent pour une rémunération équitable, de bonnes conditions de travail et une meilleure organisation des services des travailleurs. D’une manière générale, chacun de nous peut lutter contre la corruption en se renseignant sur l’état de droit et sur ce que l’Etat s’est engagé à faire pour lutter contre la corruption ; en signalant aux autorités les cas de corruption ou en apprenant aux enfants que la corruption est inacceptable.


Nous nous alignons derrière la vision du Chef de l’Etat Faure GNASSINGBE dans son engagement permanent à améliorer les conditions de vie et de travail des togolais et celle des organismes et institutions de la République à mener une lutte implacable contre la corruption, une pratique malaisée à maitriser et à endiguer. Nous sommes convaincus que nous pouvons faire face avec efficacité et rigueur contre ce fléau en faisant preuve d’audace, de volonté, de méthode et de détermination, et surtout en s’inspirant des normes et bonnes pratiques ayant fait leur preuve à l’internationale en tenant compte bien évidemment des réalités de notre pays.

Nous réitérons notre disponibilité à accompagner les autorités togolaises notamment la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées dans la réussite de sa double mission de prévention et de répression des actes de corruption dans les administrations, les établissements publics, les entreprises privées et les organismes non étatiques. La lutte contre la corruption exige de la persévérance, elle n’est pas facultative, elle est une priorité et une affaire de nous tous.

Samiroudine OURO SAMA

Juriste, Défenseur des droits de l’Homme et Président de l’association ICJ-VE, Spécialiste de la lutte anti-corruption
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