Le chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé, a reçu, le mercredi 5 mars dernier, le chef de file de l’opposition togolaise, Jean-Pierre Fabre. Des sources proches de l’opposition rappellent que ce tête-à-tête, qui a eu lieu sur demande de l’opposition, était attendu depuis 2010. Seulement, les tensions, de même que les violences consécutives à l’élection contestée de l’actuel locataire du palais présidentiel, les revendications « inacceptables » de l’opposition, avaient entraîné un raidissement de la position du régime vis-à-vis de Jean-Pierre Fabre. Une attitude qui avait, pour le moins, provoqué une rupture totale du dialogue entre le pouvoir et l’opposition.
La morosité que l’on observe sur le plan politique a des répercussions négatives sur les performances économiques du pays
Après donc 9 ans de brouille, on peut dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et aujourd’hui, des deux côtés, on se dit prêt à fumer le calumet de la paix.
S’achemine-t-on ainsi vers une amélioration du climat politique dans le pays ? C’est bien le souhait de tous les Togolais, tous bords politiques confondus, car on sait que la morosité que l’on observe sur le plan politique a des répercussions négatives sur les performances économiques du pays et partant, sur le bien-être de tous les citoyens togolais. Pour en revenir à la rencontre, on annonce, avec beaucoup d’optimisme, qu’elle doit permettre d’aborder « les différentes modalités à mettre en œuvre pour aboutir à l’adoption de réformes institutionnelles et constitutionnelles pour un apaisement sociopolitique au Togo ». C’est dire combien cette rencontre est importante pour l’ensemble de la classe politique togolaise, dans la mesure où sa tenue est déjà, en soi, un pas vers la réconciliation de tous les Togolais. Pourvu que cette volonté d’aller à la réconciliation soit sincère et qu’autour de la table, tous les interlocuteurs soient animés de la volonté de sauver la maison Togo. Toutefois, on ne peut manquer d’émettre quelques doutes sur la sincérité du camp présidentiel. Car on se rappelle que rien que la semaine dernière, Faure Gnassingbé avait opposé une fin de non-recevoir à Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition, lui rappelant que le dialogue se menait désormais dans l’hémicycle. Qu’est-ce qui a donc pu le faire changer d’attitude en l’espace de quelques jours ?
En recevant le chef de file de l’opposition, Faure Gnassingbé cherche à prendre les devants en instaurant le dialogue ?
C’est certainement dans une analyse de la situation politique nationale qu’il faut aller chercher la réponse à cette question. En effet, le calme relatif que l’on observe en ce moment n’est pas forcément synonyme de stabilité. Il se pourrait que ce soit le calme qui précède la tempête. Car, et Gnassingbé ne l’ignore pas, les Togolais, dans une large majorité, aspirent à vivre dans un pays où la démocratie n’est plus un leurre, ni un élément d’escroquerie politique, mais une réalité tangible. Or, l’histoire nous enseigne que quand un peuple commence à réclamer la démocratie, il est prêt à y mettre le prix. Gnassingbé sait que la période de grâce est depuis fort longtemps révolue et qu’il faut donc explorer d’autres stratégies pour se maintenir au pouvoir. Cette ouverture procéderait-elle donc d’une stratégie électorale ? Sans doute.
Au demeurant, on peut comprendre qu’en recevant le chef de file de l’opposition, Faure Gnassingbé cherche à prendre les devants en instaurant le dialogue, avant qu’il ne lui soit imposé par la rue. Toute chose qui serait non seulement dommageable pour sa propre image, mais aussi celle de son pays. Il sait que la violence de la rue éloigne toujours les investisseurs du pays et provoque à long ou moyen terme, son écroulement économique. Quoi qu’il en soit, on peut dire que cette ouverture du dialogue arrive à propos pour renforcer la démocratie au Togo. Ce d’autant plus que la présidentielle de 2015 est déjà proche, et que les réformes constitutionnelles annoncées et auxquelles l’opposition tient beaucoup, sont nécessaires pour un climat social apaisé. A ceux qui voient d’un mauvais œil cette rencontre, il faut dire que dialoguer ne signifie pas forcément s’incliner et encore moins renoncer à ce à quoi on croit. Fabre a certainement fait ce qu’il doit faire. L’histoire nous dira s’il a eu raison ou pas.