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Luis Martinez : « Le Bénin et le Togo sont clairement menacés par l’expansion jihadiste »

Publié le lundi 27 mars 2023  |  Jeune Afrique
Conférence
© Autre presse par DR
Conférence sur le terrorisme au Togo
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Alors que la menace jihadiste croît dans le Sahel et se propage aux pays limitrophes, et tandis que la Russie gagne de plus en plus de terrain, l’auteur de « L’Afrique, le prochain califat ? » pointe les erreurs stratégiques de la France.

Chercheur et enseignant au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po Paris, professeur invité à Columbia et à Montréal, observateur de l’Union européenne en Afrique subsaharienne, Luis Martinez a l’habitude de peser ses mots et de ne pas lancer à la légère des formules provocatrices ou caricaturales. Dès lors, le titre de son dernier livre, L’Afrique, le prochain califat ? (éd. Taillandier, 2023), et son sous-titre évoquant « la spectaculaire expansion du jihadisme » sur le continent ne peuvent qu’intriguer.

Si un spécialiste reconnu, grand connaisseur des pays d’Afrique du Nord et du Sahel, ose une telle formule, c’est visiblement que l’heure est grave. Ce que le chercheur nous confirme ici, en soulignant à quel point les pays occidentaux, France en tête, se sont trompés dans leur analyse du phénomène jihadiste au Sahel, et surtout dans la réponse – essentiellement militaire – qu’ils ont cru y apporter. Des erreurs dont les États concernés paient aujourd’hui le prix.


Jeune Afrique : Les groupes jihadistes occupent des pans de territoire au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria, au Tchad, au Niger, et cherchent à étendre leur présence jusque dans le golfe de Guinée. Si la communauté internationale n’a pas vu venir cette expansion, est-ce d’abord parce qu’elle s’est trompée sur la nature même du phénomène ?

Luis Martinez : Quand les premiers groupes jihadistes sont apparus au Sahel, nombre d’observateurs extérieurs ont fait la même analyse que celle qui avait prévalu dans les années 1990 lorsque l’Algérie avait connu une explosion de violence. On a parlé de « combattants étrangers », d’un jihad importé et en partie financé ou soutenu par des pays du Golfe, d’alliances de circonstance avec des groupes locaux ou des trafiquants, on a expliqué cette colère par des raisons économiques et sociales…

Mais, en interrogeant des membres de ces groupes sur le terrain, des prisonniers, des repentis, on s’est aperçu que la réalité était bien différente : ces gens étaient des « locaux » ; une partie au moins du discours des chefs jihadistes faisait sens pour eux, notamment les références à une histoire du jihad, à l’époque pré-coloniale, dans les pays du Sahel. En refusant de voir cela, de nombreux pays ont cru pouvoir apporter une réponse essentiellement militaire, éventuellement accompagnée de quelques mesures sociales, ce qui était une grave erreur.

Vous vous montrez particulièrement sévère envers la France, et précisément envers celui qui fut ministre de la Défense et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Pourquoi ?

Je n’ai rien contre Jean-Yves Le Drian, dont on me dit qu’il est très compétent, mais, ce qui me choque, c’est la manière dont il s’est accroché pendant des années à une lecture des événements de toute évidence erronée. Déjà, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi, en 2012-2013, il a été décidé de lancer l’opération Serval, d’envoyer des troupes au sol. Quel était le projet ? Les Français s’étaient beaucoup moqués de l’intervention des Américains en Irak, mais ils ont fait presque pire en Afrique ! Et puis, de 2014 à 2016, Jean-Yves Le Drian a continué à expliquer que la présence militaire était efficace, que les résultats étaient au rendez-vous alors que c’était manifestement faux. Les groupes jihadistes étendaient leur emprise, les attentats se multipliaient…

Vous expliquez cet entêtement par des raisons de politique intérieure française, voire européenne…

Je pense que Jean-Yves Le Drian a été traumatisé par les attentats commis à Paris en 2015. Ils l’ont convaincu que l’Afrique était en passe de devenir une base arrière pour des jihadistes déterminés à frapper la France, et même l’Europe, sur le modèle de Daesh. Ce discours a permis de justifier l’opération Barkhane auprès de l’opinion française, de tenter de mettre sur pied un embryon de force opérationnelle européenne avec la force Tabuka. Mais, en Afrique, l’effet a été dévastateur. Les troupes étrangères n’étaient pas là pour aider les pays ou les populations locales mais pour protéger l’Europe, à distance ?

Ce discours aberrant a placé les militaires dans une impasse et a complètement transformé la perception que les Africains pouvaient avoir de cette présence militaire. Le discours n’a commencé à évoluer que vers 2020, quand Paris a parlé de contribuer à stabiliser la région. Mais il était beaucoup trop tard.

Dans votre livre, vous soulignez que l’épicentre du jihadisme s’est déplacé du Mali vers le Burkina Faso, et que les groupes se répandent dans de nombreux autres États de la région, y compris sous la forme de cellules dormantes. Quels sont les pays menacés ?
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