Une quarantaine de personnes n’ayant pas composé, se retrouvent sur la liste définitive des admis
Lorsque les tripatouillages atteignent des secteurs censés incarner des valeurs morales, c’est tout le système de recrutement au Togo qui est remis en cause. Nous avions annoncé les signes précurseurs d’une magouille qui se préparerait en rapport avec le dernier concours de la Police nationale. Aujourd’hui, les faits nous donnent raison. La vérification de la liste des admis au concours de la Police nationale pour le recrutement de Commissaires, Officiers de Police et Gardiens de la Paix, a révélé qu’au moins 45 noms d’admis ne figurant pas dans la liste des admissibles publiée par le quotidien national le 15 novembre 2013 sont déclarés admis comme par enchantement.
Les 9 et 10 septembre 2013, ils étaient plus de 8.000 candidats à concourir pour des postes de Commissaires, Officiers de Police et Gardiens de la Paix dans deux centres que sont Lomé et Kara. Et le 15 novembre de la même année, les résultats des candidats admissibles à passer la visite médicale pour juger de leur aptitude à exercer la fonction étaient tombés. Au total, 2588 candidats étaient retenus et devraient passer cette visite quatre jours plus tard, soit le 19 novembre.
Dans la parution N°1609 du 7 janvier 2014, LIBERTE avait tiré la sonnette d’alarme sur le retard anormal que prenait la publication des résultats définitifs de ce concours conjointement organisé par le ministère de la Fonction Publique dirigé par Gourdigou Kolani et celui de la Sécurité et de la Protection Civile ayant à sa tête le Col Yark Daméhame. Dans ce numéro, nous nous étonnions que près de cinquante jours après la visite médicale, les résultats ne soient toujours pas proclamés. Nous avions même contacté le ministre Yark Daméhame qui, en ce temps, avait répondu que « le retard est dû à l’indisponibilité actuelle du Centre national d’Instruction qui serait occupé par des recrues militaires en formation. Or, les capacités de ce centre ne dépassent pas 1500 places, raison pour laquelle les résultats sont retardés puisqu’après la proclamation, les candidats admis devront intégrer les locaux de formation ». Or, nous avions des informations selon lesquelles une ministre très proche du chef de l’Etat chercherait à « placer ses pions » alors que ceux-ci n’auraient même pas déposé de dossiers. Les informations font état de ce que ceux-ci n’auraient pas passé les tests ni subi les analyses, leur âge ayant dépassé la norme requise. La proclamation des résultats définitifs vient confirmer aujourd’hui nos appréhensions d’hier.
En effet, dans le N° 9238 du quotidien national en date du 5 mars 2014, un communiqué conjoint des deux ministres a acté la réussite de 1038 candidats à l’issue de la visite médicale : 125 Commissaires, 160 Officiers de Police et 753 Gardiens de la Paix. Rappelons que la veille de la publication, nous nous sommes rendus au ministère de la Sécurité où le chargé de la communication nous a juré que la liste des admis n’a fait que transiter à leur niveau et qu’elle se trouve à la Fonction Publique. Nous étions retournés au ministère de la Fonction Publique où on nous a expliqué que dans ces genres de concours conjointement organisés, ils n’ont qu’un droit de regard et que dans le cas d’espèce, c’est le ministère de la Sécurité qui détient les résultats. Nous avons finalement compris que seuls les médias publics avaient le droit absolu de publier ces résultats et que les privés n’étaient pas les bienvenus. Mais ce constat était loin de tiédir notre ardeur à « voir clair » dans la liste des admis.
C’est ainsi qu’une fois la liste publiée par le quotidien national, nous nous sommes livrés à un travail de fourmi qui consiste à comparer chaque nom de candidat définitivement admis publié dans la parution N°9238 avec la liste des candidats admissibles du N° 9162 du 15 novembre 2013 du quotidien national « Togo-Presse ». Point besoin de vous dire que le travail fut fastidieux, mais au bout du compte, nous avons compris que le jeu valait la chandelle. Au total, ce sont au moins 2 commissaires, 8 Officiers de Police et 35 Gardiens de la Paix dont les noms ne figurent pas dans la liste des admissibles qui sont déclarés admis. Autrement dit, ils n’étaient pas déclarés admissibles, mais par une alchimie métaphysico-spirituelle, ils se retrouvent dans les admis définitifs. Les deux ministres voudront-ils peut-être expliquer que comme lors des examens, il y aurait eu une session des malades dont les admissibles ne seraient pas connus du quotidien national et qui se seraient ajoutés à la liste définitive bien après ?
Les informations faisant état de partialité, de favoritisme, de népotisme dans les concours de recrutement dans la fonction publique, ne datent pas d’hier. Il fallait justifier toute sortie médiatique qui mettrait en cause quelque ministère que ce soit. Nous nous sommes employés à exploiter exclusivement les résultats que les deux ministres ont conjointement signés et remis au quotidien national pour publication. Et l’intelligence n’étant pas l’apanage d’un seul homme ou groupe d’hommes, nous avons jugé utile de comparer ce qu’ils avaient signé le 15 novembre 2013 et le communiqué du 5 mars. De là à se demander si les responsables qui ont géré ce concours n’ont pas fait preuve de partialité vis-à-vis d’une frange des candidats, la réponse se trouve dans l’interrogation.
Aujourd’hui, c’est au sein de la Police nationale que la magouille s’est sue. Et pourtant, les concours d’entrée dans la Fonction Publique et autres écoles de formation telles l’ENA, l’ENAM, l’ENI, l’ENS, l’ENSF, l’INFA sont légion. Comment les citoyens doivent-ils s’y prendre pour démasquer ce qu’il est convenu d’appeler une « bassesse intellectuelle » lors des différents concours sur l’étendue du territoire ? Retenons simplement que « le poisson pourrit toujours par la tête ». Affaire à suivre.