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"Les discussions ont considérablement progressé avec LCT et MSC, nous attendons la reprise effective rapide des activités", Dominique Nyazozo, Directeur du Port sec d’Adétikopé

Publié le mardi 15 aout 2023  |  Togo First
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Lancé en 2021, en tant que composante vitale de la Plateforme Industrielle d'Adétikopé (PIA), le Port sec d'Adétikopé représente une étape cruciale dans la modernisation de la chaîne logistique du Togo. À sa tête, Dominique Nyazozo, fort de plus de 15 ans d'expérience dans l'industrie portuaire et maritime et de 7 ans à Lomé Container Terminal. Son rôle en tant que directeur du terminal intermodal est d'orchestrer des opérations fluides dans un secteur essentiel au commerce et à l'économie togolaise et celles de l’hinterland, avec pour objectif de rendre le port de Lomé encore plus compétitif. Mais depuis février, un blocage a mis à mal ces opérations, réduisant considérablement la capacité du port et soulevant des défis logistiques complexes. Les dirigeants de la PIA espèrent une reprise rapide, alors que les négociations progressent. Dans cette interview exclusive à Togo First, Dominique Nyazozo dresse une perspective de première main sur la situation, les défis et les attentes pour cette infrastructure charnière pour le Togo.

Agence Ecofin : En quoi le port sec d’Adétikopé est-il essentiel pour la chaîne logistique du Togo ?

Dominique Nyazozo : Le port sec d'Adétikopé, situé sur la plateforme industrielle à 17 kilomètres du port maritime de Lomé, agit en réalité comme une extension stratégique de ce dernier. Son rôle central est de désengorger le port maritime en transférant de manière systématique et rapide, dans un délai de 48 heures, tous les conteneurs destinés aux pays de l'hinterland, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Ce mécanisme permet aux clients ou transitaires, désignés pour l'enlèvement des marchandises, de concentrer leurs démarches en un seul lieu. Pour soutenir cette dynamique, toutes les entités administratives clés du Port autonome de Lomé à Seguce, en passant par les services douaniers, phytosanitaires et d'entreposage, ont établi leur présence au port sec. Cette coordination optimale offre une multitude d'avantages pour la chaîne logistique.

En libérant de l'espace au port maritime, les terminaux peuvent optimiser leurs opérations. Les navires, quant à eux, limitent leur temps d'attente à quai, ce qui renforce leur productivité. Les importateurs bénéficient également de cette efficacité, préférant Lomé pour la réception rapide de leurs conteneurs. Pour les clients, cette transformation signifie un service plus rapide, leur permettant de récupérer leurs marchandises dans des délais records.

Auparavant, les camions pouvaient mettre entre une et deux heures pour atteindre le site du scanner. Aujourd'hui, grâce à cette amélioration, ils y parviennent en cinq minutes seulement.

Agence Ecofin : Qu'en est-il des coûts supplémentaires pour les clients qui détiennent ces conteneurs destinés à l'hinterland ? Y a-t-il des frais additionnels liés au déplacement des conteneurs du port de Lomé vers le port sec ?

Dominique Nyazozo : Le choix entre le port de Lomé et le port sec de la Plateforme Industrielle d'Adétikopé (PIA) est un compromis entre le coût et le temps. Oui, il y a des frais additionnels associés au déplacement des conteneurs du port maritime au port sec, étant donné la distance de 27 kilomètres à couvrir et les activités de manutention nécessaires au port sec. Néanmoins, la valeur ajoutée du service au port sec devient apparente lorsque l'on compare les deux options.

Au port de Lomé, en raison du volume de trafic élevé et de la congestion sur les terminaux portuaires, les clients peuvent attendre plusieurs jours avant de pouvoir récupérer leurs conteneurs. Cependant, au port sec de la PIA, où toutes les infrastructures nécessaires sont en place, les formalités peuvent être accomplies en une journée, voire moins, ce qui permet aux clients de recevoir leurs conteneurs plus rapidement.

Si le client se présente immédiatement, par exemple à 8 heures du matin, il peut récupérer son conteneur ici dès 15 heures, voire 17 heures au plus tard. C'est donc un processus assez rapide si le client est proactif et se présente dès que possible.

Bien évidemment, comme dans tout terminal à conteneurs ou aire de stationnement, des frais de stationnement s'appliquent au-delà d'un certain délai.

Au Port sec d’Adétikopé, les clients disposent d'une période de franchise de 25 jours pour récupérer leurs conteneurs en transit. Si cette période est dépassée, des frais de stationnement commencent à s'appliquer. Il est donc important pour les clients de récupérer leurs conteneurs dans les délais pour éviter ces coûts additionnels. Si le conteneur est récupéré dans les 25 jours, aucun frais de stationnement n'est appliqué.

Agence Ecofin : Le Port sec a été lancé depuis 2021. Au début, vous avez rencontré quelques difficultés pour l'adhésion des acteurs du secteur. Que s’est-il réellement passé ?

Dominique Nyazozo : Tout projet d'envergure suscite naturellement interrogations et réserves de la part des acteurs concernés. Une partie de ces derniers pouvait se demander si les méthodes traditionnelles n'étaient pas préférables, s'ils parviendraient à s'adapter à cette nouvelle donne, ou si celle-ci se révélerait efficace. Pour répondre à ces préoccupations, nous avons instauré un dialogue régulier avec toutes les parties prenantes : Togo Terminal, les compagnies maritimes, SEGUCE, et les services douaniers. Ces réunions ont permis de clarifier les procédures et de dégager des solutions adaptées.

Nombre de ces réticences ont pu être levées grâce à ces échanges. A titre d'exemple, au début du transfert des conteneurs, nous avons été confrontés à des problèmes de congestion lors du passage des camions vers le scanner. Ces difficultés ont été soulevées lors des réunions, et le Port Autonome de Lomé a réagi promptement en affectant une voie dédiée pour le scanner pour les conteneurs en partance pour le port sec, réduisant ainsi de façon notable le temps de transfert.

Auparavant, les camions pouvaient mettre entre une et deux heures pour atteindre le site du scanner. Aujourd'hui, grâce à cette amélioration, ils y parviennent en cinq minutes seulement. Cette modification a permis de réduire drastiquement la durée de transfert, passant de trois à quatre heures à deux heures tout au plus.

C'est grâce à cet esprit de coopération que nous avons pu surmonter les défis initiaux et optimiser le fonctionnement du port sec.

Certaines lignes maritimes qui travaillent avec Togo Terminal ainsi que LCT, par où passe MSC, n'ont pas encore initié le transfert de leurs conteneurs vers le port sec.

Agence Ecofin : Comment le port sec s'intègre-t-il dans la plateforme industrielle où se font divers types de transformation industrielle ?

Dominique Nyazozo: La Plateforme Industrielle d'Adétikopé (PIA) abrite deux types d'industries. D'une part, les industries axées sur la valorisation des matières premières locales. Elles transforment ces dernières en produits finis, ajoutant ainsi une plus-value avant exportation. D'autre part, les industries qui aspirent à substituer les produits importés par une production locale. Certaines sociétés pharmaceutiques, ou des producteurs de boissons telles que Coca-Cola, ont choisi d'installer leur production sur place.

Le port sec se situe donc au cœur de cette dynamique. Son rôle est essentiel pour soutenir ces industries, notamment en facilitant le service de l'hinterland. Il offre un accès rapide à des conteneurs vides, un élément clé pour les opérations d'exportation des entreprises locales. Auparavant, celles-ci devaient envoyer leurs camions jusqu'au port maritime pour obtenir ces conteneurs. Désormais, ils sont à portée de main, à deux ou trois minutes à peine.

Les entreprises peuvent récupérer les conteneurs vides au port sec, les charger avec leurs produits, puis les acheminer directement vers le port maritime ou les maintenir au port sec selon les besoins. Le port sec assure également le transfert nocturne des conteneurs entre le port maritime et ses installations. Après que les industries ont chargé ces conteneurs avec leurs produits à exporter, ils sont acheminés vers le port sec pendant la nuit, pour des raisons de sécurité.

De cette façon, il devient donc un maillon essentiel dans la chaîne logistique de la PIA, améliorant considérablement l'efficacité des activités d'exportation des entreprises sur place.

Agence Ecofin : On apprend que certaines compagnies ne transfèrent pas encore leurs conteneurs sur Adétikopé. Quelles pourraient être les raisons et quelles sont les compagnies actuellement impliquées dans ce processus de transfert ? Lesquelles doivent encore rejoindre le mouvement ?

Dominique Nyazozo: Depuis le début du transfert des conteneurs vers le port sec d'Adétkopé en mai 2022, plusieurs grandes compagnies maritimes telles que Maersk, CMA CGM, PIL, Grimaldi, Cosco, OOCL et Marguisa se sont associées à Togo Terminal dans ce processus. Cependant, certaines lignes maritimes qui travaillent avec Togo Terminal ainsi que LCT, par où passe MSC, n'ont pas encore initié le transfert de leurs conteneurs vers le port sec.

Cette situation a pris une tournure particulière depuis février 2023. En effet, l'implication de certaines compagnies et pas d’autres dans le transfert des conteneurs a créé une dynamique de concurrence. Les coûts supplémentaires associés au transfert vers le port sec ont conduit certains clients à favoriser LCT, qui n'achemine pas encore ses conteneurs vers Adétikopé. Cette préférence pour LCT, motivée par des considérations économiques, a incité certaines des compagnies qui avaient initialement adhéré à la démarche de transfert à reconsidérer leur position, entraînant une forme de stagnation des activités depuis février.

Il est ainsi apparent que l'équilibre économique instauré par le transfert de conteneurs vers le port sec est délicat. Pour un client, une petite différence de coût peut influencer son choix de compagnie maritime. Par exemple, un client pourrait préférer travailler avec LCT plutôt que Maersk, car les conteneurs acheminés par Maersk arrivent au port sec, engendrant des coûts supplémentaires. Cette situation a créé une forme de concurrence qui peut être perçue comme déloyale, même si elle est le résultat d'un choix économique rationnel de la part des clients.

Cependant, je tiens à souligner que l'appréciation des coûts ne devrait pas uniquement être axée sur l'aspect financier. Il est crucial de prendre en compte le gain de temps et la qualité du service. Avec le port sec, nous avons mis en place un système qui réduit significativement le temps nécessaire pour l'acheminement des conteneurs, en plus d'offrir un service de qualité améliorée. C'est une valeur ajoutée qui, à mon avis, pourrait compenser les coûts financiers supplémentaires. Malheureusement, la prise en compte de ces facteurs non financiers dans l'évaluation des coûts n'a pas été généralisée par tous les acteurs.

Agence Ecofin : Quelles démarches ont été entreprises pour permettre une coopération plus concrète avec LCT et MSC ? De plus, étant donné que MSC vient de reprendre Togo Terminal, qui était initialement impliqué dans le mouvement, où en êtes-vous ?

Dominique Nyazozo: Les discussions avec LCT et MSC ont considérablement progressé. Récemment, nous avons effectué un test physique pour vérifier l'interopérabilité de nos systèmes informatiques. Les principaux obstacles à cette collaboration résidaient dans la détermination précise des paramètres de notre travail commun. Tant que ces paramètres ne sont pas clairement définis, des problèmes de collaboration pourraient être engendrés.

En parlant de LCT, il faut souligner que le volume traité par cette compagnie est indéniablement supérieur à celui de Togo Terminal. Leur activité englobe le transbordement, l'importation pour la consommation locale, ainsi que l'importation pour le transit. En termes de volume de marchandises en transit, MSC gère environ 50% du total par rapport aux autres compagnies maritimes. Ce qui en fait un acteur important. Mais les choses évoluent.

Agence Ecofin : Quelle est la raison pour laquelle, même après plus de 6 mois, les acteurs concernés ne respectent pas un décret pourtant en vigueur ?

Dominique Nyazozo : Il y a plusieurs enjeux et paramètres qui nécessitent l'implication de divers acteurs. L'orientation donnée par le chef de l'État est claire, mais il peut y avoir des ajustements nécessaires en fonction de la réalité et des contraintes rencontrées par les différents acteurs impliqués. La mise en œuvre effective peut être complexe et exiger des ajustements pour garantir le respect du décret tout en prenant en compte les contraintes opérationnelles et logistiques.

Sur les deux mois de janvier et février, nous avons observé une augmentation significative du flux par rapport aux mois de 2022. De mai à février, nous avons traité 15 000 EVP.

Agence Ecofin : Selon vos propos, la situation actuelle entraînerait une perte d’au moins 50% du volume que vous étiez censé exécuter. Si cette capacité était libérée, pourriez-vous gérer autant de conteneurs au port sec ?

Dominique Nyazozo : La zone logistique de la plateforme industrielle d'Adétikopé, englobant notre port sec, est dotée d'une capacité importante. Nous parlons ici de 12 500 équivalents à 20 pieds (EVP). Avec un séjour moyen des conteneurs estimé à sept jours, notre capacité annuelle se rapproche des 400 000 EVP. Lorsqu'on prend en compte le volume actuel provenant des différentes lignes maritimes, y compris MSC, nous sommes pleinement en mesure de gérer un flux additionnel.

Actuellement, des 10 hectares disponibles sur notre site, nous n’exploitons que 6 hectares, offrant une capacité d'opération de 7 000 EVP. En exploitant les 4 hectares restants, nous atteindrons notre capacité maximale de 12 500 EVP.

Pour offrir un aperçu plus détaillé de nos installations, la zone logistique comprend le site du Port sec, consacré à l'entreposage des conteneurs. Par ailleurs, un espace est spécifiquement aménagé pour le dépotage et l’empotage. Sur la même plateforme d'Adétikopé, nos entrepôts couvrent une superficie de 42 000 m², complétée par un espace extérieur de 25 000 m². Nous avons aussi pris les dispositions nécessaires pour le stationnement des camions, avec un parking pouvant accueillir jusqu’à 484 camions simultanément.

Agence Ecofin : Quels sont vos principaux défis ?

Dominique Nyazozo : Notre défi actuel réside dans la réelle reprise des activités de transfert, bloquées depuis février, ce que nous espérons dans le cadre des négociations en cours. Nous étions sur une bonne lancée. Par exemple, sur les deux mois de janvier et février, nous avons observé une augmentation significative du flux par rapport aux mois de 2022. De mai à février, nous avons traité 15 000 EVP.

Nous espérons que tout va reprendre très rapidement.

Notre objectif à la reprise est d'atteindre les 100 % de transfert des conteneurs en transit pour toutes les lignes maritimes, ce qui implique que toutes les lignes reprennent rapidement leurs activités de transfert, y compris les conteneurs sous réquisition de l’UMCC (Unité Mixte de Contrôle des Conteneurs) dans le cadre de nos opérations.

Cette section est chargée de gérer les conteneurs prohibés ainsi que les marchandises interdites. L'UMCC émet des suspicions sur certains conteneurs, basées sur divers critères tels que la marchandise ou la provenance. Ces conteneurs sont alors désignés sous réquisition et doivent être inspectés avant de recevoir une mainlevée, permettant leur transfert. Jusqu'à présent, lorsqu'un conteneur était sous réquisition UMCC, il restait au port jusqu'à l'obtention de la mainlevée par le client ou son représentant. Nous envisageons une amélioration en permettant le transfert des conteneurs sous réquisition vers le port sec, où l'inspection pour la mainlevée pourrait être effectuée.

Agence Ecofin : En ce qui concerne le volet social, combien de personnes sont actuellement employées ?

Dominique Nyazozo : Actuellement, nous comptons environ 120 employés permanents. Certains d'entre eux sont directement recrutés par PIA ou le Port sec, tandis que d'autres sont sous contrat via une entreprise de placement. Cette dernière se charge de fournir le personnel en fonction des besoins spécifiques qui nous sont communiqués.

Agence Ecofin : Avez-vous envisagé de réduire les effectifs suite aux fluctuations d'activité ?

Dominique Nyazozo : En effet, cela a été envisagé comme l'une des options après l'arrêt des activités en février. Cependant, nous avons choisi de ne pas procéder à une réduction d’effectif malgré les coûts opérationnels élevés que cela implique pour la société.
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