C’était la (bonne) nouvelle de ce début de semaine à la Coalition Arc-en-ciel.
Après sept (07) mois de divorce, le Nouvel engagement togolais (Net) a
opéré son retour au sein de sa famille politique. Un événement que
d’aucuns comparent au retour de l’enfant prodigue à la maison. Mais il
ne manque pas de susciter des inquiétudes chez des observateurs avisés.
La Coalition renforcée (sic)
C’est décidément une période faste pour
la Coalition Arc-en-ciel. Hier, elle enregistrait l’entrée de Docteur
Georges Kuessan et son parti, Santé du peuple. L’événement fut célébré
au sein du regroupement comme une victoire remportée sur le regroupement
concurrent (sic), le Collectif « Sauvons le Togo » qui
traversait à l’époque une zone de turbulences, avec l’agitation puérile
de l’intermittent de l’opposition, Agbéyomé Kodjo. Le choix de la
Coalition Arc-en-ciel était en tout cas justifié par certains par la
relative sérénité qui y règne et l’alternance à la coordination du
regroupement. Aujourd’hui, c’est le Nouvel engagement togolais (Net), un
ancien membre qui retourne au bercail et rejoint ses amis : le Comité
d’action pour le renouveau (Car), la Convention démocratique des peuples
africains (Cdpa), le Parti démocratique panafricain (Pdp), le Mouvement
citoyen pour la démocratie (Mcd), l’Union des démocrates socialistes du
Togo(Uds-Togo). L’information a été portée à la connaissance de
l’opinion par le parti de Gerry Taama même, à travers un communiqué daté
du lundi 10 mars dernier. Ce retour, à en croire le communiqué, a été
acté et la réintégration acceptée par tous les membres de la Coalition, à
l’issue de plusieurs réunions dont la toute dernière remonterait au 17
février.
Deux bonnes nouvelles donc en l’espace
de quelques semaines, cela mérite d’être fêté. Il y a en tout cas des
raisons que Me commérage –suivez les regards-, Mme Brigitte
Adjamagbo-Johnson, Bassabi Kagbara, Me Tchassona Traoré et Antoine Folly
jubilent, car leur regroupement se trouve renforcé numériquement, même
si le débat continue sur la réelle valeur électorale de tout ce beau
monde. L’union fait la force, dit-on, et sur cette base, on peut
conclure que la Coalition peut déplacer des montagnes – hum…Mais les
rabat-joie, tout en accueillant ce retour du Net, glosent qu’il aura
l’effet de calmer un tant soit peu la mélancolie et la coulée de bile
engendrées par la mise en vedette depuis quelques semaines de
Jean-Pierre Fabre qui fait bander de jalousie et de colère certains
leaders de partis membres de la Coalition à la seule idée de le voir
jouer les premiers rôles de l’opposition – suivez encore les regards.
Des motivations de ce comeback
Même si le Nouvel engagement togolais
(Net) était jusque-là le dernier né des partis politiques et n’avait
aucune audience ou assise nationale à faire prévaloir, c’est avec
beaucoup de bruit que Gerry Taama s’était retiré de la Coalition en août
2013 juste au lendemain des législatives, motivant sa décision par la
gestion qui se faisait du regroupement commun. Il dénonçait des vices de
procédures dans les prises de décisions, entre autres arguments.
L’ancien militaire reconverti qui a créé son propre parti politique et
milite au sein de l’opposition – une exception au Togo qui fait
soupçonner des desseins secrets – semblait scandalisé et avait laissé
éclater tous ses ressentiments à la face du monde. La Coalition
Arc-en-ciel avait reçu un coup sérieux, mais elle a supporté la
situation avec sportivité.
Parti avec fracas, Gerry Taama revient
sur la pointe des pieds. Mais qu’est-ce qui l’a donc décidé à ravaler
son vomi et revenir à la maison ? Les divergences dénoncées de toutes
ses tripes ont-elles été réellement aplanies et les manquements (sans
doute légitimes) relevés corrigés pour le décider à opérer son retour ?
Le parti répond en tout cas par l’affirmative. « Au cours de cette rencontre (Ndlr, 17 février 2014), nous
avons pu, à travers un dialogue franc, sincère et cordial, lever tous
les malentendus qui avaient conduit notre parti à se retirer de la
Coalition. A l’issue de cette séance, nous avons réitéré notre souhait
de réintégrer la Coalition Arc-en-ciel et le principe de ce retour a été
accepté par les autres membres », communique le parti. Mais Gerry
Taama ne va-t-il pas retourner sur ses pas au moindre différend, comme
Agbéyomé Kodjo qui danse du tango, ou plus proche de nous, du gweta à
reculons avec les tentatives de regroupement de l’opposition? Autant de
questions qui se posent et qui font redouter des desseins cachés à
certains observateurs.
Gerry Taama est-il en mission pour le pouvoir ?
Dans les circonstances ordinaires, ce retour ne devrait pas constituer un événement. Il devrait être mis dans la rubrique « chien écrasé »
et la vie continue. Mais il suscite bien d’interrogations, quant au
timing de sa survenue et de l’enjeu électoral à venir. En effet, ce
comeback intervient à quelques mois de l’élection présidentielle de
2015, une échéance cruciale aussi bien pour le sort de la démocratie et
de l’alternance au Togo que pour la survie du clan Gnassingbé au
pouvoir. Une épreuve qui nécessite toute l’unicité d’action de
l’opposition pour venir à bout du régime Rpt/Unir. Un clan qui cherche
aussi des voies et moyens pour mettre à rude épreuve cette union et
passer. C’est ici que des observateurs soupçonnent derrière ce retour de
Gerry Taama une mission secrète pour le régime. Et ses accointances
avec un baron du pouvoir, Gilbert Bawara, apportent de l’eau au moulin
de ses détracteurs.
Le patron du Net est en effet réputé
très proche du ministre de l’Administration territoriale, de la
décentralisation et des collectivités locales, l’un des thuriféraires du
régime autour de Faure Gnassingbé. On les dit même liés par des pactes
politiques secrets, et Gerry Taama d’être à la solde du pouvoir au sein
de l’opposition, via Gilbert Bawara. Des indiscrétions font état de ce
que la candidature du patron du Net à Lomé, et non dans son Doufelgou
natal lors des dernières législatives – cela avait de quoi surprendre,
car généralement pour ces genres d’élections à la base, on se positionne
dans sa région d’origine où on a plus de chance d’être voté par les
populations – était loin d’être gratuite. Selon ces sources, la manœuvre
visait d’une part à laisser le champ libre à l’Union pour la République
(Unir) dans le Doufelgou où il pouvait faire du score et même damer le
pion au parti au pouvoir, et d’autre part grignoter un peu sur les voix
de la Coalition Arc-en-ciel et de l’opposition dans le Grand Lomé. Le
patron du Net était même soupçonné par certains d’être une taupe au sein
de la Coalition au service du pouvoir, et son retrait y était conçu
comme « un bon débarras ». Vu sous cet angle, les observateurs
redoutent justement une mission secrète et le même rôle, dans la
perspective de la prochaine élection présidentielle, surtout que la
Coalition Arc-en-ciel et le Collectif « Sauvons le Togo » – le
cauchemar de Faure Gnassingbé – sont en conciliabules pour se coaliser à
nouveau pour la bataille de 2015. Il n’est pas superfétatoire de
rappeler que c’est en marge des manifestations organisées les 20, 21 et
22 août 2013 par le Cst que Gerry Taama ne porte pas trop dans son cœur
et auxquelles la Coalition a appelé ses militants à répondre, que le Net
avait claqué la porte. Tout cela n’est peut-être qu’un simple procès
d’intentions fait au Net, car le parti professe de très bonnes vertus
dans son communiqué : l’union de l’opposition, l’instauration d’une
démocratie véritable etc. Wait and see.
Tino Kossi