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« M’pampou 1 » ou hauts fourneaux de Nangbani : un site à conserver dans l’intérêt de tous

Publié le mercredi 20 septembre 2023  |  Agence de Presse Togolaise
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© Autre presse par DR
« M’pampou 1 » ou hauts fourneaux de Nangbani : un site à conserver dans l’intérêt de tous
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La préfecture de Bassar est connue depuis la nuit des temps, comme une zone de prédilection d’extraction du fer par des procédés traditionnels. Plusieurs sites sidérurgiques sont identifiés et ont fait l’objet de recherches archéologiques dont celles de l’Américain Philips de Barros (1986). Parmi eux, les hauts fourneaux de Nangbani ou « M’Pampou 1 », dans la commune de Bassar1 dont la gestion est pénible, constituent un site touristique à conserver pour des générations présentes et futures.

Situation géographique du site.

Le site « M’Pampou 1 » se situe à 3 km de la ville de Bassar. Il s’étend sur une superficie d’environ 5 hectares. Il est englouti dans un paysage d’une forêt éclaircie, montagneuse avec une prédominance des essences telles que Daniella oliveri ; néré ; karité ; faux teck ; spondias mombin ; nauclea latifoliée et bien d’autres encore.

Le site est aujourd’hui sous une pression anthropique très forte du fait de l’explosion démographique souligne le directeur préfectoral de l’Environnement et des Ressources forestières, Akalo Komivi. « Afin de restaurer la couverture végétale de la zone et attirer l’écotourisme, une superficie d’un hectare du site a été reboisée en 2022 d’espèces forestières telles que khaya senegalensis, Senna siamea, gmelina sous la houlette de la direction préfectorale de l’environnement et des ressources forestière pour le compte du budget d’investissement de l’Etat », a-t-il indiqué.

Historique du site.

M’Pampou 1, site sidérurgique de Nangbani, présente des intérêts dans le domaine de la recherche archéologique historique. Il est un site d’habitat écologique et de production du fer datant de l’âge du fer récent (13e siècle). Il n’y a pas encore de datation en C14 sur le site. Mais selon les sources orales, les activités de réduction du minerai de fer auraient cessé vers 1905 (une étude de Philips de Barros).

Environ cent fourneaux sont éparpillés dans une broussaille et sont exposés aux intempéries. « Ces fourneaux sont des structures à deux parois ; une paroi interne fine de forme losangique ou fusaïole, cuite par les différentes opérations de réduction du minerai de fer et dont l’intérieur est lisse puis une paroi externe très épaisse de forme tronconique et non cuite assurant la protection de la première. Ce sont des fourneaux dont la hauteur atteint environ 4m. Ces fourneaux sont construits à base des matériaux locaux, notamment de l’argile pétrie avec de la paille et des résidus de fer concassés. Ils sont composés de trois couches superposées et une grande ouverture au bas du joyau appelée la « bouche » avec de tuyères tout autour qui permettent l’entrée de l’air à l’intérieur du fourneau. Ils sont très épais et durs au toucher. Ceci afin d’avoir une grande température à l’intérieur pour faciliter la fonte du minerai de fer », a expliqué le guide touristique, Gbati Sapol. « Ici à Nangbani, la teneur du fer dans le minerai n’était pas importante c’est pourquoi les fourneaux sont très épais ceci pour garder une température très élevée. Par contre à Bangeli (Commune Bassar 2), la teneur en fer dans le minerai était importante ils n’ont pas besoin de beaucoup de température pour faire fondre le fer. Là-bas, les fourneaux sont moins épais qu’ici à Nangbani » a-t-il ajouté.

M.Koffi Gbati, un septuagénaire, explique le fonctionnement des hauts fourneaux dans le temps :« Je ne suis pas de cette époque. C’est mon grand-père qui nous a expliqué le fonctionnement de ces hauts fourneaux ; lui aussi a reçu l’explication de ses grands-parents. En effet, les parents travaillaient et amenaient le minerai qu’ils chargent dans les fourneaux pour obtenir le produit appelé la loupe. Ce sont les loupes qui étaient recherchées et vendues aux commerçants du fer de la région de la Kara, des Plateaux et ceux du Ghana, du Burkina-Faso et du Benin. Pour charger le fourneau, il faut avoir le sable fin de couleur noir, le minerai de fer, des bois secs et verts et du charbon de bois. On étale d’abord à l’intérieur de toute la base du fourneau le sable fin afin d’éviter que le produit qui sera fondu ne se colle au sol du fourneau ». M. Gbati poursuit son explication : « A l’aide d’une échelle en bois, on met par le haut une première couche de charbon de bois, puis les bois secs suivit des bois verts puis une seconde couche du charbon de bois. Sur elle, on met le feu et on active avec les soufflets à travers les tuyères et quand le feu atteint le charbon on introduit toujours par le haut la première couche du minerai ainsi on attèle les couches, charbon minerai jusqu’au sommet du fourneau. Le charbon de bois constitue la dernière couche. Avec de l’argile mouillée, on ferme la porte du fourneau et c’est parti pour trois jours. Il y a une équipe sur place qui veille sur ce processus qui dure trois jours où on assiste à l’accouchement du fourneau. On parle de l’accouchement du fourneau quand la fonte est totale. Après trois heures de temps de ce troisième jour, on ouvre la porte du fourneau pour l’aération et le refroidissement de la loupe. On retire avec délicatesse la loupe après son refroidissement total. Les scories (résidus du minerai du fer), les restes de la réduction sont rejetés à côté du fourneau formant des petites collines que l’on peut observer aujourd’hui ».

La suite du processus nous est relaté par le guide des lieux : « La loupe sortie étant impure est remise au feu pour la débarrasser des impuretés et obtenir une loupe bien pure prête à la vente ; ceci était le travail des forgerons et plus précisément ceux de Bitchabé », a fait savoir M. Sapol Gbati. Il a ajouté que la loupe impure obtenue peut être directement vendue sur place mais elle ne coûtera pas chère comme celle retravaillée et dite pure.

Gestion du site

La gestion du site est assurée par l’Association Tourisme et Vie (ATV) basée à Bassar. Elle assure cette gestion sur le plan professionnelle, structurelle et organisationnelle. Elle a, à cet effet, organisé la communauté de Nangbani en mettant en place en 2013 un comité de gestion des recettes issues des visites du site. Ce comité est présidé par Naboudja Dominique. Elle a aussi désigné au sein de la jeunesse de la localité, le guide touristique, Gbati Sapol. Celui-ci a été à plusieurs reprises formé sur les fondamentaux et techniques de guidage des visiteurs.

Le président du comité de gestion du site, M. Naboudja a indiqué que son comité organise périodiquement l’entretien du site par le défrichage ou désherbage, la délimitation du site par des pares-feux pour le protéger des feux de végétation. Des séances de sensibilisation sont aussi organisées à l’endroit des populations sur le bien-fondé de la protection du site. Les fourneaux du site étant enfouis dans une broussaille sont exposés aux d’intempéries. Quelques-uns ont connu en 2002 et 2021 des actions de protections. Des initiatives de l’archéologue américain, Philips de Braros et de l’ATV avec le financement de l’Ambassade de France au Togo.

Près d’une trentaine sont protégés par des appâtâmes modernes couverts de tôle en aluminium avec une armature en bois d’une part et en fer d’autre part soutenu par quatre piliers en béton et en fer par en droit. Les sols autour de ces fourneaux protégés sont aussi bétonnés, laissant « la bouche » du fourneau dégagée. Le site est viable grâce aux travaux de réfection à savoir, la pose des pavés à l’entrée et l’aménagement d’un air de stationnement des engins. Des pistes de déserte reliant les fourneaux les uns aux autres ont été également pavées. La piste menant du village de Nangbani au site qui était impraticable a été aussi réhabilité en 2021 grâce à un financement de l’Ambassade de France au Togo.

Pour le maire de la commune de Bassar, Djani Gbati Lantame Kokou, la gestion du site doit être efficiente et efficace. « Nous allons revoir cette gestion avec les parties prenantes, renforcer la collaboration entre l’ATV, le comité de gestion mis en place et la mairie ; le site est un bien commun de la commune et nous allons prendre des dispositions nécessaires pour mieux organiser sa gestion », a-t-il ajouté.

Difficultés rencontrées

La gestion du site connaît trois difficultés majeures, notamment les feux de végétation, la faible fréquentation du site et des visites clandestines incontrôlées, selon le président du comité de gestion. « Le site n’est pas clôturé, malgré l’interdiction de la chasse sur les lieux, il y a des personnes mal intentionnées qui, pour un petit ras mettent le feu à tout le site. Les visites sont rares et les recettes annuelles tournent entre 60.000 et 75.000F CFA et ce sont ces fonds qui nous permettent d’entretenir le site. Il y a aussi quelques transporteurs de taxi-moto malhonnêtes qui amènent clandestinement des visiteurs et cela constitue des manques à gagner pour le comité de gestion. Cela nous indispose mais nous ne baissons pas les bras nous continuons notre mission », se lamente M. Naboudja.

Un site touristique à conserver dans l’intérêt de tous.

Le site M’Pampou 1 selon la tradition orale relayée par les anciens du village de Nangbani, veut dire localité des fourneaux. M’Pam signifie fourneaux et Pou veut dire localité. Ce site fait partie de plusieurs autres biens de la préfecture proposés pour être inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il est le premier site qui attire la curiosité des touristes dans la préfecture, suivi de celui de Bangéli.

Le président de l’ATV, Bassabi Lantame, mentionne que le site bénéficie d’un projet intitulé « Préservation du patrimoine culturel à travers le tourisme en pays Bassar », projet cofinancé par le Togo et l’ambassade de France au Togo. Un plan de conservation et de gestion du site a été élaboré à cet effet. C’est un document qui permet non seulement de décrire et mieux faire connaître le site patrimonial mais aussi de faire émerger des significations de la valeur universelle exceptionnelle (VUE), pour enfin donner des orientations. Il ajoute qu’il y a nécessité de développer les pratiques éco-durables basées sur un triptyque : écologie, économie locale et l’éthique. « Nous préconisons la construction d’un écohabitat sur le site qui va non seulement offrir aux visiteurs un logement adapté au milieu, mais aussi développer les activités de loisirs, les outils et meilleures pratiques qui vont aider à protéger et préserver la vie du site et améliorer par ricochet les conditions de vie des visiteurs », a laissé entendre M. Bassabi.

De l’avis de plusieurs autres personnes du milieu, il est nécessaire de penser à la protection efficace du site car celui-ci étant un bien de toute la préfecture de Bassar, il doit être conservé et sauvegardé pour les générations présentes et futures. A cet effet, elles proposent, entre autres, la clôture du site et la construction d’une guérite à l’entrée pour éviter les feux de brousse et les visites clandestines.
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