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Chronique de Kodjo Epou : Dossouvi, une légende altérée ?
Publié le lundi 17 mars 2014  |  icilome




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Hilaire ou encore « Fo Do » pour certains, l’icône du 5 Octobre 1990 qui vient de disparaître, étaient, avec certains de ses camarades étudiants, aux premiers rangs des citoyens ordinaires, bien davantage que les élites intellectuelles et politiques, qui ont creusé un gouffre sous le système du RPT. A cette date historique, celle où des milliers de jeunes avaient, tel un tsunami, envahi spontanément les places publiques emportant tout sur leur passage, Eyadéma n’y avait vu que du feu. Leurs clameurs, ce vendredi noir, avaient fait l’évènement. Le Togo cessa d’être ce pays abruti où tout le monde regardait dans la même direction.


Logo Dossouvi a été un grand nom. Ce nom, à tout jamais, restera immortel. Même si dans sa quête d’un mieux-vivre, son porteur avait fait des choix qui vont altérer sa grandeur. Mais quelle mouche avait piqué ce militant de la première heure pour qu’il aille troquer cet immense prestige, ce nom sublime, avec une liberté fictive de vivre sur la terre natale qui, forcément, l’exposait à bien des aléas. Comment a-t-il pu oublier que son pays, fondamentalement, est resté celui où les mensonges deviennent vérités et les les vérités mensonges et où les coupes empoisonnées ont vite remplacé les mitrailleuses. Quelle mouche avait piqué Hilaire ? Pour qu’hier protestataire acerbe contre le régime, en était devenu son défenseur. On a vu le leader du MO5 changer de ton du jour au lendemain, basculer des déclarations d’opposant féroce aux apologies les plus dithyrambiques du même système.
Par la suite, les diatribes s’essoufflèrent, les corrompus étaient soudainement blanchis, quasiment innocentés, les requins devenus de blanches colombes : c’étaient là les derniers souvenirs qu’on va aussi garder de « Fo Do ». Inutile bien evidemment de rappeler ce tristement célèbre appel de Dossouvi qui invita les Togolais à voter pour le candidat du RPT, Faure Gnassingbé, lors de la présidentielle de 2010. C’était à faire tomber à la renverse ceux qui ont connu ce militant de la CDPA. Néanmoins, nul ne peut prétendre s’ériger en juge du libre-arbitre de l’ancien exilé. Tout ce qu’on peut, c’est se demander si dans son cas, il ne vallait pas mieux de se taire, de se reconvertir en citoyen ordinaire et apprendre à vivre dans la majorité silencieuse? Ce manque de courage nous renvoie à un dicton populaire dans le Midwest américain qui dit : « in some situations, if you don’t know exactely what to do, do nothing ».



Quelle mouche avait donc piqué ce grand combattant ? Avait-il oublié que ceux qui cautionnent les régimes de non-droit portent non seulement atteinte à la dignité humaine, mais s’opposent également aux lois divines et que tôt ou tard, ils en subiront les conséquences et connaîtront eux-mêmes le sort des citoyens que l’on prive injustement et arbitrairement de liberté ? En 2010, des jeunes et des femmes croupissasient encore dans les chambres de torture de la gendarmerie nationale, à Lomé, lorsque Hilaire faisait son repédalage. Quelquechose de pressant, voire de tentant, a dû prendre le dessus sur les convictions profondes de l’homme. Cela n’est pas inédit. C’est même très fréquent chez nous, cette attitude qu’ont bon nombre de Togolais à se dédire. Parce qu’ils ne croient pas pouvoir vivre autrement qu’en fréquentant les sphères du pouvoir.

Notre camarade Dossouvi, pour être plus juste, n’avait trahi personne. Il s’était trahi lui-même. Son glorieux nom, dans l’immédiat, en a pâtit. De ses œuvres, certains pourraient dire qu’elles ne sont plus que des médailles frustres et couvertes de rouilles dont la légende est effacée. Mais plus tard, dans 20, 30, 50 ans, l’histoire restorera Dossouvi et tous les siens dans leur gloire pour les attacher immortellement à ce qui sera la genèse de la démocratie togolaise. On enseignera que c’était ces jeunes héroïques d’alors – Logo, Efoui, Dégli, Dorglo … etc – qui, pour la première fois un 5 Octobre 1990, avaient permis au peuple togolais de défier frénétiquement la dictature d’un certain général.

Hilaire Logo Dossouvi nous a quittés, à mi parcours. Presque sur la pointe des pieds. Il a commis sa dernière pirouette et nous laisse tous orphelins, frustrés de ne plus entendre son vernaculaire piquant de pure Ouatchi, de ne plus voir dans son regard cette immense affection balafrée qu’il portait et distribuait à ses collègues et amis. Dossouvi a cessé le combat et, aujourd’hui, parcourt la route ultime, celle que nous tous, forts et faibles, riches et pauvres, ceux qui sont restés et ceux qui sont partis, emprunterons tôt ou tard. À un de ces jours, Hilaire.

Kodjo Epou
Washington DC

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