La question qui était posée à Jean-Baptiste Placca sur RFI ce samedi matin était simple. Pourquoi la perte de pouvoir en Afrique est si souvent synonyme de perte de liberté ou même perte de vie ?
Sa réponse elle aussi se présente en des termes aussi clairs que précis.
« C’est parce qu’une fois au pouvoir, les dirigeants découvrent des privilèges matériels importants et la jouissance de ces privilèges fait perdre à beaucoup les principes et les idéaux de départ ».
« Certains en viennent à penser qu’ils ne peuvent plus s’en passer et c’est justement là que le pouvoir devient pour eux une affaire de vie ou de mort ».
Il va encore plus loin pour préciser que si un président n’a pu rien faire en huit ou dix ans de pouvoir, ce n’est pas en rallongeant son séjour dans le fauteuil présidentiel qu’il ferait du miracle.
« Au fond, ce que vous n’avez pas pu apporter à votre peuple en huit ou dix ans, ce n’est pas en 16 ou 20 ou 40 ans que vous pourrez le lui apporter. Au-delà de deux mandats vous n’êtes plus là que vous-mêmes et votre clan et non pour le peuple ».
« Tout le discours qui consiste à faire croire que le monde s’effondrerait sans vous est une imposture, si vous êtes indispensable, irremplaçable, c’est que vous mettez votre pays en danger car, vous pouvez bien mourir de votre propre mort et l’existence d’une nation ne peut reposer sur un seul être ».
Ce raisonnement nous a beaucoup épatés et même émus du fait de sa pertinence. Il s’adapte tellement au contexte du Togo qu’il mérite d’être renforcé par des éléments plus probants.
Dans le contexte du Togo justement, Faure Gnassingbé est en train de boucler dix ans dans le fauteuil présidentiel et des signes tangibles indiquent clairement qu’il a bien l’intention de rempiler malgré les multiples freins qui l’en empêchent.
Ces freins, il nous paraît utile de les rappeler très rapidement avant de poursuivre l’analyse.
Il s’agit bien du fait qu’il est un héritier qui s’est gracieusement retrouvé dans le fauteuil après une mort subite de son père qui lui, a fait 38 ans de règne sans partage. Et pourtant il est dit que le Togo est une République et non un Royaume.
Il s’agit ensuite de l’impératif des réformes qui doivent immanquablement corriger les trucages malhonnêtement opérés par les affidés de son défunt papa pour permettre à ce dernier de s’incruster indéfiniment dans ce fauteuil.
Ces réformes doivent ramener le Togo à la norme c’est-à-dire à l’indiscutable limitation de mandat à deux sans possibilité de rallonge.
Le troisième frein vient de l’incapacité du fils à incarner véritablement le pouvoir et donc à impulser réellement une dynamique perceptible d’avenir pour le pays.
Et enfin le quatre tient encore de l’environnement international qui prohibe presque systématiquement le principe des mandats sans fin.
Pourquoi alors malgré tous ces freins de taille, le discours sur la non-rétroactivité de la loi sur le mandat présidentiel est-il encore entretenu au Togo ?
La raison est très simple et Jean-Baptiste Placca là aussi souligné. C’est que les gens veulent plutôt s’accrocher aux privilèges matériels plutôt que de s’en tenir à des principes et idéaux de démocratie et de développement.
Or il est avéré et même certifié par tous les spirituels du monde que seul les petite âmes, les petits esprits, des gens fondamentalement obtus, sans noblesse s’adonnent autant à la vie de la chair essentiellement caractérisée par la gloutonnerie, la gourmandise, l’accumulation, l’avidité à la gloire et aux privilèges, bref tout ce qui flatte autant que possible l’égo humain.
Qu’un supposé leader marche sur toutes les valeurs de la République, qu’il torpille tout, blesse la morale, le bon sens et la raison pour s’adonner uniquement à ses penchants charnels, fait nécessairement pitié. Pourquoi pense-t-on qu’il n’existe pas de vie normale après le pouvoir ?
Les présidents africains y compris donc celui du Togo, doivent se donner la chance d’une vie normale et heureuse après le pouvoir.
Il est évident que vouloir à tout prix faire du pouvoir une propriété privée, un instrument de jouissance et de protection, au point de déployer toute son énergie pour s’y accrocher tel à une planche de salut est lâche.
Voilà justement qui contraste de for belle manière avec la vie de l’esprit, celle qu’ont mené et mènent encore les grands hommes de ce monde et qui elle, impose dignité, honnêteté, droiture, franchise, raffinement, élégance, désintéressement, noblesse, courage, audace, vérité etc.
Le propre de tout homme de valeur est en réalité de faire violence sur ses aises pour se frayer la voie de la dignité, la voie de l’esprit. Nelson mandala n’a fait qu’un seul mandat à la tête de l’Afrique du Sud, mais il fait aujourd’hui partie des immortels que le monde entier vénère.
Mais alors dans quel camp l’héritier d’Eyadema veut-il se situer ? Dans le camp des nobles ou des petits hommes foncièrement lâches ? Le peuple est là et observe de près pour mieux l’évaluer.
Mais tout compte fait, il doit pouvoir s’offrir la chance d’une vie normale et heureuse après le fauteuil présidentiel qu’il occupe aujourd’hui.