Reprise du dialogue: Me Atta Zeus : «Nous sommes en constante relation avec les pères religieux pour savoir trouver une solution pour l’apaisement social»
Qui a fait la promesse de la reprise du dialogue avec l’opposition dans le même cadre qu’avant les législatives ? Est-ce l’émissaire du gouvernement M. Gilbert Bawara, l’ambassadeur des Etats-Unis d’alors Robert Whitehead ou le président de la CVJR Mgr Nicodème Barrigah ? Ni l’un, ni les autres apparemment. Mais il semble que c’est cela la compréhension générale quand les pasteurs de l’Eglise catholique et protestantes ont obligé les partis politiques de l’opposition à accepter prendre le train du processus électoral des législatives en marche. Dans les coulisses beaucoup de choses ont été préconisées dont un dialogue permanent entre les acteurs politiques.
La démarche de Jean-Pierre Fabre d’écrire au Chef de l’Etat a permis de voir les divergences sur les points de vu des différents camps sur le dialogue. Le Chef de l’Etat trouve que le cadre approprié des discussions sur les reformes constitutionnelles et institutionnelles est l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas du tout l’idée de l’opposition qui réclame un cadre formel de discussion.
Le CST, malgré les échanges entamés entre Faure Gnassingbé et Fabre Jean-Pierre et qui devraient se poursuivre avec le Premier Ministre, fait de nouveau recours aux responsables religieux qui les avaient convaincus à l’idée que le processus de discussion ne marquait qu’une pause, temporaire.
Voici ce que nous a dit Me Zeus Ajavon, coordinateur du CST, sur le sujet.
pa-lunion.com : Maître Atta Zeus, bonjour !
Me Zeus Ajavon : Bonjour !
pa-lunion.com : Est ce que finalement c’était une bonne idée de s’adresser au Chef de l’Etat ?
Me Zeus Ajavon : Oui, nous avons été surpris, si non, très surpris par la réponse du Chef de l’Etat quand le chef de file de l’opposition lui a adressé une lettre. Parce que, lors des dernières discussions qu’on a eues avant les élections législatives, nous avions posé un certain nombre de questions au représentant du gouvernement qui avait dit qu’il n’avait pas reçu des instructions sur les points liés aux réformes. Et nous lui avons demandé d’aller recevoir les instructions du Chef de l’Etat pour qu’on continue les discussions. Il est allé, il n’y a pas eu de réponse. Nous avions demandé à ce qu’il y ait un rendez-vous immédiatement avec le Chef de l’Etat pour commencer à prendre l’angle en vu de ces discussions. C’est Monseigneur Barrigah qui a pris ce rendez-vous là, mais il était question qu’à l’issu des élections, on se retrouve pour que nous puissions discuter de ces différentes réformes. Et ça fait sept mois que nous attendons. C’est pour cela que l’initiative du chef de file de l’opposition est une initiative qui se devait d’être prise.
pa-lunion.com : Est-ce que c’est une décision que, après les législatives, vous devez vous revoir ? Ou c’était juste une idée comme ça évoquée ? Est-ce que c’était acté dans même vos PV ?
Me Zeus Ajavon : Lors des dialogues, il n’y a pas de décision. Les décisions se prennent au final. On ne peut pas dire qu’on a atteint des objectifs. Mais il était devenu indispensable, puisque pour que le dialogue se poursuive, il était indispensable qu’on ait ces points de vue avant les élections. Mais, comme on n’a pas eu ce rendez-vous, on s’est dit que, une fois les élections terminées, nous allons prendre l’angle pour continuer les discussions. Puisque le gouvernement lui-même a dit que nous étions dans un processus de dialogue permanent. Dans ce cas là, il est normal qu’à l’issu des élections, et surtout qu’il y avait des questions qui étaient restées en suspens, il est normal qu’on se retrouve pour discuter.
pa-lunion.com : Maître, avant les élections, vous étiez intransigeant que sans ces réformes, vous n’irez pas aux élections. Mais finalement, vous nous aviez appris que vous aviez dû aller à ces élections, parce qu’on vous a fait cette promesse qu’après les législatives, les discussions devraient se poursuivre sur ces sujets. La question revient. Qui vous a rassurés que les discussions devraient se poursuivre dans le même cadre de dialogue après la tenue des élections législatives ? Est-ce M. Bawara ou Mgr Barrigah ?
Me Zeus Ajavon : Non, non, non. Je n’ai jamais dit qu’on nous a rassurés qu’après les élections, on allait se retrouver, que c’est ça qui nous a permis d’aller aux élections. Non du tout. C’est parce que nos pères spirituels sont convaincus d’aller à ces élections pour éviter la violence. Nous sommes allés à ces élections. Mais je vous dis que pendant ce dialogue, le pouvoir nous a dit que, parce qu’il restait quelques jours avant les élections, qu’on ne pouvait pas enclencher ces discussions, et que le représentant du pouvoir n’avait pas les instructions pour discuter de ces questions là. Comme ces questions étaient restées en suspens, parce que, lorsque nous avons commencé, nous avons fait l’ordre du jour des discussions. Et dans l’ordre du jour des discussions, nous avons listé les points sur les réformes. Et arrivé à ces points là, le ministre nous a dit qu’il n’a pas reçu d’instruction. Ça veut dire que le dialogue doit se poursuivre sur ces points là. Et c’est logique quand même.
pa-lunion.com : Mais dans cette permanence, vous vous attendez que les discussions s’ouvrent à nouveau avec l’initiative prise par Monsieur Jean Pierre Fabre. Mais le Chef de l’Etat vous renvoie à l’Assemblée. Comment allez-vous procéder ? Allez-vous retourner vers ces pères religieux qui vous ont convaincus ?
Me Zeus Ajavon : Nous sommes en constante relation avec ces pères religieux pour trouver une solution pour l’apaisement social. Même concernant le dialogue, le Chef de l’Etat nous renvoie à l’Assemblée. Mais il n’y a pas de dialogue à l’Assemblée. Je le dis, je le répète. Je suis professeur de droit public, et j’enseigne cela aux étudiants. Il n’y a pas de dialogue à l’Assemblée. Il y a des débats parlementaires qui suivent un processus légal, et ce processus abouti à un vote. Il n’y a pas de consensus à l’Assemblée. Alors que, lorsqu’il y a dialogue, on abouti à un consensus. Il n’y a pas de vote lors de dialogue.
pa-lunion.com : Vous voulez dire que le Chef de l’Etat n’a pas compris le sens de la lettre à lui envoyée ?
Me Zeus Ajavon : Ou bien il n’a pas compris, ou bien il n’a pas lu. Puisqu’il fait bien référence à l’accord politique global, qui dit clairement qu’il faut rechercher un consensus national inclusif. Alors, si on renvoie à l’Assemblée, c’est antinomique. Il y a une contradiction flagrante entre les deux. On ne peut pas nous renvoyer à l’Assemblée et dire que c’est dans le cadre de l’accord politique global. L’Accord politique global dit consensus. Hors, il n’y a pas de consensus à l’assemblée. A l’assemblée, je le répète, c’est un débat parlementaire qui se fait suivant le processus législatif qui aboutit à un vote. Et le vote, c’est la majorité qui l’emporte. C’est clair.
pa-lunion.com : Certains pensent que, le Chef de l’Etat, en vous envoyant à l’Assemblée, vous a donné un camouflet et puis, ferme la porte au dialogue.
Me Zeus Ajavon : Non ! Libre à lui de penser que c’est un camouflet. Lorsqu’il y a crise dans un pays, le Chef de l’Etat a la mission de faire assurer la paix. Donc, c’est prévoir ces problèmes et la résolution de ces problèmes. Hors, à chaque crise, il y a une triple solution possible. Il y en a plusieurs. Il y en a trois. Ou, il y a un dialogue, un consensus que ça doit se faire à l’Assemblée, alors là, ça se fera à l’Assemblée, ou il n’y pas de consensus pour que ça se fasse à l’Assemblée. En ce moment là, on passe par d’autres moyens, c’est le dialogue.
Je vous dis même, dans les pays les plus développés, on utilise le dialogue. Aux Etats-Unis on utilise constamment le dialogue. On enseigne ça aux étudiants en première année. Ca n’a rien à voir avec ce qui se passe à l’Assemblée. Rien ! L’Assemblée vient après pour concrétiser le dialogue que le président a eu avec les gens de l’autre côté. La dernière fois lorsqu’il y a eu le blocage sur le budget, ça ne s’est pas passé à l’Assemblée. Barack Obama a eu à prendre langue avec les républicains en dehors de l’Assemblée, de la manière dont il a le secret. Et c’est quand il a finalisé qu’il est allé à l’Assemblée. Parce que, s’il est allé à l’Assemblée directement, avec la majorité républicaine qu’il y a à l’Assemblée, ça sera rejeté immédiatement.
pa-lunion.com : C’est ce que vous craignez pour le cas du Togo ?
Me Zeus Ajavon : Mais, c’est la loi de la majorité. L’Assemblée, c’est la loi de la majorité. C’est clair. A moins que le Président veule dire qu’il y a un dialogue préalable. Et ce dialogue aboutisse à un consensus qu’on va envoyer à l’Assemblée, si c’est ça qu’il veut, oui. Si c’est ça qu’il entend par ce qu’il a dit. Mais si c’est qu’il n’y a pas dialogue et que tout le débat se fera à l’Assemblée, en ce moment, je dis, il y a trois solutions. Ou on dialogue et les débats qui se concrétisent à l’Assemblée, ou, il y a ce qui s’est passé en Centrafrique. Mais, nous ne voulons pas utiliser ça. Ça aussi, c’est un moyen de résolution des crises qui s’est passé dans beaucoup de pays. Nous ne voulons pas. Nous disons que nous voulons tout faire pour éviter cela. Mais, nous ne voulons pas être driblé, doublé. Nous ne voulons pas ça. Mais des gens peuvent nous doubler, nous dribler pour faire ça. Mais il y a aussi, ce qui s’est passé en Ukraine. Ce n’est pas ce qui s’est passé en Centrafrique, mais ça aussi, lorsque le gouvernement n’a pas voulu entendre raison, vous avez vu ce que ça a donné. Même en dehors des leaders politiques de l’opposition, le gouvernement a eu lors de la crise, un accord avec les leaders de l’opposition, mais le peuple a dit non. Et ils ont continué. C’est-à-dire que, il ne faut pas laisser à un moment donné, le peuple vous déborder pour arriver à des solutions que nous ne contrôlerons plus. Il vaut mieux que, de façon sage, consciente, on se mette d’accord pour faire les choses de façon amiable et apaisée.