Depuis 2020, Canal + monte au capital du groupe MultiChoice qui possède notamment DStv, le principal opérateur de télévision payante en Afrique. De 6,5% en 2020, Canal + possède désormais 31,67% des actions du groupe. Cette fois-ci, le groupe français envisage un achat à 100%.
Canal + a soumis une offre de rachat « indicative » pour MultiChoice, le groupe audiovisuel sud-africain qui possède notamment DStv, l’opérateur de télévision payante avec le plus d’abonnés en Afrique, et la plateforme de streaming Showmax.
Le groupe français, qui possède également un opérateur de télévision payante, a confirmé l’existence de l’offre au média américain MT News Wire. D’après les premières informations, Canal + a présenté au conseil d’administration de MultiChoice « une offre indicative non contraignante » pour acquérir la totalité des actions ordinaires émises de MultiChoice que le groupe français ne détient pas encore.
Une offre qui valorise MultiChoice à 2,5 milliards $
Entré au capital de MultiChoice en 2020, Canal + détient depuis juillet 2023 31,67 % des actions du groupe sud-africain. Le groupe français propose un prix de 105 rands par action, environ 5,61 $, pour racheter les 61,38 % de parts. Cela représente une prime de 40 % sur la valeur de l’action par rapport à son cours à la clôture, hier, du Johannesburg Stock Exchange où est côté MultiChoice depuis 2019. Au total, l’offre valorise le groupe audiovisuel sud-africain à environ 2,5 milliards $. L’une des raisons pour lesquelles Canal + présente une proposition indicative et fait savoir que « ni une suite à cette offre potentielle, ni les conditions d'une éventuelle transaction ne sont certaines », est que de nombreux obstacles juridiques peuvent bloquer la transaction.
Une opération compliquée sur le plan juridique
En octobre 2022, Calvo Mawela, le directeur général du groupe sud-africain, avait expliqué que « Canal+ ne peut pas prendre le contrôle de MultiChoice ». Il faut savoir que depuis 2005, une disposition de l’Electronic Communications Act stipule qu’un «étranger ne peut pas, directement ou indirectement, exercer un contrôle sur un titulaire (sud-africain ;ndlr) de licence de radiodiffusion commerciale ». Pour s’assurer qu’un groupe audiovisuel sud-africain ne puisse être contrôlé par un opérateur venu d’un autre pays, le texte limite à 20% les droits de votes au conseil d’administration accessibles aux actionnaires étrangers. L’acte constitutif de MultiChoice mentionne également cette règle. Le texte explique que MultiChoice « est autorisé à réduire les droits de vote des actions de manière à ce que le total des droits de vote des actions présumées détenues ou possédées par des étrangers ne dépasse pas 20 % du total des droits de vote ».
Ce problème de territorialité explique peut-être pourquoi dans l’annonce de son offre, Canal+ explique que le rachat de MultiChoice permettrait de créer « une entreprise de médias africaine d'envergure mondiale ». Le groupe français laisse également entendre qu’il envisage une introduction sur la bourse sud-africaine. Quoi qu’il en soit, des analystes avaient déjà évoqué des moyens pour Canal + de contourner les obstacles légaux.
Opération compliquée mais pas impossible
En 2021, Richard Cheesman, analyste principal des investissements chez Protea Capital Management, avait laissé entendre qu’un rachat était possible. Il donnerait une combinaison des équipes de vente de publicité de Canal+ et de MultiChoice, augmenterait la portée et l’efficacité des deux groupes. Seulement, les droits de votes au conseil d’administration de Canal + ne dépasseraient toujours pas les 20% dans ce scénario. Pour le moment, le groupe français ne précise pas si cette situation lui conviendrait. Même en cas d’entente, l’autre menace au rachat peut être l’autorité sud-africaine de la concurrence. Le cabinet américain Digital TV Research voit, à l’horizon 2027, MultiChoice, l’opérateur chinois StarTimes et Canal + cumuler à eux trois 90% des abonnés africains de la télévision payante. Une fusion entre deux de ces acteurs pourrait créer une situation dominante sur le marché auquel s’opposera certainement l’autorité sud-africaine de la concurrence.
Tous ces facteurs seront pris en compte dans la réponse de MultiChoice. Pour le moment, le groupe sud-africain a déclaré au média Tech Central, qu’il « examine la lettre et agira toujours dans le meilleur intérêt des actionnaires ». « Nous ferons le point sur l'évolution de la situation. Toute spéculation sur ces questions serait inappropriée », a ajouté MultiChoice.