Togo - Denké Kossi Wazo, le libéro de l’équipe togolaise participante à la Coupe d’Afrique des Nations 1984, est décédé dimanche dernier en France, à l’âge 56 ans. Il fut le premier joueur togolais à évoluer à l’étranger. On lui décerna en 2000, pour des raisons obscures, le titre de joueur du siècle.
Destin atypique que celui de ce libéro à la vision de jeu remarquable pour pousser ses coéquipiers à l’offensive, et d’une rare intelligence pour repousser les attaques adverses. Au point d’être affublé du titre du surnom de “Tour de contrôle” par le chroniqueur sportif guinéen, Boubacar Kanté (officiant à Abidjan) au cours de cette finale des 20 ans du Conseil de l’Entente, remportée par les Togolais en 1979.
Denké Kossi est né à Aguiar-Komé à Lomé en 1958. Avant d’être ce libéro remarquable, il s’était essayé au handball, au Collège de la ville d’Agbodrafo, puis au CES Mgr Jean- Marie Cessou à Lomé. Mais il découvre le plaisir du foot à Aguiar-Komé. Très tôt, il est positionné en défense centrale avant de se métamorphoser en véritable patron pour l’équipe du Lycée technique d’Adidogomé, victorieuse en 1977- 78 de la Coupe de l’ONU face à son adversaire du Lycée de Sokodé. C’est d’ailleurs au cours de cette finale, qu’on l’affubla ce 1m78, du sobriquet “Oiseau”, vu son aisance à prendre les balles aériennes. Il ajoutera plus tard le surnom à son Etat-civil et deviendra Denke Kossi Wazo.
Il intègre les rangs des Aiglons de Lomé, club créé en 1978, quand les officiers des Forces armées togolaises (FAT) dirigeant de la Fédération togolaise de football, mécontents de la domination de l’Etoile filante de Lomé et de l’Essor – clubs d’une période mythique des années de l’indépendance- sur le championnat, décidèrent de recréer le foot national en attribuant à chaque zone administrative, un club de football. Chaque joueur ne pouvant jouer que dans son quartier ! Une réforme saugrenue qui allait perdre le football togolais.
“Sous la direction du duo d’entraîneurs émérites que furent Oscar Komla Anthony et Aguiar Koffi Firmin, les Aiglons ont volé haut sur le plan national. L’équipe de la zone commerciale, s’étant appropriée de nombreux trophées au Togo et participé à plusieurs éditions de la Coupe UFOA. Denké Wazo portait le brassard de cette brillante formation bleu et blanc, qui officiait au Stade du cimétière. Elle comptait dans ses rangs : Gonçalves Ahlonko « A jeter », Eza Laté Lawson, Dohou Adébi, Efoé Mensah, Akpéko Charles « Tchalé », Parbey Koffi, Tay Glory, da Silveira Adjévi « Emile », Sapa Kossi, Adamah Amagli, Messan Kpadénou, Kuma Isidore Péwinapati, Adégnon Kossi Poclain, Sassouvi Efoé, Cosmas Comlan Anthony, Kodjo Gnagnon, Edorh Ayéwoanou….”, écrit Ekoué Satchivi.
Fuir la médiocrité
Quelques années plus tard, Denke Wazo participe à la CAN 1984 en terre ivoirienne. La sélection togolaise coachée par l’Allemand Goeller, se fit étriller par la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Mais Wazo se distingue et tape dans l’œil des recruteurs, prêts à l’engager. Le Bénino- ivoirien Simplice Zinsou voulut avoir le joueur sous les couleurs de l’Africa Sports d’Abidjan. Denke Wazo en avait presque marre de la médiocrité salariale ambiante et voulait aller voir si le gazon est plus vert ailleurs.
Mais le foot du Togo était dirigé par des militaires, peu enclins à laisser un joueur voler de ses propres ailes, surtout quand il se nomme Wazo. Ils préfèrent garder les joueurs dans un championnat resté encore au stade amateur, en leur accordant des jobs médiocres. Le journaliste Ekoué Satchivi, résident en Belgique, raconte de sa belle plume cet épisode:
“Après la compétition [La CAN 1984], Denké Wazo, Lawson Placca Handel, son ami de l’Entente 2 de Lomé, partent discrètement pour la grande métropole ivoirienne. Très sûrs d’eux-mêmes d’y trouver l’occasion de voir du nouveau et de donner une dimension à leur carrière sportive. Dans les coulisses de leur hôtel, ils y croisèrent Charles Zoumaro Gnofame, ancien DG du Garage central et administratif et tout-puissant patron de la Fédération togolaise de football dans les années 80. Le temps d’un éclair, eux qui pensaient échapper à l’officier et dirigeant sportif, seront rapatriés à Lomé. Employé à l’aéroport de Lomé, Denké Kossi Wazo n’en démord pas. Il trouvera la formule appropriée pour aller plus loin.”
Denké Wazo réussit tout de même à s’envoler quelques mois plus tard. Il partit en France en 1984 où il entama une carrière semi- professionnelle sous les couleurs de la Berrichonne de Châteauroux, un club de seconde division. Il passa un an plus tard chez les rivaux du FC Bourges.
Le longiligne libéro ouvrit la voie à d’autres joueurs : Djogou Akoulassi Tao, ancien joueur de Gomido de Kpalimé et du CO Agaza de Lomé et Saadou Boukari d’Ifodjé d’Atakpamé vont évoluer dans le club castelroussin à partir de la saison 1985- 86…
Le pays fit appel à son expérience et ses compétences en 1998. Sollicité par la Fédération togolaise de football, il mène une malheureuse expérience de conseiller technique lors de la participation du Togo à la CAN 98 au Burkina. Il raccrochera les crampons pour devenir depuis 1994, comptable au sein d’une usine de mécanique à Châteauroux.
Victime d’un problème artériel, Wazo s’est vu amputer une jambe. Mais ceci ne lui permettra pas d’en finir avec les ennuis de santé. Il se verra amputer la seconde jambe. Ce qui sera à la base de douleurs atroces qu’il ressentira ces derniers temps jusqu’à sa mort, dimanche dernier. L’ancien capitaine aux soixante-dix sélections, n’a pas eu une véritable carrière sportive sur le plan international. En 2000, il s’était vu décerner à Lomé, le titre de « joueur du siècle » du Togo. Un choix polémique. Bien avant Denke Wazo, le Togo avait connu d’illustres footballeurs dont Edmond Afangbédji de l’Etoile Filante, Djibril Karimou de l’As Monaco, Moèvi Gilbert de l’Essor de Lomé et de Bordeaux, Edmond Apéti Kaolo… Surtout ce dernier, Kaolo, demeure dans la mémoire collective, peut-être à cause de sa mort prématurée, comme le meilleur footballeur que le Togo ait jamais connu.
Apparemment, les fossoyeurs du foot togolais devaient bien réécrire l’histoire à leur profit, mais l’histoire est ce qu’elle a été, et personne ne peut la changer même en réécrivant.
Avec Le Temps (France)