Longtemps attendue sur la question, c’est par le canal de X (ex-Twitter) que la ministre de l’énergie a pris la parole pour expliquer publiquement pour la première fois, les raisons réelles des coupures intempestives observées ces derniers mois. Depuis le mois de janvier, les coupures de courant électrique se sont multipliées dans les villes du Togo, surtout dans la capitale.
“La crise énergétique qui sévit depuis janvier 2024 dans notre région, principalement due au manque d’approvisionnement en gaz naturel, entraîne des délestages et perturbe nos économies,” a déclaré la ministre.
Au cœur de cette crise énergétique, la ministre Aziable souligne une pénurie d’approvisionnement en gaz naturel. "La demande en gaz naturel au Togo est de 35 000 MM BTU par jour, mais les fournitures sont insuffisantes, voire inexistantes par moments, ce qui se traduit par des coûts de production élevés et des coupures fréquentes," explique-t-elle à l’issue d’une réunion à Lomé du Comité des ministres du Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (GAO). Cette situation, qui survient pendant une période de pic de température, ne touche pas uniquement le Togo mais s’étend aussi aux pays voisins tels que le Bénin et le Ghana.
“Le GNL est un produit du gaz naturel. Dans le cas présent, c’est le Nigeria qui alimente en gaz le Bénin, le Togo et le Ghana via le gazoduc de la WAPCo depuis 2010. Malheureusement, ils font face à de gros défis d’acheminement ces temps-ci. Il y a même récemment eu des travaux de maintenance,” indique Olivier de Souza, spécialiste des hydrocarbures chez l’Agence Ecofin.
Selon le journaliste consultant, “l’organisme nigérian N-Gas, qui agrège les volumes de gaz pour la WAPCo, n’arrive pas toujours à réunir les volumes nécessaires pour satisfaire la demande dans les pays traversés par le gazoduc ouest-africain.”
Et de poursuivre : “C’est un manquement contractuel qui dure depuis Mathusalem, mais tout le monde fait avec. L’ironie de l’histoire est que le Nigeria lui-même se sert parfois des volumes destinés à ses voisins, vu que sa production d’électricité n’arrive pas à satisfaire la demande.”
En dépit de ces difficultés récurrentes, les États de la CEDEAO continuent de miser sur le GAO. “En réponse, pour l’année 2024, l’AGAO se concentrera sur la sécurité de l’approvisionnement, l’inspection du gazoduc, l’élaboration d’un nouveau plan stratégique sur cinq ans, ainsi que sur la promotion et la gestion du projet GAO,” a soutenu la ministre Mila Aziable jeudi 04 avril 2024. Cependant, d’aucuns pensent qu’il “faut impérativement investir dans un terminal d’importation et de regazéification de GNL. Surtout pour les pays traversés par le WAGP : Bénin, Togo et Ghana (en cours)”. Un projet de ce genre avait été annoncé également au Togo en 2018, avec la Guinée Équatoriale, important producteur de GNL.
“Il est évident que le Nigeria ne peut pas satisfaire notre demande en gaz. C’est une piste à ne pas négliger,” ajoute notre consultant.
La diversification des sources d’énergie apparaît comme une solution viable, mais elle nécessite des investissements substantiels en infrastructure, un processus qui pourrait s’avérer long. En effet, le projet GAO a lui-même nécessité plus de 28 ans pour passer de l’annonce à la concrétisation, et d’autres initiatives similaires ont connu des délais comparables ou ne sont toujours pas entrées en service. Avec la récente découverte de plusieurs gisements de gaz naturel, tels que Baleine et Calao, dans son bassin sédimentaire, la Côte d’Ivoire ne manque pas d’ambition de se brancher sur le pipeline ouest-africain afin d’offrir ses propres ressources gazières. Là encore, les investissements devraient être importants.