L'adoption de la nouvelle Constitution togolaise vendredi soir à l’unanimité par les députés
togolais achève de mettre le feu aux poudres entre le parti au pouvoir et l’opposition à neuf
jours des élections législatives et régionales.
Le bras de fer entre la majorité et l'opposition de ce petit pays d'Afrique de l'ouest de 8,8
millions d'habitants, situé entre le Bénin et le Ghana, avait commencé le 25 mars lorsque les
députés avaient validé en première lecture la nouvelle Constitution.
Mais son adoption définitive a fait monter les tensions d'un cran à l'approche des scrutins
législatifs et régionaux prévus le 29 avril.
L'opposition craint que le texte, qui fait entrer le pays dans sa Vème République, ne laisse la
voie libre à la prolongation du président Faure Gnassingbé à la tête du pays.
Lors d'une conférence de presse samedi à Lomé, l'opposition a appelé à "la mobilisation
générale du peuple togolais" contre le régime de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 à
la suite de son père resté près de 38 ans aux manettes du pays.
"Nous ne reconnaissons pas cette constitution votée hier", a déclaré Brigitte Adjamagbo-
Johnson, membre du Front "Touche pas à ma Constitution", regroupement de partis
politiques de l’opposition et de la société civile créé juste après l'adoption en première
lecture de la nouvelle Constitution fin mars.
"Dans les prochains jours, des actions d'envergure seront organisées pour dire non à cette
constitution que nous rejetons avec force", a indiqué Jean Kissi, autre membre du Front, sans
donner le détail de ces mobilisations.
Mais rien ne dit qu'elles pourront avoir lieu: l'opposition avait prévu deux journées de
manifestations les 12 et 13 avril, mais elles ont été interdites par les autorités et les membres
de l'opposition ont été empêchés de se réunir.
- "Combat"-
"Le combat continue et le mot d’ordre pour ces élections, c’est : tout sauf UNIR (le parti au
pouvoir, ndlr) et ses alliés", a ajouté Mme Adjamagbo-Johnson.
"Dès que nous rentrerons dans cette Assemblée nationale, le premier acte que nous poserons
sera de défaire ce texte", a-t-elle promis.
Le Front "Touche pas à ma Constitution" a également annoncé avoir "intenté une action
devant la Cour de la Cedeao".
La Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao) avait dépêché une mission à Lomé
toute la semaine préalablement à la tenue des élections locales le 29 avril.
Adoptée avec 87 voix sur 87, la nouvelle constitution fait basculer le pays d’un régime
présidentiel à un régime parlementaire et acte la disparition de l'élection du président de la
République au sufrage direct, dont la prochaine était prévue en 2025.
Le nouveau président de la République est privé de toute prérogative. Ce sont les députés qui
éliront le chef de l’Etat "sans débat" et "pour un mandat de quatre ans, renouvelable une
fois".
Le véritable exercice du pouvoir résidera entre les mains du Président du conseil des
ministres, une sorte de super-Premier ministre, qui sera obligatoirement "le chef du parti
majoritaire" à l’Assemblée nationale.
Le président Faure Gnassingbé est à la tête du parti majoritaire.
- "Stabilité"-
"Le régime parlementaire ofre une plus grande stabilité politique aux Etats" à l'heure où,
dans la sous-région, "les régimes politiques sont cristallisés sur les présidents de la
République", ce qui nourrit leur "instabilité", a défendu auprès de l'AFP le député Sénou
Soklingbé, vice-président du groupe parlementaire de la majorité UNIR.
"Une fois qu’un parti perd la majorité, le président du Conseil perd son fauteuil. C’est la
majorité de l’Assemblée nationale qui détermine celui qui va être le président du Conseil des
ministres. La réforme n’est pas faite en tenant compte d'une seule personne", a-t-il
argumenté.
Il dément toute volonté du président Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir à vie, en
rappelant la modification constitutionnelle de 2019 qui a limité à deux des mandats du chef
de l'Etat. "Si le président avait l’intention de rester au pouvoir à vie, cette réforme (...) n’aurait
pas eu lieu", a-t-il expliqué.
A l'époque, cela avait permis à Faure Gnassingbé de remettre les compteurs à zéro et de
pouvoir briguer deux mandats supplémentaires, en 2020 et 2025.