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La dernière pour Anselme, Monsieur Arthème : 12e lettre ouverte au Premier ministre togolais, Arthème Ahoomey-Zunu
Publié le mercredi 19 mars 2014  |  icilome


© Autre presse par DR
Assassinat des deux élèves Anselme Sinandare et Douti Sinanlengue à Dapaong : la STT lance une pétition pour exiger justice


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Bamako, le 18 mars 2014

Monsieur le Premier ministre,

J’espère que vous allez mieux maintenant, après ces longs mois passés dans les griffes de cette terrible maladie que nous autres de la tourbe ignorons toujours. Vous avez retrouvé, j’espère de tout cœur, votre forme et vos forces, et avez repris vos hautes fonctions au sommet de notre pays. Le Ciel soit loué. La bienséance nous recommande de nous soucier de la santé de nos dirigeants, quels qu’ils soient. Soit.


Monsieur le Premier ministre, j’espère que vous connaissez ce proverbe éwé qui stipule que quand on tue un serpent, il faut lui trancher la tête. Finir une fois pour de bon ce qu’on a commencé, telle est la sagesse. Je viens donc, Monsieur le Premier ministre, boucler ce que j’ai commencé il y a onze mois, depuis avril 2013. Je viens vous rappeler, pour la douzième et la dernière fois, que vous n’avez pas fait les enquêtes que vous avez promises sur les ondes de la Radio France internationale un matin du mois d’avril 2013, pour éclairer la mort de notre jeune frère Anselme Sinandaré, abattu par un de vos corps habillés, et punir son assassin. Peut-être que vous l’avez faite, cette enquête, mais nous n’en avons aucun résultat, nous. Et nous attendons. Nous attendrons.

Monsieur le Premier ministre, quand, en avril 2013, j’avais décidé de vous interpeller chaque mois pour vous rappeler votre promesse, je savais très bien que mes appels ne feraient rien, ne peuvent rien faire, pour changer votre quotidien. J’étais même presque totalement convaincu que vous ne lirez même pas une seule ligne d’aucune de ces lettres. Mais chaque mois je vous les ai adressées avec la même détermination, avec l’enthousiasme d’un émetteur regardant devant lui un récepteur bien identifié. Douze fois consécutives en onze mois, j’ai fait ce ridicule geste désespéré de parler à quelqu’un qui ne m’écoute pas, à l’instar de cette vieille femme de mon village qui, dans les années quatre-vingt-dix, ayant perdu son fils unique, un jeune étudiant de 27 ans, partait chaque matin sur la tombe de ce dernier le saluer et se lancer dans un long monologue, convaincu que son fils l’écoutait et lui répondait. Elle avait continué ce geste chaque matin jusqu’à sa récente mort, malgré les moqueries des villageois qui avaient fini par la prendre pour une folle.

Monsieur le Premier ministre, j’y suis aussi allé de ma folie à moi pendant onze mois, sans aucun succès. Et malgré les multiples messages d’encouragement que je reçois chaque mois quand je vous envoie mes lettres, malgré ces dizaines de compatriotes qui se sont chargés, à l’approche de chaque 18 du mois, date à laquelle je vous envoie les lettres, de me rappeler de ne pas oublier « La Lettre », malgré ce message émouvant d’un internaute m’ayant écrit depuis Dapaong, se présentant comme un oncle d’Anselme, et qui m’a promis qu’il imprimera toutes mes lettres et les distribuera à toute la famille d’Anselme, même ceux qui ne savent pas lire, malgré tous ces arrière-goûts de satisfaction, je boucle ma série de lettres avec le désespoir d’un combattant qui dépose les armes, avec l’œil humide que présente le vaincu devant son vainqueur. Et si on me demandait de résumer en un seul mot l’affaire Anselme Sinandaré, je dirai simplement : TRAGEDIE.


Oui, Monsieur le Premier ministre, Tragédie, absolument ! Tragédie d’un enfant exécuté en plein jour, à ciel ouvert, devant des centaines d’yeux, mais dont personne n’a le droit de connaître l’assassin. Tragédie d’une mère à qui on ramène un enfant mort, le sien, une mère qui voit son sang, ses eaux, ses larmes, ses soupirs… anéantis en un brin de temps, une mère qui hurle, saute sur un corps raide qu’un lui présente comme son enfant, qui demande en larmes qui a assassiné son trésor, et à qui on donne pour toute réponse des soupirs mats : « On ne sait pas. » Tragédie d’une famille qu’on ampute gratuitement, injustement, d’un de ses membres, et qui ne sait à qui s’adresser pour avoir justice. Tragédie de tout un village, de toute une région, de tout un peuple qui s’est levé pour réclamer justice sur la mort d’un mineur innocent fauché, mais qui s’est très vite calmé, résigné, parce qu’il s’est rendu compte qu’il n’a même plus le droit d’être écouté. Tragédie, absolument, tragédie !
Monsieur le Premier ministre, je ne suis peut-être qu’un imposteur, cherchant à m’immiscer dans des affaires qui ne me regardent pas. Le proverbe éwé le dit si bien « On ne dit pas à un propriétaire venant chercher sa chèvre que cette dernière a une corde au cou. » Peut-être qu’Anselme vous appartenait, plus qu’à sa mère, plus qu’à son père, plus qu’à sa famille. Tous les Togolais vous appartiennent, et c’est vous, vous seuls qui décidez de ceux que vous devez tuer ou non... Il ne me reste, moi, qu’à continuer de me leurrer dans ma folie, parce que bientôt les douze lettres que je vous ai adressées iront en édition, comme je vous l’avais annoncé dès le début. A la sortie du livre, je vous enverrai un exemplaire. Je ne sais pas si vous le lirez. Cela m’est d’ailleurs égal, que vous le lisiez ou pas. Parce que je suis de plus en plus convaincu que vous qui nous dirigez et nous vos administrés n’avons au fond pas grand-chose à nous dire. Nous ne nous comprendrons pas. Puisque que ne parlons pas le même langage. Ah, ca non !
Très cordialement

Yao David Kpelly

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