Chaque année, des milliards de dollars sont perdus en Afrique à cause de l’exploitation minière illégale. La situation persiste en partie car les Etats développent essentiellement des stratégies nationales de lutte, qui ne tiennent pas compte du caractère transnational du problème.
La coopération régionale peut améliorer l’efficacité des interventions étatiques dans la lutte contre l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASM) illégale de l’or en Afrique. C’est le point de vue partagé dans un rapport de la CEDEAO publié en février 2024, face au constat de l’échec relatif des mesures de répression mises en œuvre depuis des années.
Intitulé « Leçons tirées des expériences régionales de l’Afrique de l’Ouest dans le secteur de l’or », le rapport traite d’un problème épineux pour la sous-région. Il faut souligner qu’en Afrique de l’Ouest, l’exploitation illégale d’or affecte tous les pays producteurs d’or. En septembre 2022, un rapport du Forum intergouvernemental sur les Mines (IGF) a évalué l’ampleur de la contrebande d’or pour l’année 2019 à plus de 120 millions de dollars dans trois pays de la sous-région, le Niger, le Mali et le Burkina Faso.
Outre la perte de revenus que cela représente, l’exploitation illégale d’or alimente aussi les caisses des groupes extrémistes actifs en Afrique de l’Ouest et nuit à la production agricole.
Au Burkina Faso par exemple, l’Observatoire économique et social a signalé qu’entre 2016 et 2020, les groupes armés non étatiques avaient obtenu environ 126 millions d’USD (70 milliards de FCFA) en attaquant des sites d’extraction d’or.
Selon le Conseil ghanéen du cacao, l’exploitation illégale d’or a conduit à la destruction de 2% du verger national et entrainé des pertes de 4,8 milliards de cedis d’investissements (356,6 millions $) dans les plantations de cacao.
Selon le rapport, la nature multiforme de l’ASM illégale rend inefficaces les initiatives menés séparément par différents acteurs. En raison de la porosité des frontières et de la libre circulation des personnes et des biens, l’or extrait par exemple au Burkina Faso peut facilement se retrouver au Mali, puis au Togo, sans passer par les canaux officiels.
Les auteurs recommandent donc aux Etats ouest-africains la promotion d’une coordination institutionnelle déjà au niveau national, entre acteurs miniers, négociants, bailleurs de fonds et autorités chargés de l’application des lois. Au niveau régional, l’accent devrait être mis sur des mécanismes de partage d’informations rassemblant les différents acteurs.
Au-delà de la coopération, formaliser le secteur…
En février dernier, le gouvernement burkinabé a ordonné la suspension sine die des exportations d’or provenant de l’exploitation artisanale semi-mécanisée. Cette mesure intervient dans un contexte d’assainissement du secteur et met en lumière la persistance des circuits informels de production et d’exportation d’or. Au-delà de la collaboration régionale, les Etats africains devraient aussi poursuivre les efforts en vue de la formalisation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l’or.
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Les réseaux du crime organisé infiltrent le secteur et sapent les efforts de formalisation.
Pour les auteurs du rapport de la CEDEAO susmentionné, la formalisation passe notamment par la facilitation de l’accès aux terres et aux gisements d’or pour les artisans miniers. Il faut donc établir et mettre à jour des couloirs miniers capables de s’adapter rapidement à des changements comme la découverte de nouveaux sites ou l’épuisement d’anciens gisements. Les autorités doivent aussi simplifier le processus d’octroi des permis miniers aux artisans et l’adapter aux réalités sur le terrain.
Au Ghana par exemple, la durée de vie de la plupart des sites artisanaux n’excède pas quelques mois, alors que la procédure officielle d’obtention d’un permis peut prendre jusqu’à trois ans. « Pour moi, cela n'a pas de sens d'attendre trois ans pour obtenir une licence afin d'entreprendre un projet de six mois. Je préfère me cacher et faire ma galamsey [nom donné à l’exploitation minière illégale dans le pays, ndlr] », raconte un mineur cité par The Conversation.
Le soutien à la mise en place de coopératives minières et au financement de leurs activités, la mise en place de comptoirs d’achats d’or à des prix attractifs et la construction de raffineries locales pour transformer la production ainsi acquise, sont d’autres options à explorer pour les Etats africains. Ces solutions ne s’excluent pas les unes les autres mais doivent être développées ensemble pour obtenir des résultats sur la durée.
Un mal africain
Au-delà de l’Afrique de l’Ouest, la faible coopération régionale en matière de lutte contre l’exploitation minière illégale est un problème rencontré ailleurs sur le continent. Dans un rapport publié en mars 2024, l’ENACT note ainsi l’absence de mécanismes régionaux pour lutter contre l’exploitation minière illégale en Afrique centrale. Pour y remédier, l’organisation financée par l’Union européenne insiste sur la nécessité de renforcer les partenariats entre les organisations policières nationales et le Comité des chefs de police d'Afrique centrale (CAPCCO).
« Bien que le CAPCCO fournisse une plateforme pour la coopération régionale en matière de police et de criminalité, la non-inclusion d'autres agences de sécurité ou d'application de la loi signifie qu'il n'existe pas de mécanisme unique pour coordonner les réponses sécuritaires à la criminalité environnementale liée à l'exploitation minière illégale », déplore le document, qui traite des crimes environnementaux causés par l’exploitation minière illégale dans la région.
Pour l’ENACT, les stratégies régionales peuvent aider à mieux affronter certains des principaux défis de l’exploitation minière illégale, notamment la contrebande et le trafic de minerais extraits illégalement ou encore l’importation de substances dangereuses (mercure, cyanure, etc.).