D’aucuns ont souvent pensé que les analyses que nous faisons assez régulièrement sur l’impossibilité pour Faure Gnassingbé de s’éterniser au pouvoir, sur l’indécence et l’immoralité même d’un tel projet, est un débat isolé qui tiendrait peut-être d’une rage particulière que nous aurions contre le fils d’Eyadema. Rien de tout cela.
En réalité, il s’agit bien pour nous de ressortir à travers ces écrits, les principes orthodoxes qui ponctuent la gestion actuelle des Etats modernes.
Notre objectif en effet, est de sortir les intellectuels, les leaders d’opinion, les acteurs politiques et les citoyens togolais de leur tour d’ivoire, pour les amener vers une dynamique d’ensemble qui tienne la route et s’arrime effectivement avec les aspirations profondes des peuples d’Afrique et du monde.
Pour nous, le Togo ne saurait ramer à contre-courant de la tendance générale qui est d’application un peu partout en Afrique et dans la plupart des pays démocratiques et qui veut que l’alternance politique soit définitivement inscrite dans la culture et le mode de fonctionnement de tout Etat.
Heureusement que cette démarche que nous nous sommes astreint à engager, trouve quotidiennement du renfort, par des faits et décisions courageuses et audacieuses que des acteurs politiques et dirigeants prennent dans nombre de pays en Afrique.
Hier c’était Macky Sall qui prenait tout le monde de court pour annoncer qu’il écourtait son mandat de 7 ans en 5 ans renouvelable une seule fois.
C’est une mesure courageuse qui affirme parfaitement la grandeur d’âme d’un tel leader qui est vraiment loin de s’oublier dans les avantages matériels et les insolents privilèges que confère le pouvoir.
Ensuite c’est Lambert Mindé, le tout-puissant porte-parole du gouvernement congolais qui affirme que Joseph Kabila quittera le pouvoir en 2016 au terme de son second mandat.
Qui pourrait croire que dans ce pays, où le pouvoir est aussi succulent du fait de tout ce qu’il y a là de mielleux, un jeune comme Kabila, qui n’a que 43 ans, se résoudrait à céder le pouvoir après son deuxième mandat ?
Au Burkina Faso, ceux sont les principaux lieutenants de Compaoré, ses amis de toujours qui ont fini par lui couper de l’herbe sous les pieds par rapport à son suicidaire projet de sauter le verrou de l’article 37 de la Constitution en vue de rempiler à nouveau en 2016.
Des voix très fortes, comme celle du médiateur de la République l’ont finalement dissuadé et de guerre lasse, il est obligé de se résigner.
Le dernier exemple que nous jugeons utile de prendre et qui est le plus récent est justement celui du Burundi où Pierre Nkurunziza nourrissait lui-aussi un appétit glouton de rempiler en 2015 après justement son deuxième mandat.
Là, ceux sont ses propres députés c’est-à-dire les députés qui sont issus de son parti et qui sont majoritaires au parlement qui lui ont fait le coup d’invalider le projet de modification de la Constitution pouvant lui permettre de rempiler.
C’est clair que tous ces faits illustrent avec éloquence le désir profond et légitime de tout peuple d’alterner dans un intervalle maximal de 10 ans, la succession des dirigeants.
Mais justement, au Togo, en 2015, le peuple aura ainsi vécu et bouclé 48 ans de règne sans répit de la famille Gnassingbé.
Objectivement et honnêtement est-il raisonnable d’entretenir encore un débat sur le départ de Faure Gnassingbé après ses deux mandats ?
Quel intellectuel affranchi, imbu des valeurs démocratiques peut oser défendre un troisième mandat pour Faure Gnassingbé ?
Et quels arguments intellectuellement ou moralement solides pourrait-il utiliser pour pouvoir convaincre de ce que Faure Gnassingbé ne veut pas s’accorhcer au pouvoir à cause de ses avantages et privilèges matériels ?
Comment pourrait-il démontrer qu’à part le fils d’Eyadema, qui d’ailleurs n’était rien avant d’avoir été grossièrement au pouvoir en 2005, le Togo ne dispose plus d’hommes capables d’assurmer dignement les charges présidentielles et qu’il faut à tout prix que ce dernier rempile ?
Il est vrai que quelques petits esprits qui ont particulièrement un problème de ventre et de survie, prennent prétexte de ce que Faure aurait fait des réalisations pour le Togo pour tenter déjà de soutenir que le fils héritier du feu général doit à nouveau se présenter au terme de son deuxième mandat.
Il faut bien le leur pardonner, car étant aussi obtus d’esprit, incultes et arides, ils n’ont pas la matière grise nécessaire et la capacité indiquée pour analyser au-delà du bout de leur nez.
Ils ont encore du mal à comprendre que l’époque des messies ou des hommes providentiels pour les peuples est révolue, complètement et définitivement rangée.
En vérité, c’est ici que l’on mesure le niveau de bonne foi ou même le niveau d’amour que le fils d’Eyadema est supposé porter pour le Togo et les togolais.
Tout le monde sait qu’à l’heure actuelle les projets de troisième mandat ont toujours été, sont et seront encore des causes d’instabilité politique. Impossible de le nier au risque de tomber littéralement dans le ridicule et la bassesse.
Le Président du Bénin qui nourrissait lui-aussi une telle envie de s’incruster au pouvoir a bien compris, au vu des résistances qui se sont affirmées dans son propre camp, qu’il prenait un risque qui pourrait l’emporter avant même la fin de son propre mandat. Il a compris qu’il fallait se résigner au plus tôt et depuis lors il est même devenu le chantre de l’alternance politique.
En démocratie, il y a nécessairement des voyants rouges qu’il ne faut pas franchir au risque de plonger dangereusement tout le peuple dans une aventure ambiguë aux conséquences imprévisibles.
Qu’attend alors Faure Gnassingbé pour initier les réformes préconisées depuis huit ans par l’APG et lancer le Togo sur la voie d’un Etat à la démocratie assumée ?
Il semble qu’il compte sur l’Assemblée Nationale pour alambiquer et hypothéquer la perspective d’une alternance pacifique au Togo.
Alors, les députés togolais qui ont toujours brillé par leur suivisme, leur manque cuisant d’audace et de courage, leur paresse dans l’action et la réflexion, vont-ils enfin se donner la force et l’énergie de voter des lois audacieuses qui vont planter le décor d’une démocratie apaisée au Togo ?
L’on serait tenté de dire oui, vu combien ces députés et leur président se plaignent du manque de respect du chef de l’Etat à leur égard, du fait que très régulièrement le jeune président les ridiculise et même les humilie en les empêchant par moment de bénéficier de certains avantages, de certains voyages (comme l’exemple de la rentrée parlementaire au Gabon où Dramani n’a pu faire le déplacement faute d’avoir eu l’autorisation du prince)...
Les gars ralent en coulisses comme ce n’est pas permis. Mais soyons honnêtes, cette question que nous pouvons sur leur niveau d’audace et de courage pour défier le prince, reste toute entière et présente d’ailleurs des traits énigmatiques.
Tant que l’on n’aura pas vu et vécu, il sera difficile d’affirmer que Damma Dramani et sa compagnie d’élus sauraient être vraiment utiles au peuple togolais.
Mais tout compte fait, nous nous faisons le devoir de les y exhorter pour le salut de notre démocratie et le bon devenir du Togo et des togolais d’aujourd’hui et de demain.