L’absence de Faure Gnassingbé au 44ème sommet de la CEDEAO tenu vendredi et samedi à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire a intrigué, mais aussi interrogé plus d’un sur le motif qui a pu fonder un tel boycott surtout qu’Alassane Ouattara se présente comme le seul et vrai soutien extérieur de l’héritier d’Eyadema.
Alors comment peut-il s’absenter à un sommet qui se tient dans le pays de celui-là qui l’a franchement aidé et sauvé dans nombre de dossiers sombres, où le monde entier risquait de voir toute la face cachée du prince togolais ?
En reprenant le communiqué final de ce sommet, le site officiel du Togo a pu donner les pistes pouvant expliquer ce boycott.
« Dans la perspective des importantes élections prévues en 2015 au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Nigeria, et au Togo, la Conférence a exprimé sa ferme détermination à contribuer à ce que ces scrutins se tiennent dans un environnement paisible, consensuel et en conformité avec les normes régionales ».
C’est en ces termes que le site officiel de la République togolaise, republicoftogo.com, reprend le communiqué ayant sanctionné les travaux du 44ème sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO qui a d’ailleurs été couronné par l’élection du ghanéen John Dramani Mahama à la place de l’ivoirien Ouattara.
Alors, il est clair que sur le principe des élections qui auront lieu dans les cinq pays de la communauté en 2015, aucun chef d’Etat ne saurait y déroger. Ces élections sont un impératif constitutionnel et elles devront coûte que coûte avoir lieu.
Mais ce qui est embêtant pour les chefs d’Etat avides du pouvoir c’est qu’on leur demande d’organiser ces élections « dans un environnement paisible, consensuel et en conformité avec les normes régionales ».
Et l’adjectif « consensuel » s’entend au Togo comme la mise en œuvre effective des réformes préconisées par l’APG qui a justement prescrit le CONSENSUS comme clé de voûte pour garantir la matérialisation effective de ces réformes, qui au final, devront aboutir à un apaisement politique et à une élection propre et transparente dans notre pays.
Un autre aspect non négligeable qu’exige la CEDEAO aujourd’hui reste que les élections devront se tenir impérativement « en conformité avec les normes régionales ». Et quelles sont ces normes ? Entre autres, les modifications des constitutions, des réformes substantielles devront se faire au moins six mois avant la tenue de toute élection.
Voilà qui ne peut pas être du goût de Faure Gnassingbé qui passe son temps à traîner en longueur pour ensuite tout violer.
Rappelons simplement que le code électoral qui a conduit aux dernières élections législatives de juillet 2013 a été allègrement charcuté à moins de 3 mois avant ce scrutin, une violation grave des dispositions de la CEDEAO.
Alors, que la CEDEAO réitère aujourd’hui « sa détermination à contribuer à ce que ces scrutins se tiennent dans un environnement paisible, consensuel et en conformité avec les normes régionales », est forcément gênant pour le fils d’Eyadema qui, manifestement tente de jouer encore une fois au chrono pour ensuite prendre de court tout le monde sur ces questions de réformes afin d’opérer un nouveau dribble et un nouveau passage en force qui lui permettront de s’accrocher à nouveau à ce fauteuil hérité de son défunt père.
On comprend alors pourquoi, le Chef de l’Etat du Togo qui est vraiment pris en étau à la fois par l’opposition togolaise dans son ensemble et la communauté internationale sur la question de ces réformes, a brillamment boycotté ce sommet dont les conclusions semblent l’indisposer outre mesure.
Alors la question que l’on se pose est de savoir si, en fin des comptes l’héritier d’Eyadema, pour se dérober des exigences de la CEDEAO, va finir par faire quitter le Togo de cette communauté. Autrement, il n’aura d’autre choix que de se conformer aux prescrits de la Communauté et donc de se résoudre à temps à faire des réformes dans les règles de l’art.
Mais dans tous les cas, cette idée de quitter la CEDEAO avait déjà été préconisée il y a encore quelques mois par le français Loïk le Floch Prigent qui pensait à l’époque que la manière archaïque et artisanale avec laquelle le Togo était dirigé exigeait que les Chefs d’Etat de la CEDEAO réfléchissent à l’idée d’exclure le Togo de cette communauté, s’ils ne veulent jeter du discrédit sur cet instrument communautaire.
Le temps finira-t-il à lui donner raison ? Attendons simplement de voir la manière dont Faure Gnassingbé va se conduire par rapport aux exigences actuelles de la CEDEAO pour mieux apprécier.
Mais en l’état actuel des choses, tout indique que le fils héritier d’Eyadema n’a plus de soutien réel qui puisse l’accompagner dans un nouveau tour de passe-passe qui pourrait permettre qu’il rempile aisément en 2015.
Dans un tel contexte aussi exigent, que fera-t-il vraiment sans risquer de s’exposer à la face du monde lui qui est aujourd’hui déchiré entre son appétit vorace de s’accrocher au pouvoir et l’impératif de se conformer aux prescrits de la communauté qui lui a sauvé la peau en 2005?