Togo - Le problème de l’eau et de l’assainissement est devenu préoccupant à telle enseigne que le Togo n’a pas manqué de prendre des engagements au cours d’une réunion de haut niveau à Washington en vue de juguler le phénomène. Dans presque deux semaines, le gouvernement togolais prendra part à une nouvelle réunion de la même importance à Washington. A cette étape, il semble opportun de revenir sur ces derniers engagements pris par le Togo.
La question liée à l’eau et à l’assainissement dans nos différents pays ne laisse personne indifférent. Cela est si important que Assainissement et eau pour tous (SWA), un partenariat qui rassemble des gouvernements, des bailleurs de fonds, des organisations de la société civile et des partenaires au développement au niveau global et national appelle à accorder une plus grande priorité politique à l’eau, à l’assainissement, à l’hygiène, à établir des plans nationaux renforcés et des investissements plus importants, et à faire des prises de décisions fondées sur des bases factuelles.
L’objectif de ce partenariat vise à garantir un accès durable et universel à l’assainissement et à l’eau potable, avec une attention particulière envers les pays qui accusent le plus de retard pour atteindre ce but. Pour réaliser cet objectif, SWA compte passer par trois mécanismes : des Réunions de haut niveau (HLM), l’Evaluation annuelle sur l’assainissement et l’eau potable dans le monde (GLAAS), l’Initiative nationale de planification pour résultats (NPRI). A ce jour, le partenariat SWA compte 83 partenaires (à compter de mai 2012) y compris le gouvernement togolais.
La première réunion de haut niveau a eu lieu en 2010 et la seconde en 2012. Des ministres des Finances et ceux en charge de l’eau, de l’Assainissement et l’Hygiène de 45 pays ont participé à la réunion de 2012 au cours de laquelle 37 pays en voie de développement dont le Togo, ont pris des engagements de faire des progrès dans le domaine de l’eau et de l’assainissement afin d’atteindre l’accès universel à l’eau et l’assainissement.
Aussi, faut-il le souligner, tous les pays participants ont pris des engagements communs. Mais en dehors de ces engagements pris en commun, le gouvernement togolais a produit une déclaration individuelle stipulant des engagements nationaux spécifiques, dont beaucoup vont même plus loin que les engagements communs. Au total, 13 engagements ont été pris par le gouvernement togolais : il s’agit entre autres, d’augmenter le taux de desserte national de 31% en 2000 à 66% en 2015, ce qui permettra de fournir de l’eau potable à environ trois millions de personnes ; de faire des écoles primaires et des formations sanitaires des centres de référence à travers la promotion de l’hygiène et de l’assainissement en augmentant respectivement les taux de couverture en eau potable et en latrines de 5% et de 10% entre 2011 et 2014 ; d’augmenter le taux de couverture en latrines de 10% en 2000 à 55% en 2015, et 50% des schémas directeurs d’assainissement des villes et du plan directeur d’assainissement de la ville de Lomé seront réalisés ; d’augmenter le budget alloué au secteur de l’Eau Potable d’au moins 25% (par rapport au budget 2011) d’ici 2014 dans le budget de l’Etat (ressources internes) et disposer d’une ligne budgétaire pour l’hygiène et l’assainissement de base au sein du budget général de la santé ; développer et rendre opérationnel un Système Sectoriel d’Information et de Suivi Evaluation (SSISE) au niveau du Ministère en charge de l’eau et de l’assainissement pour le secteur Eau Potable Hygiène et Assainissement (EPHA) ; réduire de 10% le taux de panne des forages actuellement de 30% à travers la mobilisation des communautés pour la gestion et la maintenance des ouvrages.
A l’analyse des points contenus dans cet engagement, il ressort de la part du gouvernement, une volonté politique de développement durable dans le secteur de l’eau, d’hygiène et d’assainissement, à définir des taux plafonds à atteindre en 2014 et en 2015. Ces engagements constituent donc un stimulant pour tous les acteurs intervenant dans le domaine eau, hygiène et assainissement et un cadre de référence à court terme auquel il faut chaque fois se référer pour mettre en œuvre les projets de développement durable dans ce secteur au Togo. Cet engagement pris par le Togo aux yeux des grandes organisations et institutions financières du secteur en question, il faut le relever, constitue pour le pays une opportunité de bénéficier de soutien et d’appui financier des partenaires au pays dans le cadre de sa politique de développement durable relative à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement. Cependant, entre ce qui se fait sur le terrain et le contenu de ce document, s’exprime clairement le cynisme du gouvernement à produire de très bons textes quitte à se tailler la part du lion et à présenter aux partenaires, des résultats mitigés.
Non seulement cet engagement du gouvernement traduit le faux intérêt qu’il accorde à ce secteur mais aussi et surtout comporte des faiblesses en ce sens que le budget alloué par l’Etat à l’eau et à l’assainissement est très insignifiant d’où la nécessité de rehausser ce budget pour prétendre atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement en matière d’eau et d’assainissement.
Le manque de concordance entre la charge contenue dans les engagements, le temps mis pour son exécution (deux à trois ans) et le budget encore indéfini, ne rassurent pas d’une vision claire pour la mise en œuvre effective de ce projet. Car, les charges contenues dans l’engagement ne sont pas proportionnelles au temps prévu pour leur accomplissement et le budget qui résulterait des actions à mener, serait lourd que le pays, de par sa situation économique, ne pourra le supporter. Aussi, les points contenus dans cet engagement ne définissent pas clairement le taux plafond à relever par zone (zone rurale, semi-urbaine et urbaine) et par région.
Cet état de fait à y voir de près, traduit bien le double visage du gouvernement qui prend des engagements quitte à flouer les partenaires au développement pour bénéficier des financements sans une réelle réalisation des projets, au détriment des populations.
Car, au regard des engagements pris et vu ce qui a été réalisé sur le terrain, il est à noter que le gouvernement togolais ne prend pas en compte les réelles difficultés des populations relatives à l’approvisionnement en eau potable et à l’assainissement de nos différents milieux. On comprend alors aisément que la préoccupation première du gouvernement reste étroitement liée aux dividendes qu’il tire de ce partenariat avec ces organisations puisque sur le terrain, il n’existe pas une véritable politique d’accès à l’eau potable et aux sanitaires, qui se développe tant au profit des populations urbaines que rurales.
En témoigne d’une part, le manque de communication autour de ces engagements pris en 2012 à Washington et de l’autre, la suppression du ministère de l’eau et de l’hydraulique villageoise rattaché au ministère de l’environnement et de l’équipement rural. La suppression de ce ministère qui relève d’une absurdité gouvernementale et qui va à l’antipode de la loi des nations unies votée en 2009 en faveur des populations de tous les pays du monde pour leurs besoins en approvisionnement en eau potable, prouve à suffisance, la volonté du gouvernement togolais de tirer profit de la situation non reluisante du peuple. Aussi, l’on ne peut comprendre qu’un gouvernement qui se veut sérieux et responsable, ait pris des engagements au nom du peuple et qu’autour de ce document, on remarque un silence de cimetière. C’est là tout le mépris du pouvoir en l’endroit des populations. Maintenant qu’une nouvelle réunion se tiendra dans la première moitié du mois en cours où des engagements seront encore pris au nom du peuple, il est souhaitable que des comptes soient rendus, que des ateliers soient désormais organisés, que des études soient faites sur les rivières et que des dialogues soient ouverts sur les bassins fluviaux. Ce qui permettra de communiquer autour de la chose et de travailler dans l’intérêt du peuple.