Troisième volet de notre série consacrée au Rwanda à l’approche des commémorations marquant le vingtième anniversaire du génocide des Tutsi.
Notre halte nous emmène dans le quartier Nyamirambo de Kigali, qui comprend une mosquée et qui a abrité au fil des décennies de nombreux Tutsi pourchassés. Un quartier aussi très prisé des commerçants ouest-africains. Quels regards portent-ils sur les Rwandais et leur capitale ?
Malé, physique élancé et chemises violettes à motifs imprimés, déambule avec assurance le long de Biryogo, l’artère commerciale centrale du quartier de Nyamirambo, près du mont Kigali. Au comptoir de « La classe », le nom de sa bijouterie, il explique qu’il est essentiel de se plier strictement aux nombreuses règles en vigueur à Kigali. « La vie à Kigali c’est vraiment très bon, dit sur un ton enjoué ce commerçant marié à une Rwandaise. Il y a la sécurité, tout est en ordre. Il y a beaucoup de règles, beaucoup de règles qui n’existent pas chez nous. Par exemple à Dakar, si je décide de rajouter un étal sur le trottoir, je peux sans problème, ici ça ne se fait pas. Si tu le fais, tu vas payer une amende qui te coûtera très cher. »
A Kigali, les motos-taxis doivent porter des chasubles et des casques numérotés et homologués pour eux-mêmes et pour leurs clients. Une bonne chose selon Malé également impressionnée par la discipline observée pour les taxis collectifs : « Les gens attendent et se mettent en file l’un derrière l’autre, sagement, un monsieur reconnaissable à son uniforme maintient l’ordre dans la file, alors qu’en Afrique de l’Ouest on se bouscule », conclut Malé dans un large sourire.
Caution remboursée
Quelques échoppes bariolées plus haut, Moussa Abdou Maïga, qui gère une boutique d’informatique et vient de Gao, est ravi des nouvelles règles qui facilitent la vie des nouveaux arrivants. « Quand je suis arrivé ici, pour la carte de séjour, il fallait verser 310 000 francs rwandais à la Banque centrale pour la caution de rapatriement. Et la carte elle-même coûtait cher. Mais le président a demandé qu’on rembourse la caution des étrangers africains et la carte elle-même coûte moins cher ». Tout Africain muni d’un passeport reçoit désormais automatiquement à l’aéroport un visa de deux mois, sans avoir de se rendre au préalable dans une ambassade.
Une fois installé, il faut se retrousser les manches, raconte quant à lui Madou de Ségou, qui vend des boubous : « Ici la vie coûte plus cher donc il faut plus travailler, tu te lèves souvent à six heures du matin pour travailler. Chez nous au Mali ce n’est pas le cas donc le matin on se lève plus tard, on passe plus de temps avec la famille, les amis, parce que le coût de la vie est moins élevé, mais au final on gagne moins d’argent».
Hors micro, des commerçants se plaignent du manque de liberté d’expression ou de la construction d’hôtels et de bureaux, synonyme d’expulsions. Croisé par hasard, François Woukouache, le cinéaste d’origine camerounaise installé ici depuis bientôt quinze ans est en repérage pour son prochain documentaire. Déformation professionnelle, il est sensible au mouvement : « La différence la plus frappante pour moi qui vient de l’Afrique de l’Ouest c’est le mouvement. Kigali est une ville calme, très calme, alors qu’ailleurs ça bouge beaucoup plus il y a plus de vie dans les rues et dans les quartiers. C’est lié à la culture rwandaise qui est une culture intérieure faite de retenue, les Rwandais sont moins expansifs que les Congolais qui sont leurs voisins. Ca ne veut pas dire qu’ils sont moins riches, ils expriment leur richesse différemment ».