L’enseignement supérieur est en
crise au Togo, même si on observe une certaine accalmie en ces périodes.
Au-delà du nouveau système mis en place et que bon nombre d’étudiants
critiquent, il existe un paramètre que les autorités occultent alors
qu’il peut aider les apprenants à acquérir une formation plus
qualifiante et à être plus compétitifs sur le marché du travail. Il
s’agit du temps de connexion alloué à chaque étudiant sur le campus
universitaire. Deux heures au quotidien, une aberration au regard des
exigences en matière de recherche dans le nouveau système
d’enseignement.
Licence-Master-Doctorat (LMD), telle est
la trouvaille que les autorités togolaises font avaler aux étudiants
depuis plusieurs années, sans mesures d’accompagnement. Selon les
origines, le LMD est un système de formation universitaire mis au point
en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada) et qui met l’accent sur une
formation pratique, contrairement à l’ancien système qui est trop
théorique. A en croire des écrits, ce système a des exigences car son
fondement consiste à faire en sorte que tous les étudiants puissent
réussir en fin d’année scolaire. Au nombre des exigences, il y a d’abord
le ratio Nombre de professeurs/Nombre d’étudiants.
A ce sujet, la norme UNESCO prévoit un
(01) professeur pour trente (30) étudiants ; les pays initiateurs du
nouveau système, les Etats-Unis et le Canada prévoient un (01)
professeur pour 20 à 25 étudiants pour un enseignement de qualité. Mais
qu’en est-il au Togo ? A l’Université de Lomé, c’est un (01) professeur
pour au moins 92 étudiants. A l’Université de Kara, un (01) professeur
pour au moins 130 étudiants ! Soit le triple par rapport à la norme de
l’Unesco à Lomé et plus du quadruple à Kara. Comment concilier alors cet
écart par rapport à l’exigence de la qualité, sans faire référence aux
dimensions des amphithéâtres ? Comme on le constate, il y a un problème
de fond qui porte sur les moyens humains et matériels à mettre en œuvre
pour la réussite de ce système.
Le deuxième facteur limitant à la
réussite du système a trait aux travaux de recherches. Aujourd’hui, des
étudiants peuvent quitter la maison tôt le matin, pour n’y retourner que
dans l’après-midi ou parfois autour de 20 heures selon la disponibilité
des professeurs. Mais comment l’étudiant peut-il mettre à profit les
gaps d’heures creuses qui séparent deux cours magistraux si ce n’est de
se rendre sur la toile pour rester « connecté aux actualités de ses matières » ?
Mais on apprend que sur le campus
universitaire de Lomé, chaque étudiant ne peut se connecter qu’à l’aide
du numéro de sa pièce d’identité. Quoi de plus normal pour avoir si
besoin une traçabilité des temps de connexion de chaque étudiant par
rapport à ses résultats scolaires ? Seulement le hic réside dans les
plages horaires allouées. C’est ainsi que tout étudiant n’a droit qu’à…2
heures de connexion internet…par jour. Sur le campus universitaire de
Lomé, capitale du Togo, un pays que les autorités actuelles aspirent à
inscrire dans les pays émergents dans les années à venir !
On se rappelle les mouvements
estudiantins qui ont obligé les autorités à installer le Wifi sur le
campus universitaire de Lomé. Mais que peuvent des étudiants assoiffés
de recherches sur des sujets d’actualités pour se former avec 2 heures
de connexion internet ? Et pour qui connaît bien – euphémisme oblige –
la rapidité de la connexion au Togo, la surprise est de taille. La
conséquence directe de l’acte posé par les responsables universitaires ?
Les étudiants, tels des loups affamés, se dressent les uns contre les
autres et piratent les temps de connexion de leurs camarades. Beaucoup
ont attendu que la direction des affaires académiques affiche les
résultats d’examens et ont recopié les numéros des pièces d’identité de
leurs camarades, histoire de disposer de plus de temps de connexion
certains jours. Comment ces camarades dont les pièces d’identité ont été
« piratées » peuvent-ils se connecter en cas de besoin ? Mais
plutôt que de condamner le président de l’Université, les regards
devraient se tourner vers la société « référence » qui dispose du
monopole de l’internet au Togo. Togotélécom ne finit jamais d’inonder la
population de publicités sur la qualité de ses produits. Cette société
n’a pas non plus hésité à débourser des millions pour faire rire la
population au nom de la pensée unique, « s’unir pour rire ». Pendant que les étudiants cherchent des temps de connexion comme on cherche une fleur dans le désert.
Certains esprits voudront peut-être
arguer que les études supérieures coûtent. Soit. Mais si des citoyens
simples doivent payer des taxes alors que des nantis doivent en être
exonérés, si des personnalités peuvent cumuler trois, voire quatre
postes alors que des chômeurs qualifiés arpentent les rues en
taxis-motos, si la mère d’un chef d’Etat n’ayant pour fonction que le
titre de mère de chef de l’Etat peut disposer à son domicile plus de 3
milliards de FCFA en devises étrangères, alors, la morale voudrait que
par honnêteté intellectuelle vis-à-vis de la Nation et par respect de la
connaissance universelle des Togolais « entièrement à part »
l’Etat fasse un sacrifice à l’endroit des étudiants togolais qui portent
la misère et le chômage en bandoulière comme l’écharpe des députés à
l’Assemblée nationale.
L’un des accompagnements spécifiques que
l’Etat togolais, qui a eu « la vista » d’introduire le système LMD,
pourra apporter est d’aider dans leurs recherches les étudiants qui ont
un niveau faible en « démocratisant l’autoroute de l’internet ». C’est
possible, c’est faisable, tout est question de « volonté politique » comme l’ont si bien relevé les responsables de la société IpnetExperts.
Abbé Faria
liberte hebdo