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15ème journée mondiale de la poésie au Togo : Retour sur évènement/ Me Yawovi Agboyibo : « La maîtrise des égos est le prix à payer pour la culture d’amour et de paix par le respect des droits de l’Homme »
Publié le jeudi 3 avril 2014  |  Telegramme228


© Autre presse par DR
Me Yawovi Agboyibo, président d`honneur du CAR (Comité d`Action pour le Renouveau)


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Le 21 mars dernier marquait la cérémonie apothéose des activités marquant
la 15ème journée mondiale de la poésie au Togo. Au cours de cette cérémonie qui baissait les rideaux des festivités, l’ancien premier ministre togolais et président d’honneur du CAR (Comité d’Action pour le Renouveau) a prononcé un discours qui a tourné essentiellement autour
des droits de l’Homme. Riche en enseignement, cette communication a été très appréciée par les différents acteurs qui étaient présents aux activités organisées par le CENACLE. Lisez dans les lignes qui suivent
le contenu de ce discours de Me Yawovi Agboyibo, également ancien président de la CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme).
COMMUNICATION DE ME YAWOVI AGBOYIBO

Ancien Premier Ministre du Togo

Ancien Président de la CNDH

Invité d’honneur

Monsieur le président du Cénacle,

Monsieur le Premier Ministre Joseph K. Koffigoh, premier président de la ligue togolaise des droits de l’homme,

Mesdames, Messieurs, les représentants du gouvernement

Mesdames, Messieurs, les représentants des organisations internationales

Mesdames, Messieurs, les représentants des organisations de la société civile

Mesdames, Messieurs, les journalistes

Distingués invités,

Mesdames, Messieurs,
C’est avec plaisir, honneur et humilité que je prends la parole
devant vous à l’occasion de la cérémonie organisée ce jour dans le cadre
des manifestations marquant la 15ème journée mondiale de la poésie au
Togo. Merci aux organisateurs.
Je tiens avant toute chose à rendre hommage à ceux qui ont eu l’idée
géniale de rapprocher en un cénacle nos concitoyens intéressés par la
création littéraire, pour leur permettre de se connaître, de se faire
connaître, de s’entraider et de se faire accompagnés.
La création littéraire fait partie des activités qui donnent du
rayonnement à une nation. Tout Togolais qui se révèle au monde par son
talent d’écrivain fait honneur à notre pays tout entier. C’est pour cela
que l’idée de création du Cénacle est une initiative d’utilité
nationale.
Je me réjouis qu’en l’espace de si peu d’années, les faits commencent
à donner raison aux promoteurs. La moisson s’annonce fructueuse. Déjà
des noms de poètes, de romanciers et d’essayistes circulent
jusqu’au-delà de nos frontières.
Cet accueil témoigne du sérieux du travail qu’accomplissent chaque jour, les responsables, les membres et les amis du Cénacle.
Il est réconfortant que ces efforts soient appréciés et encouragés
par plusieurs organisations et personnalités à travers le soutien
multiforme qu’elles apportent au Cénacle et aux écrivains.

Je voudrais, à la suite du Président Vondoly, saluer la présence à cette
cérémonie, des représentants de la Francophonie, de l’Institut Goethe,
de l’Ecole Africaine des Métiers d’Architecture et de l’Urbanisme
(EAMAU), de la direction de la Bibliothèque et des archives nationales
et du Club BSL.
Ces marques de confiance donnent à chacun d’entre nous, des raisons
de croire à la détermination du Cénacle à promouvoir une littérature qui
ne soit pas simplement de l’art pour l’art, mais une littérature
d’avant-garde du combat citoyen pour l’édification d’un Togo meilleur.
Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,
Le thème choisi par le Cénacle pour l’année en cours est très révélateur à cet égard : « l’écriture et les droits de l’homme ».
Je m’honore d’avoir été convié à en dire quelques mots dans mon
intervention. J’ai accepté volontiers de le faire. Mais j’avoue que
c’était avec un certain embarras. Car j’avais craint d’avoir à redire à
vous poètes et romanciers, des choses qui ressortent déjà de vos écrits
et qui sont connues du public.
Quel écrivain parmi vous, parmi nous, n’a pas mis sa plume au service
de la défense des droits humains ? Je ne pense pas bien entendu ici à
ceux qui croient pouvoir s’inscrire dans l’histoire en apportant leur
écriture au soutien des causes injustes.
L’écrivain dont je parle est celui qui a choisi d’être aux côtés des
opprimés, des concitoyens confrontés aux détentions arbitraires, à la
torture, aux exécutions sommaires, aux discriminations en matière
d’accès aux ressources publiques, qu’il s’agisse des emplois et marchés
d’Etat, des sociétés d’Etat, des collectivités locales ou encore des
fonds publics ou parapublics destinés à venir en aide aux couches
socioprofessionnelles nécessiteuses.
L’écrivain ayant choisi de dénoncer ce qui ne va pas, il en assume
les conséquences, prêt à tous les sacrifices pour l’avènement d’une
société démocratique et prospère pour tous.
Monsieur le Président,

Chers invités,
L’engagement pour la défense des droits humains est un trait commun
aux écrivains de partout à travers le monde et l’histoire, depuis
l’antiquité jusqu’à nos jours. Point n’est besoin de citer des noms pour
en convaincre. Tout le monde le sait.
Vous comprenez pourquoi je doutais à l’instant de l’utilité à parler
aux écrivains de leur contribution à la protection des citoyens contre
les abus de l’Etat.
Mais je me suis aperçu qu’en dehors de ce premier volet de violations
des droits de l’homme, il en existe un second tout aussi important,
mais auquel on accorde moins d’attention.
Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,
C’est sur la seconde catégorie de violations des droits de l’homme
que je voudrais centrer mes propos. En quoi consiste-t-elle ? Il s’agit
des cas où les droits des citoyens sont violés, non par l’Etat, mais
par d’autres citoyens agissant à titre personnel.
Dans un cas comme dans l’autre, les droits violés sont pour
l’essentiel les mêmes : les libertés individuelles, le droit de
propriété, l’interdiction des séquestrations arbitraires et des sévices
corporels, etc.
Si la première catégorie de violations intéresse davantage l’opinion
publique, c’est à cause de la particularité du violateur et des
mécanismes de protection des victimes.
L’Etat étant tout puissant, il a fallu mettre en place des
institutions spécialisées au plan national et international pour parer
et remédier à ses dérives.
Les victimes des abus venant des individus agissant à titre
personnel, peuvent en revanche s’en protéger en s’adressant aux
tribunaux ordinaires.
Cela dit, les deux catégories d’abus interpellent l’écrivain au même titre.
L’écrivain ne saurait perdre de vue l’ampleur des dégâts
qu’occasionnent quotidiennement les violations des droits des citoyens
par les citoyens. Son implication dans le combat pour la prévention de
ces dégâts est indispensable dans l’intérêt de la paix sociale.
Je voudrais à titre d’illustration, évoquer un droit d’une importance
capitale pour les relations entre les citoyens : je veux parler du
droit pour chaque citoyen d’exprimer son désaccord avec le prochain.
Monsieur le Président,

Honorables invités,

Mesdames, Messieurs,
Les violations du droit à l’expression du désaccord sont à l’origine
des drames auxquels nos populations sont confrontées dans les ménages,
au sein des entreprises, dans les marchés, dans les écoles et
universités, dans les réunions d’associations et de partis politiques,
etc.
Ces drames sont vécus à chaque instant.
Qui d’entre nous n’a été témoin de scènes de violence provoquées par
le seul d’un citoyen d’être en désaccord avec le point de vue de son
prochain ?
Les scènes débutent généralement par des coups de colère exprimée en
des termes injurieux du genre : "imbécile, conard, fous-moi la paix".
La personne injuriée se tait rarement. Elle réagit presque toujours
en des termes tout aussi violents. Les protagonistes vont parfois
jusqu’à en venir aux poings. Et dans bien des cas, les scènes s’achèvent
sur des blessures et des morts.
Je voudrais, à ce propos, rapporter un fait divers qui s’est produit
il n’y a pas si longtemps, dans un quartier de la banlieue de Lomé. Un
jeune homme prénommé Michel, s’est prit de passion pour Aïcha, une jeune
fille du quartier. Après un long moment d’hésitation, Michel a fini par
s’ouvrir à Aïcha. Aïcha a poliment décliné l’offre en lui précisant
qu’elle a déjà un copain. Michel a mal accueilli la réponse. Alors qu’il
était auparavant en de très bons termes avec Aïcha, il commença à
refuser de la saluer. Il multiplia des menaces envers elle et son
copain. Aïcha tenta de le dissuader. Un beau matin, son copain est
retrouvé mort à la plage, rejeté par la mer. Aïcha périt peu après dans
des circonstances tout aussi obscures. Michel fut à son tour atteint de
paralysie à la suite d’une attaque cardio-vasculaire.
Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,
Si j’ai pris sur moi de partager ces faits avec vous, c’est pour la
simple raison que les drames rapportés auraient pu être évités pour peu
que les auteurs se soient efforcés de respecter le droit de leurs
prochains à être en désaccord avec eux.
Le droit à l’expression du désaccord est un cas d’application de la
liberté d’opinion garantie à tous les citoyens par notre constitution et
tous les instruments internationaux de droits de l’homme ratifiés par
le Togo.
La liberté d’opinion, je voudrais le souligner, est affranchie de
toute possibilité de restriction par l’article 19 du pacte international
relatif aux droits civils et politiques, contrairement à la liberté
d’expression et de presse qui, elle, est soumise à des limites définies à
l’article 19.3 dudit pacte, notamment la prohibition des propos et
écrits de nature à porter atteinte à la réputation d’autrui.
Pourvu qu’il soit exercé sans injure et sans diffamation, le droit au désaccord apparaît ainsi comme un droit de portée absolue.
Cela signifie que dans toute discussion au sein d’une entité, que ce
soit en famille, au sein d’une entreprise, dans une association ou parti
politique ou au sein des institutions publiques, une personne qui y
prend part, quelle qu’elle soit, ne peut pas être empêchée d’exprimer
son désaccord avec les autres.
Il est primordial, à cette première étape de toute discussion, de laisser les désaccords s’exprimer librement.
C’est uniquement à la seconde étape, celle de conciliation des
désaccords pour la recherche d’un consensus, que des difficultés
devraient apparaitre, avec du reste la possibilité de nouveaux points de
désaccord, étant entendu qu’en tout état de cause, aucun des points
désaccord ne peut être déclaré non susceptible de contestation.
Ce processus de règlement des divergences est compromis chaque fois
que l’on rend impossible sa première étape en empêchant une partie
prenante à la discussion d’exprimer son désaccord.
Pourquoi une telle entrave à l’exercice d’un droit qui ne devrait souffrir d’aucune restriction ?

La raison est toute simple et vérifiée à chaque instant. C’est parce que
les gens laissent leur égo surgir pour venir mettre en échec le respect
des droits du prochain.
Ils privilégient leurs attentes en faisant de leur égo un écran qui
les empêche d’écouter et de comprendre les points de vue de leurs
interlocuteurs.
Pour reprendre le cas de Michel, il s’attendait absolument au
consentement d’Aïcha. Il n’a pas envisagé un seul instant son refus.
Pour lui, une telle éventualité équivaudrait à une humiliation. Il a été
victime de son égo, un égo exorbitant, figé. C’est pourquoi, bouleversé
par la réponse d’Aïcha, il s’est livré à des réactions irréfléchies aux
conséquences dramatiques. Il n’a pas en réalité aimé Aïcha. On ne
traite pas un être aimé de la façon dont il l’a traitée. Il a agi comme
si Aïcha n’a pas une conscience qui devrait la guider dans la prise de
ses décisions. Son comportement dénote plus d’amour propre que de
l’amour.
Monsieur le Président,

Distingués invités,

Mesdames, Messieurs,
L’essentiel à retenir de mes propos se résume en quelques lignes.
Comprendre et trouver normal, qu’en toute circonstance, un citoyen,
quel qu’il soit, fût-ce un adversaire, exerce son droit au désaccord,
c’est lui témoigner de la considération par le respect de sa conscience,
de sa liberté, de sa dignité.
C’est faire preuve d’ouverture aux compromis.
C’est le préalable incontournable à tout dialogue social ou
politique, un facteur indispensable à la paix sociale, à la
démocratisation et au développement de notre pays.
C’est se mettre à l’abri de bon nombre de cas de déception, de
jalousie, d’énervement, de ressentiment, d’angoisse, de haine, de
pulsions à la violence, de maladies à connotation nerveuse ou
cardiovasculaire, etc.
Mais, pour qu’il en soit ainsi, encore faut-il savoir dompter l’égo
afin qu’il ne refuse de se soumettre à une conduite comprise par la
raison.
C’est là un chantier autre que celui de dénonciation des abus de
l’Etat. Sa réalisation passe non seulement par la sensibilisation des
citoyens au respect des droits d’autrui, mais aussi et surtout par leur
éducation à la manière appropriée de gérer les résistances
émotionnelles des égos à des conduites acceptées par la raison.
C’est pour cela que les écrivains sont bien placés pour en être à l’avant-garde.
Je mets à profit l’occasion pour les exhorter à s’y atteler.
C’est sur cet appel que je voudrais, Monsieur le Président,
distingués invités, terminer mes propos en proclamant avec insistance
que : « la maîtrise des égos est le prix à payer pour une culture
d’amour et de paix par le respect des droits de l’homme ».
Je vous en remercie.

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