Le sujet est quelque peu sensible, mais pas suffisamment pour que ceux qui aspirent à un Togo où il ferait bon vivre, ne puissent pas en parler et susciter une autre manière de faire. Même si la coloration de l’Assemblée nationale ne reflète pas le paysage politique au Togo, elle a le mérite de contenir des tendances qui, loin de constituer un frein au développement du pays, sont la manifestation à une moindre échelle du pluralisme politique qui existe au Togo. Mais force est de constater malheureusement que dans les sociétés, services et représentations étatiques, la désignation des directeurs, ambassadeurs et autres responsables tient compte de facteurs exclusivement liés à l’appartenance à l’actuel parti au pouvoir. Ailleurs, le temps n’est plus à cette façon de gouverner, heureusement.
Un pays ne saurait être géré exclusivement par des citoyens partageant la même conviction politique. La plus frappante représentation a été donnée par Madiba, celui-là qui, malgré des décennies passées dans les geôles de ses bourreaux, a nommé certains de ses adversaires politiques dans son équipe gouvernementale. Si dans le temps beaucoup étaient déboussolés par la démarche, la suite de sa présidence lui a donné raison. Parce qu’il était convaincu que comme lui, ses adversaires voulaient bâtir l’Afrique du Sud.
Un autre président charismatique en exercice, Barack Obama, a aussi surpris son entourage en faisant confiance à des adversaires politiques que sont les Républicains. Au point que son projet phare, l’assurance-maladie universelle avance à grands pas et est en train de convaincre les sceptiques. Comment peut-il en être autrement, puisque cette assurance-maladie s’appliquera sans tenir compte de l’appartenance politique des citoyens américains qui en seront bénéficiaires ? Là aussi, le président a fait confiance à des citoyens qui la lui ont retournée, malgré que certains de ses concitoyens sont ses adversaires politiques. Des exemples pour corroborer la collaboration entre adversaires politiques pour la bonne marche d’un pays, il en existe à profusion. Mais le Togo et Faure Gnassingbé, chef de l’Etat, deviennent un cas de conscience au vu du « jusqu’auboutisme » dont l’homme fait montre par rapport aux nominations aux divers postes de responsabilité.
Togotélécom, Togocellulaire, Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT), Société des postes du Togo (SPT), Togolaise des eaux (TdE), Compagnie énergie électrique du Togo (CEET), Grands Moulins du Togo (GMT), Port Autonome de Lomé (PAL), SALT, Télévision nationale, Radio Lomé, Radio Kara, Editogo, CHU SO, SAZOF, Mairies, Trésor public pour ne citer que celles-là.
Exception faite de trois ministères considérés comme des strapontins, tous les autres qui composent l’actuel gouvernement, toutes les Ambassades du Togo à l’extérieur, depuis celles de la France, des Etats-Unis, jusqu’à celui du Ghana, sont dirigés par des hommes et femmes aux tendances « uniristes ». Et pourtant, le paysage politique togolais foisonne de partis dont les responsables aussi cherchent à apporter leur pierre à la contribution de la Nation togolaise. « The right man at the right place », devrait être le crédo, mais il suffit de revoir les irrégularités qui ont entaché le dernier concours national de la Police pour comprendre que les autorités actuelles sont à mille lieux de ce crédo.
Les dernières nominations qui sont intervenues sans tambours concernent le poste de Directeur général de Togotélecom et celui d’Ambassadeur du Togo au Koweit. Pour le premier, Faure remplace un « uniriste » par un « uniriste » alors que des compétences de haut niveau sont aussi dans les rangs d’en face. Le nouvel Ambassadeur, Ouro-Sama Mohammed Sad nommé est aussi un député Unir de Sokodé. On apprend que le chef de l’Etat avait promis à l’ancienne deuxième Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Mme Nassara Ouro-Bang’na, qu’elle retournerait à l’Assemblée parce que son positionnement au 3è rang sur la liste aurait suscité des grincements de dents dans le Tchaoudjo. Avec la nomination de l’autre, c’est elle qui occupe désormais le siège au parlement.
Les postes sus-cités ne sont qu’une représentation très partielle de la réalité. Parce que s’il faut descendre aux niveaux inférieurs, l’arbre généalogique qui en serait issu risque d’hérisser des cheveux sur des têtes. Il y a quelque temps, un journal est allé plus loin en osant des pourcentages en rapport avec l’appartenance ethnique dans les services étatiques. L’organe a été interdit pour « défaut de récépissé ». Nous osons aller dans le sens contraire, mais en interpellant les autorités actuelles sur les carences quant à la gestion actuelle de la chose publique : au sein des partis dits de l’opposition, il existe –et Dieu seul sait le pourcentage réel- beaucoup de citoyens originaires du septentrion qui aimeraient voir le pays gouverné autrement. Mais parce qu’ils ont des opinions en emphase de celles de Faure Gnassingbé et de son « clan Unir », on leur colle l’étiquette de têtes de Turcs.
Le phénomène des nominations selon l’appartenance politique est une gangrène. Faure Gnassingbé n’est pas appelé à aller au-delà de son mandat et il n’est pas impossible, au vu des dernières législatives et du nombre de votants et d’abstention, qu’un parti d’opposition accède à la magistrature suprême dans un proche avenir. Nous ne souhaiterions pas que « les uniristes soient servis avec la même mesure qu’ils ont utilisée pour servir l’autre camp ». Le monde n’est plus à ce stade et si notre point de vue peut permettre à faire évoluer les mentalités et aider à confier des responsabilités à des adversaires politiques, la démocratie naissante ne s’en trouverait que plus anoblie.