"Bonjour Monsieur Berlanga. Cela fait six mois que vous avez pris fonction en tant qu’Ambassadeur et Chef de Délégation de l’Union européenne au Togo, quel bilan peut-on dresser de ces six mois passés au Togo ?
Vous savez, les premiers six mois sont très importants parce que d’une certaine manière, ça marque l’orientation d’un mandat et montre quelques caractéristiques qui sont liées à la personnalité de chacun. Pendant ces six premiers mois, j’ai voulu montrer l’image de proximité à la réalité du pays. Aller au-delà de la réalité politique, et connaître la réalité économique et sociale.
J’ai voulu rencontrer les leaders d’opinions ; évidemment il y a les autorités, mais aussi l’opposition, une panoplie d’hommes et de femmes qui contribuent à l’épanouissement, les acteurs de la culture, du sport, des médias. C’était le but de mes premiers six mois. Si je dois tirer une conclusion, je dirais que j’ai découvert, à Lomé comme à l’extérieur, une société civile beaucoup plus formée et très mûre, qui a plus de maturité que ce qu’on pense et ce qu’on croit.
J’ai eu l’occasion d’aller de Lomé à Cinkassé, passer quelque temps avec les organismes nationaux dans toutes les grandes villes, et même discuter avec des gens et effectivement, j’ai vu un engagement de ces gens, pour aider leur population et pour résoudre leurs problèmes quotidiens. J’ai vu une société civile très vive dans des manifestations culturelles et autres, beaucoup de femmes dans les associations, etc. que je vais essayer d’aider.
Vous venez du Cameroun ; quelles sont les grandes similitudes entre le Cameroun et le Togo?
C’est difficile d’établir des similitudes entre les peuples. Le Cameroun, c’est un pays riche, géographiquement bien placé dans le sens où c’est la porte d’entrée de l’Afrique centrale, et le Togo, un pays plus géographiquement limité, par contre. L’avantage, c’est que le Togo est plus ouvert vers ses voisins, son économie est orientée vers ses voisins du Sahel, du Ghana, du Bénin, du Nigeria…Sincèrement je suis très content d’être au Togo.
Je pense qu’en général, les Togolais sont plus ouverts. Les Togolais ont entrepris un chemin de réformes depuis quelques années qui permet à la Délégation européenne de pouvoir contribuer, s’associer à toutes les évolutions d’une manière plus efficace que dans la situation actuelle au Cameroun.
Aujourd’hui, dans la société moderne, c’est très difficile d’établir les différences entre pays, il faut plutôt parler de citoyens, de populations, parce que maintenant dans notre monde globalisé, les frontières ont presque disparu, ceux qui lèvent leurs drapeaux de la souveraineté en fonction de leur frontière sont dépassés par les connaissances mutuelles, l’envie de la population de voyager, de faire des brassages culturels.
Est-ce qu’il y a quand même des similitudes que vous avez observées entre les deux peuples?
Dans les deux sociétés, 50% de la population ont moins de 20 ou 25 ans. C’est-à-dire qu’il y a une envie de laisser derrière le passé et donner de l’opportunité à l’avenir.
Ça arrive ici et au Cameroun et ça arrive partout en Afrique. Votre croissance démographique peut être une difficulté mais surtout une opportunité, car en Europe, la population vieillit. C’est la principale similitude que j’ai vue entre le Cameroun et le Togo. Et c’est une caractéristique qui vous appartient en tant qu’Africains.
Depuis que vous êtes là, on observe que vous êtes présent dans l’espace public, vous êtes moins enclin à la langue de bois, plus percutant que vos prédécesseurs ; qu’est-ce qui justifie cette démarche de votre part ?
Moi sincèrement, je ne pense pas qu’il y a trop de différence entre le travail de mes prédécesseurs et le mien. Evidemment, il y a une question de personnalité, mais aussi une question de temps. Nous en tant que diplomates, nous adaptons notre langage à l’étape où le pays se trouve. Maintenant vous vous trouvez dans une étape de consolidation de la démocratie qui demande des suggestions, des partages, du dialogue plus franc. Un Ambassadeur s’insère sur la continuité, ce sont les institutions qui importent, pas les personnes.
Dans une de vos déclarations, vous avez ouvertement critiqué le budget du Togo. En quoi vous insinuez que cela ne cadre pas avec les priorités de la SCAPE ?
Ma déclaration autour du budget 2014 doit être encadrée dans un contexte de confiance. L’Union européenne avait débloqué 9 milliards de francs au budget de l’Etat. Pour débourser 9 milliards de l’argent des citoyens européens, il faut remplir quelques conditions, et le fait de l’avoir fait est un signe de confiance vis-à-vis des autorités. Donc dans cette confiance, j’avais passé quelques messages.
Le premier message est que les réformes des finances publiques, la gestion saine des finances publiques, c’est une question trans-partisane qui va bien au-delà des clivages politiques. Et j’avais fait cette déclaration face aux membres de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale au sein de laquelle il y avait des représentants de tous les partis politiques. J’ai soulevé des questions par rapport au budget 2014, vu que nous ne sommes pas arrivés à comprendre quelques choix en termes de recettes et de dépenses qui montraient que le budget était expansionniste par rapport à la réalité.
Mais sur cette base, on avait demandé un dialogue franc pour essayer de comprendre. C’est indispensable ! Nous nous sommes posé des questions sur la soutenabilité de ce budget. Car les gouvernants ont une envie d’investissements qui est très louable mais qui doit aller en parallèle avec les revenus. Sinon vous vous endettez. Et les dettes publiques sont payées par les générations futures. Donc il faut toujours préserver cet équilibre !
Le budget expansionniste de cette année, beaucoup d’analystes le justifient par le fait que le pouvoir en place soit en train de préparer l’élection présidentielle de 2015. Est-ce que vous voyez les choses de la même façon ?
Il faut être réaliste, tous les gouvernements au monde font énormément d’attention au budget de l’année qui précède les élections. Ce n’est pas quelque chose qui est particulier au Togo. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’avoir des cadres macroéconomiques à moyen terme, à 4 ou 5 ans.
C’est aussi très important que la gestion des finances publiques soit trans-partisane, que tout le monde soit impliqué. C’est pour ça que le rôle de l’Assemblée nationale est essentiel.
Lors de mon exposé, j’avais parlé du court délai qu’il y avait eu pour les discussions relatives au budget de 2014 à l’Assemblée. Evidemment, en rétrécissant le temps, on laisse moins de temps pour les discussions.
Est-ce que vous ne pensez pas que l’Assemblée nationale ne joue pas effectivement son rôle de contrôle budgétaire ?
J’observe que de plus en plus, au moins depuis les législatives de juillet 2013, il y a une envie d’avancer dans le bon sens. La consolidation démocratique ne se fait pas en un jour. C’est un processus, et donc mon rôle en tant que partenaire de longue date, un partenaire qui base ses actions sur le dialogue, c’est d’encourager cette force émergeante que j’observe à l’Assemblée nationale.
Est ce que vous avez l’impression que les acteurs ont les moyens ou veulent bien faire de contrôle ?
J’ai l’impression que le Togo a une opportunité formidable avec la nouvelle Assemblée nationale parce qu’il y a eu un fort renouvellement des membres, une amélioration claire des compétences au sein de l’Assemblée. Je pense sincèrement qu’avec ces députés compétents, je crois que c’est le cas, les discussions vont gagner en qualité. Avant, ce type de cérémonie se faisait entre le gouvernement et les partenaires. Cette fois-ci, pour la première fois, l’Assemblée a aussi participé, donc il faut encourager ce modèle.
Que pensez-vous de l’évolution du processus de décentralisation au Togo ?
Je pense qu’il faut d’abord parler de la question des élections locales. Le Togo doit organiser les élections locales pour donner légitimité aux élus, aux représentants de la population. Sur ce sujet, il y a un large consensus. Ces élections de proximité permettront de faire émerger des leaders locaux qui après, pourront devenir des leaders nationaux.
Ça va aussi aider tous les partis, y compris ceux de l’opposition à entamer une démocratisation de leur structure interne.
Les élections locales vont faire que les citoyens se trouvent plus proches de leurs dirigeants. Les élections locales aideront à ce que les citoyens s’approprient la démocratie. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : les élections locales sont très nécessaires et doivent être organisées dès que possible. Il n’y a pas d’élections parfaites. Il y avait eu des élections au Mali, en Guinée Bissau. Même si l’on ne peut pas dire qu’elles étaient parfaites, elles ont eu plus de positif que de négatif. Après un premier essai, avec cet acquis, le gouvernement peut travailler pour limiter le côté négatif et maximiser le côté positif.
Revenant à la décentralisation, j’ai l’impression qu’on ne rentre pas trop dans le fond du sujet. Les processus de décentralisation ne peuvent pas se répliquer automatiquement d’un pays à l’autre. Il faut engager les discussions sur ce qui doit être décentralisé et ce qui peut ne pas être décentralisé au Togo. Dans des sociétés comme celle togolaise, il faut renforcer la cohésion nationale.
Cela n’empêche pas que des questions qui sont très liées à ce processus de décentralisation, telles que la gestion de l’eau, l’assainissement et autres soient abordées. Du côté de l’Union européenne, nous allons encourager que ces débats aient lieu. Mais il faut éviter qu’une question exclue l’autre : sans les élections locales, le Togo n’aura pas une démocratie complète.
Vous espérez que les élections aient lieu « dès que possible ». Beaucoup estiment qu’il y a une fuite en avant du pouvoir et demandent ces élections cette année, avant la présidentielle. Comprenez-vous qu’on ait autant de mal à organiser ces élections ?
J’ai l’impression qu’il y a une volonté de tous les partis pour que les élections soient organisées.Il faut reconnaître qu’on est acculé par les délais maintenant. Mais la position de l’Union européenne est que ces élections soient organisées dès que possible.
Cette année ? Avant la présidentielle ?
Ecoutez, je préfère ne pas me prononcer sur une date. Mais je préfère réitérer de nouveau l’intérêt des élections locales pour tous les aspects suivants : la consolidation de la démocratie, la présence des partis dans l’ensemble du territoire, l’appropriation de la part des citoyens de la démocratie, le renouvellement des leaders politiques. Je préfère réitérer notre position qui est la même depuis les « 22 engagements » de 2004.
Pourquoi l’Union européenne n’en fait pas une conditionnalité de l’aide ?
Comme je l’ai dit ailleurs, l’Union européenne peut mettre de l’essence dans le véhicule mais la conduite appartient aux représentants du peuple togolais. Le langage de la conditionnalité est un langage du passé, sauf dans des cas extrêmes.
L’un des processus que vous avez accompagné au Togo, c’est le processus de la réconciliation. Quelle est votre appréciation de son évolution ?
Nous avons salué à l’époque le courage politique pour la décision de la création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. Mais nous observons que deux ans après la remise des conclusions, très peu de recommandations ont été mises en œuvre. Nous encourageons donc plus d’accélération dans la mise en place des recommandations.
Je dis aussi qu’on comprend bien que les blessures sociales, après des affrontements à caractère politique, prennent beaucoup de temps avant de se guérir. Nous comprenons bien aussi qu’il faut aller avec beaucoup d’attention sur les actions en faveur de cette réconciliation. Mais nous disons que deux ans après la remise des rapports, une autre étape doit être franchie ; une étape où tous les volumes des rapports de la CVJR doivent être publiés.
Une étape où on doit passer de la Vérité à la Justice, soit symbolique, soit réelle. Une étape où les acteurs politiques renoncent à soulever des aspects du passé pour diviser la population. Si l’on passe trop de temps à discuter de comment a été le passé, entre 1958 et 2005, peut-être on va perdre le train de ces 50% de la jeunesse pour qui le passé n’existe plus.
Ce qu’elle demande, c’est que les autorités leur donnent des opportunités pour leur avenir, qu’elles leur donnent des réponses au sujet des inégalités qui sont en train de se creuser au Togo. En bref, nous attendons plus de transparence dans le cadre de ce processus ou une transparence et une volonté politique renouvelée pour conclure le processus. De surcroît, ne pas oublier la responsabilité de chacun à ne pas diviser, mais à réunir. Et aussi ne pas perdre de vue les préoccupations de cette jeunesse, de cette population du Togo qui n’est certainement pas la même il y a dix ou vingt ans.
Aujourd’hui, les trois autres volumes du rapport sont toujours mis sous embargo. On accuse les différentes parties prenantes, le PNUD, le HCDH, le gouvernement…Qu’est-ce que vous savez de ce blocage ?
Vous savez, dans tous les processus de justice, vérité et réconciliation dans le monde, une fois que les conclusions sont remises aux autorités (dans le cas du Togo, cela a été fait au Président de la République), la Commission n’a plus de responsabilité. Les institutions qui accompagnent la Commission, elles n’ont plus de responsabilité.
La responsabilité de la publication et de la mise en œuvre des conclusions appartient au gouvernement. Il ne faut pas faire des amalgames. C’est le gouvernement à travers le ministère des Droits de l’Homme et de la mise en œuvre des recommandations de la CVJR qui a la responsabilité de la mise en œuvre des Recommandations, avec l’accompagnement bien sûr des partenaires.
Il se raconte que la gestion des ressources de l’UE mises à la disposition du PNUD dans le cadre de la CVJR ont connu quelques soucis. De quoi s’agit-il ?
Non, c’est une appréciation erronée, sincèrement. Je peux vous confirmer qu’il n’y a pas eu de souci spécial par rapport à la gestion de fonds. Au contraire, tous nos audits, que ce soit du point de vue opérationnel ou financier n’ont soulevé aucun souci spécial.
Parlons maintenant élections. On constate depuis quelque temps que l’absence de violence constitue désormais le critère d’acceptabilité des élections en Afrique. Quel est votre avis là-dessus.
L’absence de violence dans un processus électoral est bien-sûr un préalable indispensable pour la vie politique et pour la paix sociale. Depuis 2007, l’UE au Togo s’est inscrite dans un processus de consolidation démocratique à côté des populations.
Au-delà du préalable lié à la violence, il y a d’autres indicateurs sur la table. Par exemple, après toutes les élections, nos missions émettent des rapports d’observation. Ce qu’on fait après, c’est d’aider le gouvernement à mettre en place les recommandations de nos missions avant les nouvelles élections.
Quand on parle par exemple de l’indépendance de la CENI, de l’amélioration de la liste électorale, de la création d’un Secrétariat exécutif, des élections indépendantes, de l’amélioration des procédures de recours avant et après le scrutin…ce sont des recommandations de nos missions d’observation électorale précédentes. Et tout cela fait partie du dialogue que nous avons actuellement avec le gouvernement.
Je peux vous dire même que dans le cadre de la présidentielle en vue, l’Union européenne ajoutera des critères additionnels tels que la publication de la localisation des bureaux de vote et la publication des résultats par bureau de vote. Ce sont des critères qui n’existaient pas avant, mais que nous sommes en train d’encourager le gouvernement à remplir avant 2015.
Dans le cadre de la présidentielle justement, nous en sommes à moins d’un an. Est-ce que vous êtes aujourd’hui certain que tout ce qui sera nécessaire à la transparence du processus sera mis en œuvre à temps ?
Nous avons récemment salué par la voie d’un communiqué le dialogue politique en cours relatif aux réformes institutionnelles et constitutionnelles tant attendues. Nous ne cessons de passer des messages à nos interlocuteurs en faveur d’un accord et de dire qu’il y a une opportunité historique pour consolider ces réformes d’ici au mois de juillet 2014. Nous exprimons sans cesse que c’est possible d’avoir un dialogue entre les forces politiques qui devra à la fin être entériné par l’Assemblée parce que la Constitution dit que toute réforme doit être validée par l’Assemblée.
L’UE est donc pour un dialogue en dehors de l’Assemblée nationale ?
L’UE dit plutôt que les discussions se concentrent sur le fond et non sur la forme. Nous avons déjà dit que ce sont les questions de fond qui sont les plus importantes. Que les discussions se fassent à l’Assemblée ou en dehors, en tout état de cause, elles doivent être entérinées par l’Assemblée nationale. L’UE encourage ceux qui doivent prendre les décisions d’aller sur les discussions de fond sans perdre du temps sur la forme.
Je veux être plus explicite. Dans une démocratie consolidée, les représentants du peuple sont à l’Assemblée nationale. C’est-à-dire qu’au Togo, il y a beaucoup d’acteurs dans la vie politique. Mais la légitimité de ces acteurs se confirme à l’issue des élections. Je peux demain créer un parti politique (et je sais qu’au Togo, il y a une centaine de partis politiques) et m’attribuer une légitimité que je n’ai peut-être pas.
Evidemment, tout ce processus doit être inclusif. Il faut trouver un moyen pour que toutes les voix soient écoutées, la voix des médias, de la société civile, les leaders religieux, des hommes d’affaires…sans perdre de vue qu’en politique, la légitimité est basée sur l’Assemblée. Allons directement sur le fond afin de parvenir à un accord avant juillet pour que la campagne présidentielle puisse se dérouler de façon apaisée et participative.
Toujours au chapitre de la présidentielle, il y a actuellement un débat très vif sur l’éventualité d’un 3e mandat de Faure Gnassingbé. Une bonne partie de l’opinion estime que deux mandats sont suffisants et que la réforme sur la limitation du mandat doit être applicable immédiatement. Quelle est la position de l’Union européenne sur ce sujet ?
Ecoutez, vous comprendrez que je ne peux pas me prononcer de manière explicite sur cette question. Je peux réitérer que c’est très important de respecter l’Etat de droit, c’est-à-dire de respecter les lois en vigueur et de faire les réformes des lois en fonction des mécanismes prévus par les lois elles-mêmes.
Actuellement, la Constitution modifiée de 2002 est explicite sur la capacité des acteurs politiques à se présenter ou non. Tant que la Constitution ne sera pas modifiée, il sera difficile de se prononcer d’un côté ou d’un autre. Ce qu’il faut encourager, c’est que les accords des acteurs politiques consolident les réformes qui reflètent la position de la majorité de la société.
Je ne cache pas qu’à mon avis la Constitution de 92 reflétait la majorité de la population togolaise et avait été faite avec le concours de toutes les forces politiques. C’est un fait historique. Et la modification de 2002 avait été faite par une partie. Mais c’était une modification légitime.
Donc la modification de la Constitution de 2002 doit être faite avec la même légitimité. Maintenant il appartient à vous Togolais, à vos autorités, à vos dirigeants, d’arriver à des accords en suivant les processus législatifs en place.
Mais il se fait que le pouvoir hésite à faire les réformes vu que le cadre légal actuel est largement en sa faveur, lui qui avait taillé sur mesure la Constitution en 2002 !
Je ne suis pas du même avis que vous. J’ai l’impression que de toutes les parties, il se dégage un consensus autour des réformes clés, qu’un accord pourrait intervenir bientôt s’il y a cet esprit de flexibilité et de souplesse dont je parle. J’ai l’impression que tous les acteurs sont bien conscients que ces réformes sont indispensables pour la consolidation de la démocratie au Togo.
Je reste plutôt positif. Ce qui reste, c’est un peu moins de positions maximalistes, un peu moins de positions tranchées pour parvenir à des accords.
Parlons un peu d’une partie de la classe politique togolaise, je veux parler de l’opposition. Certains observateurs évoquent quelques fois des carences de l’opposition togolaise en parlant par exemple de son incapacité à se mettre ensemble. Vous, en tant qu’observateur, quelle appréciation faites-vous de cette opposition ?
On doit reconnaître d’emblée que l’opposition est très nécessaire dans l’équilibre du pouvoir. Les citoyens doivent toujours avoir une option d’alternance pour exprimer leur choix lors des élections.
Ceci dit, je pense que les parties de l’opposition ont besoin de refléter davantage la jeunesse de votre société. Les élections locales par exemple permettront l’émergence des jeunes leaders au niveau local qui pourront devenir des leaders nationaux après.
Revenant à la question de la division au sein de l’opposition, je dois dire qu’il n’y a pas un modèle unique. Il y a des pays où il y a un bipartisme et d’autres où il y a un vrai multipartisme. En tout cas, si je dois passer un message à l’opposition, je me concentrerais sur deux lignes. La première ligne, c’est le pragmatisme.
C’est-à-dire que dans ses propos vis-à-vis de l’opinion publique, elle ne doit pas être une opposition qui divise. Sur la deuxième ligne, la société civile doit connaître son programme : si elle accède au pouvoir, qu’est-ce qu’elle fera de différent que le pouvoir actuel ?
Je pense que la présentation d’un programme est nécessaire pour montrer aux citoyens que ce n’est pas seulement une question d’alternance, mais de gestion de la vie publique de manière différente. Je plaiderai que l’opposition développe davantage son programme politique et montre la différence de ses options idéologiques.
Parlons maintenant de l’Union européenne qui célèbre le centenaire de la première Guerre mondiale. Quelles sont les activités prévues au Togo ?
Je dois vous préciser que nous ne célébrons pas 1914. 1914, c’est une date de division, une date d’affrontement, une date où nos dirigeants politiques ont opté pour la voie de la guerre au lieu de la voie de l’apaisement. Et on sait bien que la voie de la guerre ne profite à personne, que personne ne sort vainqueur d’une guerre.
Tout le monde sort perdant. Disons qu’on commémore comme une obligation de rappel historique pour répéter aux générations actuelles comment on doit continuellement se battre pour la paix. Du point de vue de l’Union européenne, nous ne pouvons que montrer comment en 1914, l’Europe était divisée et comment en 2014, l’Europe est unie sous la devise des douze étoiles de notre drapeau.
C’est l’envie de travailler ensemble que nous allons célébrer. Au Togo, nous allons aménager la « Place de l’Europe ». Nous sommes en train d’aménager, avec l’autorisation des autorités, une place entre la résidence de l’UE et le bureau de la Délégation, en face de la Primature, une place ouverte à toute la population togolaise comme un symbole d’union, d’entente.
Dernière question, mais question personnelle. Dites-nous, depuis que vous êtes au Togo, qu’est-ce qui vous occupe, à vos temps perdus ?
(Rire) C’est le Togo qui occupe mon temps perdu. Plus sérieusement, la connaissance de vos cultures, de votre territoire. Par exemple, si je vais faire du sport sur le campus, je fais attention aux comportements des jeunes.
Si je me promène le long de la côte, j’observe comment les Togolais profitent d’un dimanche… Moi et ma famille, nous essayons de vous comprendre mieux. Après six mois, je dois vous dire que rien ne me semble étrange. J’ai encore une fois la confirmation que nous ne sommes pas différents.
L’envie de la jeunesse d’avoir des opportunités, l’envie de la population de vivre une vie en paix, l’envie de demander aux autorités publiques de proposer des solutions aux problèmes quotidiens sont des envies qui existent partout, au Cameroun, au Togo, en Europe, etc.