Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Togo    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Diplomatie
Article



 Titrologie



L'Alternative N° 318 du

Voir la Titrologie

  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Diplomatie

TOGO: Berlanga-Martinez : Sans les élections locales, le Togo n’aura pas une démocratie complète
Publié le mercredi 9 avril 2014  |  L'Alternative


© Autre presse par DR
Conclusion rapide et secrète des APE : Les Eglises d`Afrique de l`Ouest expriment leur désapprobation à Nicolas Martinez-Berlanga


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

C’est sur un ton très diplomatique mais aussi sincère que le représentant de l’UE au Togo, Nicolas Berlanga-Martinez a abordé cette interview à nos
confrères du journal Alternative.

De la nécessité d’organiser des élections locales au besoin de dégager au
plus tôt un accord politique sur les réformes, le diplomate européen est
resté égal à lui-même. En fin tacticien, il donne la direction à suivre
avec beaucoup de souplesse et d’élégance.


Mais l’on retient au final que l’Union Européenne tient à la consolidation
de la démocratie et de l’Etat de droit au Togo à travers la mise en
œuvre effective des réformes, des recommandations de la CVJR et
l’organisation effrective des électinons locales.

L’homme
reste très positif et confiant sur la volonté des acteurs politiques
togolais d’aller de l’avant sur le chantier de ces réformes même s’il
note au passage une certaine lenteur dans la mise en œuvre des
recommandations de la CVJR depuis deux ans où celles-ci ont été remises
au gouvernement togolais.

A la lecture de cette interview tout bon analyste se rendra compte que le
diplomate européen a choisi de marcher sur les œufs, il a préféré
pousser les acteurs politiques vers l’action par un positivisme parfois
exagéré.

Mais nous prions simplement que ce regard plutôt positif sur la volonté des
acteurs politiques de renforcer la démocratie au Togo, ne soit pas
démenti par les errances et les divagations dont ces acteurs sont
coutumiers au Togo.


Voici l’intégralité de l’interview réalisée par nos confrères de l’hebdo Alernative.

Bonjour
Monsieur Berlanga. Cela fait six mois que vous avez pris fonction en
tant qu’Ambassadeur et Chef de Délégation de l’Union européenne au Togo,
quel bilan peut-on dresser de ces six mois passés au Togo ?


Vous savez, les premiers six mois sont très importants parce que d’une
certaine manière, ça marque l’orientation d’un mandat et montre quelques
caractéristiques qui sont liées à la personnalité de chacun. Pendant
ces six premiers mois, j’ai voulu montrer l’image de proximité à la
réalité du pays. Aller au-delà de la réalité politique, et connaître la
réalité économique et sociale.


J’ai voulu rencontrer les leaders d’opinions ; évidemment il y a les
autorités, mais aussi l’opposition, une panoplie d’hommes et de femmes
qui contribuent à l’épanouissement, les acteurs de la culture, du sport,
des médias. C’était le but de mes premiers six mois. Si je dois tirer
une conclusion, je dirais que j’ai découvert, à Lomé comme à
l’extérieur, une société civile beaucoup plus formée et très mûre, qui a
plus de maturité que ce qu’on pense et ce qu’on croit.


J’ai eu l’occasion d’aller de Lomé à Cinkassé, passer quelque temps avec
les organismes nationaux dans toutes les grandes villes, et même
discuter avec des gens et effectivement, j’ai vu un engagement de ces
gens, pour aider leur population et pour résoudre leurs problèmes
quotidiens. J’ai vu une société civile très vive dans des manifestations
culturelles et autres, beaucoup de femmes dans les associations, etc.
que je vais essayer d’aider.


Vous venez du Cameroun ; quelles sont les grandes similitudes entre le Cameroun et le Togo ?


C’est difficile d’établir des similitudes entre les peuples. Le Cameroun,
c’est un pays riche, géographiquement bien placé dans le sens où c’est
la porte d’entrée de l’Afrique centrale, et le Togo, un pays plus
géographiquement limité, par contre. L’avantage, c’est que le Togo est
plus ouvert vers ses voisins, son économie est orientée vers ses voisins
du Sahel, du Ghana, du Bénin, du Nigeria…Sincèrement je suis très
content d’être au Togo.


Je pense qu’en général, les Togolais sont plus ouverts. Les Togolais ont
entrepris un chemin de réformes depuis quelques années qui permet à la
Délégation européenne de pouvoir contribuer, s’associer à toutes les
évolutions d’une manière plus efficace que dans la situation actuelle au
Cameroun.


Aujourd’hui, dans la société moderne, c’est très difficile d’établir les différences
entre pays, il faut plutôt parler de citoyens, de populations, parce
que maintenant dans notre monde globalisé, les frontières ont presque
disparu, ceux qui lèvent leurs drapeaux de la souveraineté en fonction
de leur frontière sont dépassés par les connaissances mutuelles, l’envie
de la population de voyager, de faire des brassages culturels.


Est-ce qu’il y a quand même des similitudes que vous avez observées entre les deux peuples ?


Dans les deux sociétés, 50% de la population ont moins de 20 ou 25 ans.
C’est-à-dire qu’il y a une envie de laisser derrière le passé et donner
de l’opportunité à l’avenir.

Ça arrive ici et au Cameroun et ça arrive partout en Afrique. Votre
croissance démographique peut être une difficulté mais surtout une
opportunité, car en Europe, la population vieillit. C’est la principale
similitude que j’ai vue entre le Cameroun et le Togo. Et c’est une
caractéristique qui vous appartient en tant qu’Africains.


Depuis que vous êtes là, on observe que vous êtes présent dans l’espace
public, vous êtes moins enclin à la langue de bois, plus percutant que
vos prédécesseurs ; qu’est-ce qui justifie cette démarche de votre
part ?


Moi sincèrement, je ne pense pas qu’il y a trop de différence entre le
travail de mes prédécesseurs et le mien. Evidemment, il y a une question
de personnalité, mais aussi une question de temps. Nous en tant que
diplomates, nous adaptons notre langage à l’étape où le pays se trouve.
Maintenant vous vous trouvez dans une étape de consolidation de la
démocratie qui demande des suggestions, des partages, du dialogue plus
franc. Un Ambassadeur s’insère sur la continuité, ce sont les
institutions qui importent, pas les personnes.



Dans une de vos déclarations, vous avez ouvertement critiqué le budget du
Togo. En quoi vous insinuez que cela ne cadre pas avec les priorités de
la SCAPE ?


Ma déclaration autour du budget 2014 doit être encadrée dans un contexte
de confiance. L’Union européenne avait débloqué 9 milliards de francs au
budget de l’Etat. Pour débourser 9 milliards de l’argent des citoyens
européens, il faut remplir quelques conditions, et le fait de l’avoir
fait est un signe de confiance vis-à-vis des autorités. Donc dans cette
confiance, j’avais passé quelques messages.



Le premier message est que les réformes des finances publiques, la gestion
saine des finances publiques, c’est une question trans-partisane qui va
bien au-delà des clivages politiques. Et j’avais fait cette déclaration
face aux membres de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale
au sein de laquelle il y avait des représentants de tous les partis
politiques. J’ai soulevé des questions par rapport au budget 2014, vu
que nous ne sommes pas arrivés à comprendre quelques choix en termes de
recettes et de dépenses qui montraient que le budget
était expansionniste par rapport à la réalité.



Mais sur cette base, on avait demandé un dialogue franc pour essayer de
comprendre. C’est indispensable ! Nous nous sommes posé des questions
sur la soutenabilité de ce budget. Car les gouvernants ont une envie
d’investissements qui est très louable mais qui doit aller en parallèle
avec les revenus. Sinon vous vous endettez. Et les dettes publiques sont
payées par les générations futures. Donc il faut toujours préserver cet
équilibre !



Le budget expansionniste de cette année, beaucoup d’analystes le
justifient par le fait que le pouvoir en place soit en train de préparer
l’élection présidentielle de 2015. Est-ce que vous voyez les choses de
la même façon ?



Il faut être réaliste, tous les gouvernements au monde font énormément
d’attention au budget de l’année qui précède les élections. Ce n’est
pas quelque chose qui est particulier au Togo. C’est pour cela qu’il est
nécessaire d’avoir des cadres macroéconomiques à moyen terme, à 4 ou 5
ans.


C’est aussi très important que la gestion des finances publiques soit
trans-partisane, que tout le monde soit impliqué. C’est pour ça que le
rôle de l’Assemblée nationale est essentiel.


Lors de mon exposé, j’avais parlé du court délai qu’il y avait eu pour les
discussions relatives au budget de 2014 à l’Assemblée. Evidemment, en
rétrécissant le temps, on laisse moins de temps pour les discussions.


Est-ce que vous ne pensez pas que l’Assemblée nationale ne joue pas effectivement son rôle de contrôle budgétaire ?

J’observe que de plus en plus, au moins depuis les législatives de juillet 2013,
il y a une envie d’avancer dans le bon sens. La consolidation
démocratique ne se fait pas en un jour. C’est un processus, et donc mon
rôle en tant que partenaire de longue date, un partenaire qui base ses
actions sur le dialogue, c’est d’encourager cette force émergeante que
j’observe à l’Assemblée nationale.



Est ce que vous avez l’impression que les acteurs ont les moyens ou veulent bien faire de contrôle ?



J’ai l’impression que le Togo a une opportunité formidable avec la nouvelle
Assemblée nationale parce qu’il y a eu un fort renouvellement des
membres, une amélioration claire des compétences au sein de l’Assemblée.
Je pense sincèrement qu’avec ces députés compétents, je crois que c’est
le cas, les discussions vont gagner en qualité. Avant, ce type de
cérémonie se faisait entre le gouvernement et les partenaires. Cette
fois-ci, pour la première fois, l’Assemblée a aussi participé, donc il
faut encourager ce modèle.



Que pensez-vous de l’évolution du processus de décentralisation au Togo ?


Je pense qu’il faut d’abord parler de la question des élections locales.
Le Togo doit organiser les élections locales pour donner légitimité aux
élus, aux représentants de la population. Sur ce sujet, il y a un large
consensus. Ces élections de proximité permettront de faire émerger des
leaders locaux qui après, pourront devenir des leaders nationaux.


Ça va aussi aider tous les partis, y compris ceux de l’opposition à entamer une démocratisation de leur structure interne.


Les élections locales vont faire que les citoyens se trouvent plus proches
de leurs dirigeants. Les élections locales aideront à ce que les
citoyens s’approprient la démocratie. Nous l’avons dit à plusieurs
reprises : les élections locales sont très nécessaires et doivent être
organisées dès que possible. Il n’y a pas d’élections parfaites. Il y
avait eu des élections au Mali, en Guinée Bissau. Même si l’on ne peut
pas dire qu’elles étaient parfaites, elles ont eu plus de positif que de
négatif. Après un premier essai, avec cet acquis, le gouvernement peut
travailler pour limiter le côté négatif et maximiser le côté positif.



Revenant à la décentralisation, j’ai l’impression qu’on ne rentre pas trop dans
le fond du sujet. Les processus de décentralisation ne peuvent pas se
répliquer automatiquement d’un pays à l’autre. Il faut engager les
discussions sur ce qui doit être décentralisé et ce qui peut ne pas être
décentralisé au Togo. Dans des sociétés comme celle togolaise, il faut
renforcer la cohésion nationale.


Cela n’empêche pas que des questions qui sont très liées à ce processus de
décentralisation, telles que la gestion de l’eau, l’assainissement et
autres soient abordées. Du côté de l’Union européenne, nous allons
encourager que ces débats aient lieu. Mais il faut éviter qu’une
question exclue l’autre : sans les élections locales, le Togo n’aura pas
une démocratie complète.



Vous espérez que les élections aient lieu « dès que possible ». Beaucoup
estiment qu’il y a une fuite en avant du pouvoir et demandent ces
élections cette année, avant la présidentielle. Comprenez-vous qu’on ait
autant de mal à organiser ces élections ?


J’ai l’impression qu’il y a une volonté de tous les partis pour que les
élections soient organisées.Il faut reconnaître qu’on est acculé par les
délais maintenant. Mais la position de l’Union européenne est que ces
élections soient organisées dès que possible.


Cette année ? Avant la présidentielle ?
Ecoutez, je préfère ne pas me prononcer sur une date. Mais je préfère réitérer
de nouveau l’intérêt des élections locales pour tous les aspects
suivants : la consolidation de la démocratie, la présence des partis
dans l’ensemble du territoire, l’appropriation de la part des citoyens
de la démocratie, le renouvellement des leaders politiques. Je préfère
réitérer notre position qui est la même depuis les « 22 engagements » de
2004.



Pourquoi l’Union européenne n’en fait pas une conditionnalité de l’aide ?


Comme je l’ai dit ailleurs, l’Union européenne peut mettre de l’essence dans
le véhicule mais la conduite appartient aux représentants du peuple
togolais. Le langage de la conditionnalité est un langage du passé, sauf
dans des cas extrêmes.


L’un des processus que vous avez accompagné au Togo, c’est le processus de
la réconciliation. Quelle est votre appréciation de son évolution ?


Nous avons salué à l’époque le courage politique pour la décision de la
création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. Mais nous
observons que deux ans après la remise des conclusions, très peu de
recommandations ont été mises en œuvre. Nous encourageons donc plus
d’accélération dans la mise en place des recommandations.


Je dis aussi qu’on comprend bien que les blessures sociales, après des
affrontements à caractère politique, prennent beaucoup de temps avant de
se guérir. Nous comprenons bien aussi qu’il faut aller avec beaucoup
d’attention sur les actions en faveur de cette réconciliation. Mais nous
disons que deux ans après la remise des rapports, une autre étape doit
être franchie ; une étape où tous les volumes des rapports de la CVJR
doivent être publiés.


Une étape où on doit passer de la Vérité à la Justice, soit symbolique,
soit réelle. Une étape où les acteurs politiques renoncent à soulever
des aspects du passé pour diviser la population. Si l’on passe trop de
temps à discuter de comment a été le passé, entre 1958 et 2005,
peut-être on va perdre le train de ces 50% de la jeunesse pour qui le
passé n’existe plus.


Ce qu’elle demande, c’est que les autorités leur donnent des opportunités
pour leur avenir, qu’elles leur donnent des réponses au sujet des
inégalités qui sont en train de se creuser au Togo. En bref, nous
attendons plus de transparence dans le cadre de ce processus ou une
transparence et une volonté politique renouvelée pour conclure le
processus. De surcroît, ne pas oublier la responsabilité de chacun à ne
pas diviser, mais à réunir. Et aussi ne pas perdre de vue les
préoccupations de cette jeunesse, de cette population du Togo qui n’est
certainement pas la même il y a dix ou vingt ans.


Aujourd’hui, les trois autres volumes du rapport sont toujours mis sous embargo. On
accuse les différentes parties prenantes, le PNUD, le HCDH, le
gouvernement…Qu’est-ce que vous savez de ce blocage ?


Vous savez, dans tous les processus de justice, vérité et réconciliation
dans le monde, une fois que les conclusions sont remises aux autorités
(dans le cas du Togo, cela a été fait au Président de la République), la
Commission n’a plus de responsabilité. Les institutions qui
accompagnent la Commission, elles n’ont plus de responsabilité.


La responsabilité de la publication et de la mise en œuvre des conclusions
appartient au gouvernement. Il ne faut pas faire des amalgames. C’est
le gouvernement à travers le ministère des Droits de l’Homme et de la
mise en œuvre des recommandations de la CVJR qui a la responsabilité de
la mise en œuvre des Recommandations, avec l’accompagnement bien sûr des
partenaires.


Il se raconte que la gestion des ressources de l’UE mises à la disposition
du PNUD dans le cadre de la CVJR ont connu quelques soucis. De quoi
s’agit-il ?

Non, c’est une appréciation erronée, sincèrement. Je peux vous confirmer
qu’il n’y a pas eu de souci spécial par rapport à la gestion de fonds.
Au contraire, tous nos audits, que ce soit du point de vue opérationnel
ou financier n’ont soulevé aucun souci spécial.


Parlons maintenant élections. On constate depuis quelque temps que l’absence de
violence constitue désormais le critère d’acceptabilité des élections
en Afrique. Quel est votre avis là-dessus.


L’absence de violence dans un processus électoral est bien-sûr un préalable
indispensable pour la vie politique et pour la paix sociale. Depuis
2007, l’UE au Togo s’est inscrite dans un processus de consolidation
démocratique à côté des populations.


Au-delà du préalable lié à la violence, il y a d’autres indicateurs sur la
table. Par exemple, après toutes les élections, nos missions émettent
des rapports d’observation. Ce qu’on fait après, c’est d’aider le
gouvernement à mettre en place les recommandations de nos missions avant
les nouvelles élections.


Quand
on parle par exemple de l’indépendance de la CENI, de l’amélioration de
la liste électorale, de la création d’un Secrétariat exécutif, des
élections indépendantes, de l’amélioration des procédures de recours
avant et après le scrutin…ce sont des recommandations de nos missions
d’observation électorale précédentes. Et tout cela fait partie du
dialogue que nous avons actuellement avec le gouvernement.


Je peux vous dire même que dans le cadre de la présidentielle en vue,
l’Union européenne ajoutera des critères additionnels tels que la
publication de la localisation des bureaux de vote et la publication des
résultats par bureau de vote. Ce sont des critères qui n’existaient pas
avant, mais que nous sommes en train d’encourager le gouvernement à
remplir avant 2015.


Dans le cadre de la présidentielle justement, nous en sommes à moins d’un
an. Est-ce que vous êtes aujourd’hui certain que tout ce qui sera
nécessaire à la transparence du processus sera mis en œuvre à temps ?
Nous
avons récemment salué par la voie d’un communiqué le dialogue politique
en cours relatif aux réformes institutionnelles et constitutionnelles
tant attendues. Nous ne cessons de passer des messages à nos
interlocuteurs en faveur d’un accord et de dire qu’il y a une
opportunité historique pour consolider ces réformes d’ici au mois de
juillet 2014. Nous exprimons sans cesse que c’est possible d’avoir un
dialogue entre les forces politiques qui devra à la fin être entériné
par l’Assemblée parce que la Constitution dit que toute réforme doit
être validée par l’Assemblée.


L’UE est donc pour un dialogue en dehors de l’Assemblée nationale ?


L’UE dit plutôt que les discussions se concentrent sur le fond et non sur la
forme. Nous avons déjà dit que ce sont les questions de fond qui sont
les plus importantes. Que les discussions se fassent à l’Assemblée ou en
dehors, en tout état de cause, elles doivent être entérinées par
l’Assemblée nationale. L’UE encourage ceux qui doivent prendre les
décisions d’aller sur les discussions de fond sans perdre du temps sur
la forme.


Je veux être plus explicite. Dans une démocratie consolidée, les
représentants du peuple sont à l’Assemblée nationale. C’est-à-dire qu’au
Togo, il y a beaucoup d’acteurs dans la vie politique. Mais la
légitimité de ces acteurs se confirme à l’issue des élections. Je peux
demain créer un parti politique (et je sais qu’au Togo, il y a une
centaine de partis politiques) et m’attribuer une légitimité que je n’ai
peut-être pas.


Evidemment, tout ce processus doit être inclusif. Il faut trouver un moyen pour que
toutes les voix soient écoutées, la voix des médias, de la société
civile, les leaders religieux, des hommes d’affaires…sans perdre de vue
qu’en politique, la légitimité est basée sur l’Assemblée. Allons
directement sur le fond afin de parvenir à un accord avant juillet pour
que la campagne présidentielle puisse se dérouler de façon apaisée et
participative.


Toujours au chapitre de la présidentielle, il y a actuellement un débat très vif
sur l’éventualité d’un 3e mandat de Faure Gnassingbé. Une bonne partie
de l’opinion estime que deux mandats sont suffisants et que la réforme
sur la limitation du mandat doit être applicable immédiatement. Quelle
est la position de l’Union européenne sur ce sujet ?


Ecoutez, vous comprendrez que je ne peux pas me prononcer de manière explicite
sur cette question. Je peux réitérer que c’est très important de
respecter l’Etat de droit, c’est-à-dire de respecter les lois en vigueur
et de faire les réformes des lois en fonction des mécanismes prévus par
les lois elles-mêmes.


Actuellement, la Constitution modifiée de 2002 est explicite sur la capacité des
acteurs politiques à se présenter ou non. Tant que la Constitution ne
sera pas modifiée, il sera difficile de se prononcer d’un côté ou d’un
autre. Ce qu’il faut encourager, c’est que les accords des acteurs
politiques consolident les réformes qui reflètent la position de la
majorité de la société.


Je ne cache pas qu’à mon avis la Constitution de 92 reflétait la majorité
de la population togolaise et avait été faite avec le concours de toutes
les forces politiques. C’est un fait historique. Et la modification de
2002 avait été faite par une partie. Mais c’était une modification
légitime.


Donc la modification de la Constitution de 2002 doit être faite avec la même
légitimité. Maintenant il appartient à vous Togolais, à vos autorités, à
vos dirigeants, d’arriver à des accords en suivant les processus
législatifs en place.


Mais il se fait que le pouvoir hésite à faire les réformes vu que le cadre
légal actuel est largement en sa faveur, lui qui avait taillé sur mesure
la Constitution en 2002 !


Je ne suis pas du même avis que vous. J’ai l’impression que de toutes les
parties, il se dégage un consensus autour des réformes clés, qu’un
accord pourrait intervenir bientôt s’il y a cet esprit de flexibilité et
de souplesse dont je parle. J’ai l’impression que tous les acteurs sont
bien conscients que ces réformes sont indispensables pour la
consolidation de la démocratie au Togo.

Je reste plutôt positif. Ce qui reste, c’est un peu moins de positions
maximalistes, un peu moins de positions tranchées pour parvenir à des
accords.


Parlons un peu d’une partie de la classe politique togolaise, je veux parler de
l’opposition. Certains observateurs évoquent quelques fois des carences
de l’opposition togolaise en parlant par exemple de son incapacité à se
mettre ensemble. Vous, en tant qu’observateur, quelle appréciation
faites-vous de cette opposition ?


On doit reconnaître d’emblée que l’opposition est très nécessaire dans
l’équilibre du pouvoir. Les citoyens doivent toujours avoir une option
d’alternance pour exprimer leur choix lors des élections.


Ceci dit, je pense que les parties de l’opposition ont besoin de refléter
davantage la jeunesse de votre société. Les élections locales par
exemple permettront l’émergence des jeunes leaders au niveau local qui
pourront devenir des leaders nationaux après.


Revenant à la question de la division au sein de l’opposition, je dois dire
qu’il n’y a pas un modèle unique. Il y a des pays où il y a un
bipartisme et d’autres où il y a un vrai multipartisme. En tout cas, si
je dois passer un message à l’opposition, je me concentrerais sur deux
lignes. La première ligne, c’est le pragmatisme.


C’est-à-dire que dans ses propos vis-à-vis de l’opinion publique, elle ne doit pas
être une opposition qui divise. Sur la deuxième ligne, la société civile
doit connaître son programme : si elle accède au pouvoir, qu’est-ce
qu’elle fera de différent que le pouvoir actuel ?

Je pense que la présentation d’un programme est nécessaire pour montrer
aux citoyens que ce n’est pas seulement une question d’alternance, mais
de gestion de la vie publique de manière différente. Je plaiderai que
l’opposition développe davantage son programme politique et montre la
différence de ses options idéologiques.

Parlons maintenant de l’Union européenne qui célèbre le centenaire de la
première Guerre mondiale. Quelles sont les activités prévues au Togo ?


Je dois vous préciser que nous ne célébrons pas 1914. 1914, c’est une date
de division, une date d’affrontement, une date où nos dirigeants
politiques ont opté pour la voie de la guerre au lieu de la voie de
l’apaisement. Et on sait bien que la voie de la guerre ne profite à
personne, que personne ne sort vainqueur d’une guerre.

Tout le monde sort perdant. Disons qu’on commémore comme une obligation de
rappel historique pour répéter aux générations actuelles comment on doit
continuellement se battre pour la paix. Du point de vue de l’Union
européenne, nous ne pouvons que montrer comment en 1914, l’Europe était
divisée et comment en 2014, l’Europe est unie sous la devise des douze
étoiles de notre drapeau.

C’est l’envie de travailler ensemble que nous allons célébrer. Au Togo, nous allons aménager la « Place de l’Europe ».
Nous sommes en train d’aménager, avec l’autorisation des autorités, une
place entre la résidence de l’UE et le bureau de la Délégation, en face
de la Primature, une place ouverte à toute la population togolaise
comme un symbole d’union, d’entente.


Dernière question, mais question personnelle. Dites-nous, depuis que vous êtes
au Togo, qu’est-ce qui vous occupe, à vos temps perdus ?


(Rire) C’est le Togo qui occupe mon temps perdu. Plus sérieusement, la
connaissance de vos cultures, de votre territoire. Par exemple, si je
vais faire du sport sur le campus, je fais attention aux comportements
des jeunes.


Si je me promène le long de la côte, j’observe comment les Togolais
profitent d’un dimanche… Moi et ma famille, nous essayons de vous
comprendre mieux. Après six mois, je dois vous dire que rien ne me
semble étrange. J’ai encore une fois la confirmation que nous ne sommes
pas différents.


L’envie de la jeunesse d’avoir des opportunités, l’envie de la population de
vivre une vie en paix, l’envie de demander aux autorités publiques de
proposer des solutions aux problèmes quotidiens sont des envies qui
existent partout, au Cameroun, au Togo, en Europe, etc.

Par Maxime DOMEGNI et Annie-Stévia WODOME

 Commentaires