Une cinquantaine d’agents de la
Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels et Génériques (CAMEG-Togo)
viennent de se faire notifier leur licenciement. Malgré plus de dix ans
passés au service de la CAMEG pour certains, la directrice leur propose
des « indemnités » individuelles au titre de prime de licenciement sans
aucun calcul et sans se référer au Code du travail. Et de sources
concordantes, la société vit au rythme du népotisme et des
surfacturations.
En 1996 alors que la faillite de la
société d’approvisionnement et de distribution de médicaments,
Togopharma, était dans tous les esprits, il a été créé en son sein une
cellule autonome qui fonctionnait sous forme de projet. Deux ans plus
tard, cette cellule sera transformée en une société dénommée Centrale
d’Achat des Médicaments Essentiels et Génériques (CAMEG-Togo). Si
l’ancienne société d’Etat Togopharma, créée en 1967, a fait faillite,
c’est principalement à cause de sa mauvaise gestion. Aujourd’hui, les
signaux sont au rouge et tout laisse à penser que la CAMEG-Togo emprunte
inexorablement aussi la voie de la faillite.
Au menu des griefs retenus contre la
directrice, Dr Assih Mamessilé, nommée en 2005, des recrutements selon
des accointances claniques qui plombent la bonne marche de la centrale.
Bien que depuis 2005, des audits aient révélé que l’effectif du
personnel de la CAMEG était au-delà de ses besoins et qu’il fallait
procéder à sa restructuration, les recrutements ont gardé la pente
ascendante au gré de Dr Assih Mamessilé. C’est ainsi que cousins,
cousines, petits frères et sœurs, amis et beaux-frères auraient été
recrutés sur des critères à coloration népotique, autres que « the right man at the right place ». Conséquence logique de ces recrutements approximatifs, le personnel de la CAMEG-Togo devient pléthorique.
En 2011, un audit commandité par la même
directrice pour une évaluation du personnel, va conclure à l’exigence
d’une restructuration de la CAMEG à travers la suppression de certains
postes et donc la compression d’une partie du personnel. Qui seront les
agneaux sacrificiels? L’occasion s’offre donc à la directrice qui
n’attendait que ce « feu vert », de procéder à des licenciements au sein
des anciens agents de Togopharma reversés parmi le personnel de la
Cameg depuis 2003. La menace plane désormais sur 49 salariés, tous issus
du défunt Togopharma et qui ont reçu la notification de leur
licenciement. Un licenciement que la directrice justifie par
l’incapacité économique de l’entreprise à supporter toutes les charges,
occultant le fait que les recrutements se sont poursuivis au sein de
l’entreprise malgré les audits de 2005 et 2011.
Pour dédommager les 49 agents bientôt au
chômage malgré plus de dix ans de carrière au service de la CAMEG, leur
âge avancé et leurs responsabilités en tant que parents, Mme Assih
Mamessilé leur propose 30 millions FCFA en tout. Ce qui revient en
moyenne à 612 000 FCFA par employé, ajouté à cela le fait que ceux-ci
n’ont perçu entre 2003 et 2007 que la moitié de leur salaire. Pour
rappel, en cas de licenciement dans une entreprise pour cause
économique, les agents les plus exposés sont ceux qui ont été engagés en
dernière position.
Malgré la constante évocation des
difficultés financières, la directrice se livrerait à des
surfacturations et aux achats fantaisistes. Pour preuve, un véhicule de
marque Mercedes Benz d’une valeur de 38 millions de FCFA avait été
acheté pour convoyer des médicaments vers l’intérieur du pays. Mais près
de cinq mois après sa mise en service, des pannes à répétition ont fait
jour et fini par avoir raison du véhicule qui se retrouve à l’abandon
malgré les frais engagés pour sa réparation. Reste à savoir la
provenance et la qualité de l’engin acquis.
Il est aussi reproché à Dr Assih
Mamessilé d’approuver des commandes de médicaments dont la date de
péremption serait inférieure à trois mois alors que la Cameg n’a pas une
grande capacité d’absorption lui permettant d’écouler les produits à
temps. Les commandes ainsi passées, il ne reste plus qu’à attendre que
les médicaments soient avariés pour être brûlés puisque ne pouvant plus
être écoulés. Selon des indiscrétions, un circuit de retro-commissions
serait instauré entre les fournisseurs de ces médicaments au bord de
l’avarie et la direction de la Cameg.
Pour vérifier les informations en notre
possession, nous avons joint cette direction. Malgré notre insistance à
avoir leur version des faits, on s’est heurté au mutisme des
responsables de la Cameg-Togo qui n’ont ni confirmé ni infirmé ce qui
leur est reproché. Sur la question des licenciements annoncés, un haut
responsable nous a simplement renvoyé vers l’inspection du travail. « Je
ne peux rien vous dire. Adressez-vous à l’inspection du travail pour
savoir si une lettre de licenciement leur a été adressée. Je ne suis au
courant d’aucun licenciement », a-t-il conclu.
En 2011, par deux fois en moins de
quatre mois, des incendies ont ravagé des entrepôts de stockage de
médicaments appartenant à la Cameg-Togo. Une enquête ouverte sur le
deuxième incendie du 23 octobre 2011, avait conclu à un court-circuit.
Rien n’avait été dit quant à l’origine des commandes et le temps qui
restait avant que ces stocks ne partent en fumée. Incendies fortuits ou
désir d’effacer les dates de péremption sur les produits ? Only God
knows.
G.A.
LIBERTE HEBDO