Jusqu’à
quand la classe politique doit-elle attendre l’ouverture du véritable
dialogue sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles de
l’Accord politique global (Apg) ? La problématique est sans doute dans
toutes les têtes, au regard de leur importance pour la transparence,
l’équité de la présidentielle de 2015 et la survie même de la démocratie
dans notre pays. Mais de toute vraisemblance, tous ceux qui sont
pressés de les voir exécutées devront s’armer de patience. C’est en tout
cas ce que demande le Premier ministre à l’Alliance nationale pour le
changement (Anc) qui l’avait saisi par courrier.
Rappel des termes du courrier de l’Anc
L’Alliance nationale pour le
changement (Anc) avait en effet saisi en date du 24 mars dernier le
Premier ministre Arthème Ahoomey-Zunu au sujet de l’ouverture du
dialogue sur les réformes. On en parlait déjà dans la parution N°1670 du
02 avril 2014 sous la titraille « Présidentielle de 2015 et réformes
de l’APG/L’ANC saisit le Premier ministre et demande la tenue rapide
d’un dialogue politique ». Par cette lettre signée de sa 2e
Vice-présidente, Me Isabelle Ameganvi, le parti a simplement voulu
saisir officiellement le chef du gouvernement sur la nécessité de faire
diligence et ouvrir le dialogue, au-delà des complaintes de l’opposition
sur le silence du gouvernement depuis les premiers échanges des 13 et
14 mars sur le cadre devant abriter les discussions sur ces réformes
constitutionnelles et institutionnelles et la démarche à suivre pour y
aboutir.
« Le jeudi 13 mars 2014 et les jours
suivants, vous avez bien voulu initier avec l’ANC et d’autres
composantes de la classe politique togolaise des échanges sur les
questions liées au dialogue politique, en vue des réformes
constitutionnelles et institutionnelles préconisées par l’APG. Je
voudrais par la présente, vous remercier pour les rencontres et vous
confirmer la position de l’ANC qui souhaite la mise en place d’un cadre
formel permettant de réunir le plus large consensus sur les réformes
envisagées et l’organisation rapide des élections locales. A cet effet,
je vous prie de trouver ci-joint, comme contribution de notre parti, une
copie du mémorandum adressé au Chef de l’Etat et qui sous-tend notre
position ainsi que la liste des points de réforme et d’amélioration du
cadre électoral en discussions à l’OCDI en juillet 2013, à la veille des
dernières élections législatives et toujours d’actualité», dixit l’Anc, avant de requérir l’ouverture rapide du dialogue : «
Dans la perspective des prochaines échéances électorales, je vous
saurai gré des dispositions que vous voudriez bien prendre pour la tenue
rapide d’un dialogue politique permettant l’adoption consensuelle et la
mise en œuvre des réformes politiques préconisées par l’APG ainsi que
l’amélioration conséquente du cadre électoral ».
Ahoomey-Zunu demande de la patience à l’Anc
Au regard du temps fou mis par Faure
Gnassingbé pour répondre au premier courrier à lui envoyé par
Jean-Pierre Fabre, on redoutait que son Premier ministre ne lui emboite
les pas et mette un temps fou pour répondre à la présente lettre de
l’Anc. Et les faits ont confirmé cette crainte. C’est seulement le
mercredi 09 avril dernier qu’il a daigné répondre au courrier à lui
envoyé depuis le 24 mars. Soit seize (16) jours après. Et la réponse
n’est pas fameuse.
Pour toute réponse à la requête de
l’Anc, le Premier ministre demande à Jean-Pierre Fabre et les siens
d’attendre. En clair, il requiert encore de la patience à ses
interlocuteurs, comme s’ils n’en avaient pas déjà suffisamment fait
preuve. Quoi de plus pour montrer la mauvaise foi du pouvoir en place
vis-à-vis de la problématique de ces réformes constitutionnelles et
institutionnelles ?
Jusqu’à quand devra-t-on attendre l’exécution des réformes ?!
Il faut simplement rappeler que la
question est en suspens depuis la signature de l’Accord politique global
(Apg) le 20 août 2006. Lequel accord recommandait en son titre III « La
poursuite des réformes constitutionnelles et institutionnelles
nécessaires à la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et
de la bonne gouvernance ». « Les Parties prenantes au Dialogue
national engagent le Gouvernement à étudier les propositions de révision
constitutionnelle, notamment le régime politique, la nomination et les
prérogatives du Premier ministre, les conditions d’éligibilité du
président de la République, la durée et la limitation du mandat
présidentiel, l’institution d’un Sénat, la réforme de la Cour
constitutionnelle », dixit le point 3.2. Depuis lors, l’opposition
est toujours dissuadée à chaque fois qu’elle hausse le ton à l’orée des
échéances électorales et fait de leur exécution la condition de sa
participation à ces scrutins. Et parfois avec l’aide des partenaires.
C’est ainsi que quatre (04) élections sont passées, mais les réformes
attendent toujours. Avant les dernières législatives du 25 juillet
dernier, le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition
Arc-en-ciel ont remis la menace ; mais comme à chaque fois, ces deux
regroupements ont été dissuadés, et ces réformes promises juste à
l’après-élection avec la nouvelle Assemblée nationale. Le président de
la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, Mgr Nicodème Barrigah
et l’ambassadeur des USA au Togo Robert Whitehead s’étaient portés
garants de la bonne foi du pouvoir Faure Gnassingbé. Mais depuis, aucune
des deux personnalités ne s’est sentie interpellée pour faire pression
sur le gouvernement afin qu’il s’exécute.
Devant le silence des gouvernants,
Jean-Pierre Fabre a usé de ses prérogatives de chef de file de
l’opposition et écrit à Faure Gnassingbé pour lui rappeler l’urgence de
ces réformes. Puis l’a rencontré le 5 mars dernier. Son interlocuteur
lui a promis l’ouverture des discussions par le Premier ministre, ce qui
fut fait les 13 et 14 mars où Arthème Ahoomey-Zunu a eu des échanges
avec un certain nombre de partis politiques. Les positions des uns et
des autres étaient connues, une convergence de vues s’est faite et les
choses devraient s’accélérer. Mais le gouvernement a plutôt brillé par
son silence retentissant qui a obligé l’Anc à saisir le Premier ministre
le 24 mars dernier. Et comme si l’attente n’a pas déjà assez duré,
Ahoomey-Zunu demande encore de la patience à ses interlocuteurs. Mais
jusqu’à quand la classe politique doit-elle attendre ces réformes
recommandées depuis huit (08) ans ? Qu’est-ce qui bloque au juste
l’ouverture du dialogue tant attendu ?
Il faut l’avouer, c’est juste un
problème de manque de bonne foi du pouvoir en place. En repoussant
indéfiniment l’ouverture du dialogue et l’exécution des réformes, il
veut jouer sur le temps. Ce temps qui est justement compté pour le Togo,
vu que les jours passent et rapprochent irrémédiablement de l’échéance
fatidique. Et il y a aussi ces dispositions du protocole a/sp1/12/01 sur
la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole de la
Cédéao relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, qui interdit toute
modification substantielle de la loi électorale en mois de six mois
avant l’élection, sans consensus – « Aucune réforme substantielle de
la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les
élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs
politiques », lit-on à l’article 2 et à la section II consacrée aux
élections – avec lesquelles il faudra aussi compter. Comme toujours, il
faut redouter que l’alibi du temps n’en vienne à être évoqué au dernier
moment pour justifier encore le report sine die de ces réformes. Et les
conséquences seraient dramatiques à la démocratie au Togo.
Tino Kossi
LIBERTE HEBDO TOGO