Le spectacle désolant affiché par les partis et organisations du courant majoritaire de l’opposition depuis les législatives du 25 juillet 2013 est une autre révélation de la grande faiblesse de l’opposition toute entière face au régime en place. Cette faiblesse pose plus que jamais le problème du rapport des forces en termes de choix des priorités de la lutte pour la démocratie.
Pour la CDPA-BT, contrairement aux apparences trompeuses, la priorité des priorités n’est pas de savoir qui sera ou non le chef de fil de l’opposition ; elle n’est pas non plus la revendication d’un dialogue pour faire les réformes annoncées dans l’APG, ni même si ces réformes doivent se faire dans l’Assemblée nationale ou dans une structure parallèle.
L’évolution de la situation politique depuis les élections législatives de juillet 2013 n’avantage guère l’opposition. Tout le monde en convient aujourd’hui : l’opposition n’aurait jamais dû participer à ces élections-là. Les partis du courant majoritaire, qui s’y sont précipités de la manière que l’on sait, savaient bien que le régime allait se donner une majorité écrasante. Les conditions d’organisation du scrutin le montraient bien. Ils n’y sont donc pas allés pour réaliser l’alternance au pouvoir, et « faire les réformes », comme ils l’ont prétendu. De toute évidence, ils y sont allés pour tenter de satisfaire des ambitions particulières, sans rapport avec les aspirations du grand nombre pour le changement démocratique. Les rivalités intestines l’ont une fois encore emporté sur la raison.
Depuis ce scrutin, le courant majoritaire de l’opposition offre un spectacle affligeant : les querelles ouvertes entre l’ANC et la Coalition Arc-en-ciel, où les porte-paroles respectifs des deux organisations (Eric Dupuy et Jean Kissi) ont si souvent dépassé la mesure ; le prolongement de ces querelles dans la nouvelle Assemblée, où l’on ne s’est pas fait des cadeaux lors de la formation des commissions parlementaires ; les combats de coq au sein du CST avant, pendant et après les urnes ; les déballages montés par l’UFC contre l’ANC, où l’on sentait à plein nez l’odeur de gros sous, de corruption et aussi une lamentable volonté de vengeance ; le lourd silence des dirigeants de l’ANC face à ces accusations, comme s’ils préféraient baisser la queue de peur de remuer davantage le caca ; l’éternelle question du chef de fil de l’opposition, la ruée vers un nouveau dialogue ; le voyage des chefs de la Coalition Arc-en-ciel en France pour demander à Paris de faire pression sur le régime…
Le courant majoritaire de l’opposition n’a jamais affiché un spectacle aussi désolant. L’ensemble de l’opposition s’en est trouvée rabaissée et discréditée.
Faure Gnassingbe sait bien que les partis d’opposition, qui réclament encore un nouveau dialogue, ne parviendront jamais à s’accorder sur des positions susceptibles de mettre son régime en péril. Il sait aussi qu’il suffit d’annoncer un dialogue entre les partis parlementaires sur les réformes, pour qu’au sein du courant majoritaire les partis non représentés à l’Assemblée se mettent à pousser des cris d’orfraie pour revendiquer un « dialogue inclusif ». Il sait enfin que les prétendus dialogues qu’il a fait organiser avec l’opposition jusqu’à présent, donnent de lui l’image d’un chef d'Etat ouvert, et font passer le régime en place pour un régime démocratique.
Face à J. P. Fabre venu lui demander d’organiser avec lui un dialogue sur les réformes, il a donc joué avec un plaisir à peine dissimulé. Il renvoie le « chef de fil de l’opposition » à la primature, et demande au Premier ministre d’organiser un dialogue, sans manquer de rappeler une fois de plus avec fermeté, que l’Assemblée nationale est l’instance habilitée à faire les réformes dans le pays. Une manière de faire comprendre que les décisions prises dans une structure parallèle à l’Assemblée n’engagent nullement son gouvernement.
Cette position n’est d’ailleurs pas nouvelle, même si elle n’a jamais été aussi clairement formulée. On a vu le sort réservé par le régime au « Comité permanent de dialogue et de concertation » (CPDC) ; on a vu aussi ce qu’est devenu le « CPDC rénové » et ses 23 rencontres inutiles sous la houlette de Pascal Bodjona alors ministre de l’intérieur.
Devant cette stratégie de manipulation permanente à travers les dialogues, il est pour le moins surprenant que l’on donne toujours le sentiment de ne pas avoir compris un fait capital : pour le régime, le 12eme dialogue et son APG ne sont qu’un moyen pour débloquer la situation créée par le coup de force militaire du 5 février 2005, afin de pouvoir organiser des législatives dont la tenue était indispensable pour légitimer le pouvoir de Faure Gnassingbé, et permettre au système de continuer de fonctionner avec la caution de la « Communauté internationale ».
Le spectacle désolant affiché par les partis et organisations du courant majoritaire de l’opposition depuis les législatives du 25 juillet 2013 est une autre révélation de la grande faiblesse de l’opposition toute entière face au régime en place. Cette faiblesse pose plus que jamais le problème du rapport des forces en termes de choix des priorités de la lutte pour la démocratie.
Pour la CDPA-BT, contrairement aux apparences trompeuses, la priorité des priorités n’est pas de savoir qui sera ou non le chef de fil de l’opposition ; elle n’est pas non plus la revendication d’un dialogue pour faire les réformes annoncées dans l’APG, ni même si ces réformes doivent se faire dans l’Assemblée nationale ou dans une structure parallèle.
La priorité des priorités aujourd’hui, c’est la nécessité de recentrer la lutte d’opposition sur un objectif différent. Un objectif qui ne mette plus les partis d’opposition en compétition les uns contre les autres, mais qui leur permette au contraire de se mettre ensemble sur la base d’une plateforme politique minimale, pour ne pas continuer de diviser l’opposition dans son ensemble.
C’est la seule condition pour tenir un discours d’opposition cohérent en direction de la masse des opposants et arriver ainsi à mieux organiser celle-ci, afin de pouvoir faire émerger d’elle une force politique capable de renverser le rapport des forces en faveur de l’opposition. Ce n’est pas une utopie.
Face à cette position, on va encore nous rétorquer que nous « ne faisons rien » à la CDPA-BT, que nous « ne faisons que critiquer les autres partis d’opposition, alors que ces partis, eux, font au moins quelque chose… ». C’est là un point de vue. Il doit être versé au débat démocratique.
Admettons que CDPA-BT « ne fait rien ». Voici 23 ans que les partis du courant majoritaire de l’opposition « font au moins quelque chose » comme on le dit ; ils ne sont pas pour autant parvenus à réaliser le changement auquel la masse des opposants aspirent ; et l’opposition toute entière tourne en rond, en se mordant à chaque fois la queue. Un constat douloureux. Il montre qu’il ne s’agit pas pour un parti d’opposition de « faire au moins quelque chose ». Il a pour obligation morale de faire ce qu’il faut pour atteindre l’objectif du changement démocratique.
Le combat pour la démocratie est un combat difficile. Il met en jeu le destin de tout un pays et celui de son peuple. En conséquence, il impose aux partis d’opposition de définir et de conduire, avec cohérence et rigueur, une politique d’opposition visant un objectif minimum commun leur permettant de se donner les moyens d’agir ensemble, au lieu de se battre les uns contre les autres sous la barbe du régime, avec chacun la prétention de vouloir accéder au pouvoir à titre individuel ou partisan.
Car, en entretenant cette guéguerre permanente pour accéder au pouvoir chacun pour soi et contre tous les autres, les partis du courant majoritaire de l’opposition bloquent la voie à toute politique alternative d’opposition, et sèment de plus en plus la confusion sur la scène politique, mettant plus que jamais la masse des opposants dans l'impossibilité d’y comprendre quelque chose. En plus, ils divisent l’opposition toute entière. Ils font ainsi le jeu du pouvoir en place. La CDPA-BT s’interdit de prendre part à cette mêlée, où le choc de tant d’ambitions contradictoires affaiblit sans cesse l’opposition.
Notre parti ne critique pas pour le plaisir de critiquer, ou pour dénigrer qui que ce soit. Il critique la politique d’opposition conduite par le courant majoritaire de l’opposition. Il le fait parce qu’elle ne permet pas à la lutte d’avancer, d’inventer pour avancer, de tenter d’autres politiques d’opposition possibles. Et il le fait parce que cette désastreuse politique se traduit constamment par une mystification de la population et un découragement croissant en son sein. Quand les hommes ne croient plus, ils ne se battent plus.
En tant que parti d’opposition soucieux de l’avenir du pays, la CDPA-BT se fait le devoir de continuer de porter un regard critique sur toute politique, toute prise de position et tout comportement tendant, par sa nature et ses conséquences, à affaiblir l’opposition et à dévoyer la lutte pour la démocratie au profit du régime. La critique aussi fait partie de notre manière de mener la lutte d’opposition. Elle s’inscrit dans la ligne politique de notre parti d’autant plus qu’elle est indispensable pour éclairer le combat pour le changement politique.
Fait à Lomé le 28 Mars 2014
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
E. GU-KONU