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Ils ont choisi l’Afrique et ont réussi
Publié le dimanche 20 avril 2014  |  Le Point




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Kahn, Derreumaux, Saunier, Guitard, Marlier, des Français qui ont choisi l'expatriation en Afrique. Ils ne l'ont pas regretté. Ils racontent.

"Si vous voulez une carrière, ne partez pas travailler en Afrique, restez au siège de votre institution ! En revanche, si vous avez une vision, un business qui vous passionne, partez !" C'est ainsi que parle Michel Kahn. Ex-DG de Bank of Africa au Burkina Faso et en Ouganda dans les années 2000, il a embarqué pour un aller simple dans l'inconnu, avec femme et enfants. Pour lui, l'aventure fut totale. D'un déménagement à un autre, il a accédé à des responsabilités qu'il n'aurait peut-être jamais eues en France. Il n'en garde, finalement, que de bons souvenirs. "Pour moi, c'était une époque bénie", indique-t-il alors qu'il est aujourd'hui à la tête de sa propre entreprise, Vital Finance & Patrimoine.

"Il faut aimer le continent et savoir s'adapter"


L'Afrique, beaucoup en parlent en bien après y avoir travaillé. Même si un tel choix de carrière implique, au moment du départ, son lot de tensions. Paul Derreumaux, économiste et président d'honneur du groupe Bank Of Africa, exerce et s'exprime aujourd'hui comme consultant indépendant. Il résume la situation d'un mot : "Dans tous les cas, il faut aimer ce continent car, pour avoir un résultat de qualité, il faut travailler très souvent plus qu'ailleurs..." Responsabilités, dépaysement, épanouissement, adrénaline. Voilà peut-être les grands enseignements de ceux qui racontent leur passage professionnel sur le continent africain. Pour Michel Kahn, le pari n'était pas sans risque. Cadre de banque en France, il n'avait pas d'attrait particulier pour l'Afrique au départ : "La réalité est parfois brutale. Tout est différent : les relations, les attitudes.


Il faut vraiment établir un lien de confiance", explique-t-il. Tous ceux qui ont sauté le pas font le même constat : il faut savoir s'adapter pour réussir ! "J'ai eu la chance de créer des banques ex nihilo, parmi lesquelles la première Bank of Africa au Mali en 1982. Il fallait tout concevoir, imaginer, organiser, construire un groupe cohérent : c'était un grand challenge", détaille Paul Derreumaux, basé aujourd'hui à Bamako. Si une telle expérience est difficilement possible aujourd'hui, les secteurs de la microfinance, des assurances et des télécommunications, qui boostent la croissance africaine, permettent encore des challenges intéressants. Un fait à intégrer : les Européens expatriés sont aujourd'hui en concurrence féroce avec une diaspora africaine qui retourne en Afrique pour prendre des responsabilités.

"Surtout, soyez pragmatiques !" s'exclame Andrés Saunier, directeur financier au Congo, à la Société commune de logistique. L'entreprise pour laquelle il travaille emploie 140 salariés et assure le stockage et la logistique en aval de l'ensemble des ressources pétrolières du pays. Un rôle stratégique, donc, et un acteur-clé de l'accompagnement du développement en République démocratique du Congo.

"L'Afrique est un continent en pleine croissance, qui offre d'excellentes opportunités professionnelles et de réelles perspectives", dit-il, avant d'ajouter : "Pour les jeunes, l'Afrique est trop souvent une terre de fantasmes, une terre dont l'image est construite sur une vision erronée, orientaliste, où la pudeur des anciennes colonies se mêle aux images à sensation martelées par les médias de pays en guerre, instables, en proie aux famines et aux maladies. L'Afrique fascine, et l'Afrique fait peur. Mais sortons des clichés !" L'expérience du terrain, c'est la garantie de découvrir un autre visage du continent.


Le départ est quelque chose qu'il faut préparer, qu'il faut mûrir

Mais, pour ne pas être perdu une fois le grand saut accompli, il faut aussi bien se préparer. "Les contraintes de la vie quotidienne peuvent être nombreuses", prévient Clovis Guitard, qui travaille pour Schlumberger, à Douala, en tant que compensation benefits analyst. Notamment en termes de sécurité pour des expatriés qui sont astreints à des règles strictes dans la plupart des entreprises basées au Cameroun, comme la sienne. "Il ne faut pas foncer tête baissée. Un départ à l'étranger, quel qu'il soit, est une décision qu'il faut mûrir. Il ne faut donc pas hésiter à contacter d'autres expatriés dans le même pays, ou d'autres employés de la même entreprise. Les réseaux sociaux sont pour cela un formidable outil de nos jours " rassure Andrés Saunier, qui habite maintenant au Congo et pour qui tout se passe pour le mieux.
Il faut savoir que ce qui est naturel en Europe ne l'est pas forcément en Afrique. Et inversement. Aussi faut-il rester attentif, au moment des négociations, et étudier scrupuleusement toutes les conditions proposées : prise en charge des frais de santé, cotisations retraite, assurance chômage.


Le meilleur moyen d'éviter les déconvenues, c'est de faire un aller-retour sur place pour écrire, noir sur blanc, l'accord en bonne et due forme. Une fois là-bas, il faut savoir s'intégrer : apprendre la langue, ne pas se contenter de l'anglais, vivre au rythme local... "Si l'on est disposé à s'intégrer, tout va bien. Si l'on part, la fleur au fusil, en s'imaginant qu'on aura la même vie qu'en France, on s'expose à certaines déconvenues", explique Andrés Saunier. Mais certaines choses resteront floues. La vie réserve des surprises. Michel Kahn en atteste : "Les plans que l'on échafaude sont toujours déjoués. Alors, il faut sauter le pas. Parfois, le plus risqué, c'est de rester là où on est, pas de partir à l'aventure !"
Les qualités requises sont les mêmes qu'ailleurs
Sébastien Marlier, ancien conseiller économique au ministère des Finances du Burundi pendant deux ans, ajoute un autre conseil : "L'ouverture d'esprit, la communication, qui permettent de briser la glace, de pallier des différences culturelles ou des a priori.Comme partout, donc ? Sens de l'humour, du travail en équipe, patience, voilà des qualités requises dans n'importe quelle entreprise. Il est vrai qu'en Afrique, comme ailleurs, rester modeste est également une chose appréciée et appréciable.


"Les Africains vivent dans une approche mondialisée. Croyez-vous qu'on a quelque chose à apprendre à un Kenyan qui a fait la London School of Economics (LSE) ?" s'emporte Michel Kahn. "La mode est aujourd'hui à la nationalisation des postes, ce qui rend les opportunités réelles pour les nationaux", confirme Andrés Saunier. Même son de cloche pour Sébastien Marlier : "Si vous comptez travailler dans le secteur du développement, n'y allez pas pour transformer un pays. Bien faire son travail sera déjà pas mal", relativise-t-il.


Finalement, les critères purement objectifs n'existent pas. Réussir sa carrière en Afrique est quelque chose de personnel, lié aux buts que l'on s'est fixés et à l'entreprise dans laquelle on embarque. "La seule chose immuable", selon Paul Derreumaux, "c'est que lorsqu'on arrive en Afrique, ou bien on repart tout de suite, ou bien on s'enracine et on reste attaché pour toujours au continent". Il sait de quoi il parle. Paul Derreumaux y est toujours.

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