Le Nigeria accueille cette semaine le "Forum économique pour l'Afrique", un sommet placé sous sécurité maximale après deux attentats à la voiture piégée menés par des islamistes de Boko Haram dans la capitale fédérale Abuja. Des milliers de policiers et de militaires seront déployés dans les rues d'Abuja au moment de l'arrivée des participants au sommet, également appelé le "Davos africain", qui se tiendra de mercredi à vendredi.
Le président nigérian Goodluck Jonathan doit y participer, au côté du Premier ministre chinois Li Keqiang, qui fait cette semaine son premier voyage en Afrique depuis sa prise de fonction l'année dernière.
Déjà, la circulation a été restreinte aux abords des aéroports d'Abuja et de Lagos, la capitale économique, après des renseignements sur des menaces d'attaques contre deux hôtels de luxe à Lagos. Les écoles et les services publics de la capitale seront fermés durant le sommet.
- Voitures piégées et enlèvements -
Les préoccupations sécuritaires ont dominé la phase préparatoire du "Davos africain" qui, selon le gouvernement, démontrera l'attractivité du Nigeria aux investisseurs étrangers. L'image du pays, déjà mise à mal avec la spirale de violences récurrentes attribuées au groupe islamiste armé Boko Haram, a encore été entachée ces trois dernières semaines par deux attentats à la voiture piégée dans une banlieue d'Abuja, qui ont fait plus de 90 morts et plus de 200 blessés. Le premier, le 14 avril, a été revendiqué par le groupe Boko Haram, qui mène depuis 2009 une insurrection sanglante depuis son bastion du nord du pays.
Le deuxième a été perpétré jeudi dernier et attribué au groupe islamiste, qui ne l'a cependant pas revendiqué.
Les autorités accusent également Boko Haram, qui revendique la création d'un Etat islamique dans le Nord à majorité musulmane, d'avoir enlevé plus de 200 lycéennes dans la ville de Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est) - l'un des plus touchés par les violences, qui ont déjà fait plus de 1.500 morts depuis le début de l'année.
La disparition des jeunes filles il y a trois semaines a scandalisé tout le pays, où des marches de protestation ont été lancées, et une campagne de mobilisation sur les réseaux sociaux a placé l'administration Jonathan sous pression. Le ministre des Finances Ngozi Okonjo-Iweala et le conseiller économique en chef du président, Nwanze Okidegbe, ont assuré que la sécurité des participants au sommet serait une priorité.
"Notre plan de sécurité (...) sera la plus grande opération de sécurité jamais montée dans ce pays pour un sommet international", avaient-ils assuré après l'attentat du 14 avril. "Au total, plus de 6.000 membres des forces de sécurité, des policiers et des militaires, seront déployés, couvrant une zone sécurisée de 250 kilomètres carrés".
- Inégalités -
Les problèmes de sécurité sont une préoccupation quotidienne au Nigeria. Des luttes sanglantes entre communautés se déroulent dans les Etats du centre, tandis que le sud connaît des tensions récurrentes, les populations locales voulant profiter davantage des revenus de la manne pétrolière. Les inégalités économiques et sociales sont considérées comme un des principaux facteurs de l'insurrection de Boko Haram dans le nord du pays, majoritairement musulman. Ces inégalités sont d'autant plus criantes que le Nigeria vient d'accéder au rang de première économie d'Afrique et de premier producteur de pétrole du continent, enregistrant un taux de croissance soutenu.
L'homme le plus riche d'Afrique est le Nigérian Aliko Dangote, avec une fortune estimée à 24 milliards de dollars. Et 23.000 Nigérians devraient devenir millionnaires en dollars d'ici 2017. Cependant la majorité des 170 millions de Nigérians vivent dans la pauvreté, avec moins de deux dollars par jour, la corruption est endémique, les systèmes de santé et d'éducation sont déficients et le pays manque cruellement d'infrastructures.
Le gouvernement a récemment évoqué une stratégie alternative pour combattre l'insurrection de Boko Haram, en augmentant les investissements dans le nord, et il cherche à diversifier l'économie du pays en misant davantage sur l'agriculture et les services, pour ne plus dépendre exclusivement du pétrole.
De nombreux pays africains font face aux mêmes problèmes. Le thème du Forum d'Abuja sera "Bâtir une croissance inclusive et créatrice d'emploi", avec l'espoir d'une meilleure coopération entre pays africains en matière de commerce, d'innovation et d'investissements pour mieux exploiter les potentiels du continent.