Pendant sa vie sur terre, il eut droit à toutes les gloires possibles mais aussi à la répulsion voire la déchéance. La mort lui a valu une sorte d’absolution : la nation presque entière lui voue une sublime reconnaissance et l’Eglise qu’il servit le hisse au niveau du héros – qu’il fut après tout – et du fidèle serviteur, oint par l’effet de son dévouement à la cause du Seigneur et au service de son peuple. Monseigneur Dosseh-Anyron a eu droit à une réconciliation post mortem, avec des gens qui eurent l’outrecuidance de le juger pendant qu’il accomplissait sa mission de pasteur au service de la sainte Eglise catholique romaine.
Le plus grand service que Casimir-Robert Dosseh-Anyron aura rendu au pays dont il fut un digne citoyen est d’être devenu une sorte de mascotte nationale, homme-référence, le tisserand de la bonne voile. Celle qui servira à couvrir l’autel de la nation à présent en pointillées.
Pour une rare fois depuis 54 ans que le Togo a acquis le droit à l’indépendance –il ne l’a pas encore entièrement assumé – un des nôtres a fait l’unanimité, sur le triple plan de la politique, des valeurs spirituelles et de la cohésion sociale.
Les dirigeants ont convenu de rendre un hommage national au disparu : trois jours de deuil, la décoration à titre posthume de l’homme de Dieu (sincèrement, Eyadèma qu’il avait aidé à certains moments difficiles de son règne sans partage aurait pu lui décerner cette reconnaissance dans les années 80) ; et la mobilisation de tout le décorum officiel à Lomé, au bénéfice de l’homme dont les qualités sont promues pour servir d’exemple.
Au niveau de son Eglise, les catholiques d’ici et d’ailleurs se sont complus, pour rendre à l’appelé de Dieu tous les honneurs mérités. Des messes ont été célébrées un peu partout pour le repos de l’âme du disparu. Le dispositif au Centre Christ Rédempteur de Lomé permet à tout fidèle (ou toute personne de bonne volonté) qui le désire d’aller s’incliner devant une photo bien dressée de l’ancien Archevêque émérite de Lomé, et se recueillir pour que l’Eternel le comble de sa grâce et de sa miséricorde.
Mgr Dosseh-Anyron a réussi un plus grand exploit après sa mort, au sein de la population togolaise. On s’accorde à mettre en évidence la bonté de l’homme. On fait absolution de toutes les mauvaises choses qu’on lui attribuait : les Togolais lui appliquent le principe sacré du respect du respect qui est dû aux gens qui ne sont plus de ce monde. Et cela se passe au moment même où l’Eglise assiste à la béatification du pape Jean Paul II : celui qui en 1985 enseigna aux Togolais qu’ils ne devraient pas rompre avec les « valeurs du passé ».
Il n’y pas de hasard ici-bas, dit le sage ; tout comme Nietzche qui, sans avoir été un croyant patenté eut le mérite d’écrire que « le hasard est ce que Dieu fait quand il veut agir dans l’anonymat ».
Le Togo renaissant a l’occasion de badigeonner le mur fondamental de notre vouloir vivre collectif. Monseigneur Dosseh-Anyron nous est offert, comme le sacrifice par lequel cet avancement de la cause nationale est possible. Cela va au-delà d’une célébration et d’une déclamation. L’effort induit des valeurs qu’il faut saisir et partager, partout et durablement.
K. Agboglati