Primature devrait connaitre une ambiance particulière ce mardi, et pour cause. Les discussions politiques sur la problématique de l’exécution
des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord
politique global (Apg) lancées à la mi-mars reprennent ce matin. Les
principaux partis ont reçu le week-end les invitations à cette fin,
selon les informations. Ces discussions seront-elles les dernières avant
l’exécution des réformes ou une séquence de plus qui cédera après la
place à un black-out du gouvernement ?
Tous à la Primature
Alliance nationale pour le changement
(Anc), Alliance des démocrates pour le développement intégral (Addi),
Comité d’action pour le renouveau (Car), Union des forces de changement
(Ufc), Union pour la République (Unir). Ce sont là les partis politiques
dont les délégations se retrouveront autour du Premier ministre Arthème
Ahoomey-Zunu ce mardi. Il s’agit donc des formations représentées à
l’Assemblée nationale. Des invitations leur ont été adressées ce
week-end à cette fin. Malheureusement, ces partis n’ont pas plus de
précision sur les réels sujets à évoquer et comment vont se dérouler les
discussions.
Il est tout de même constant que c’est
dans la perspective de l’exécution des réformes constitutionnelles et
institutionnelles de l’Accord politique global (Apg) que le pouvoir
Faure Gnassingbé traine depuis 2006 comme un boulet au pied qu’elles se
situent. Il a fallu des pressions du chef de file de l’opposition avant
que le gouvernement ne s’émeuve. Sur demande d’audience de Jean-Pierre
Fabre, Faure Gnassingbé l’a reçu le 5 mars 2014, et une semaine plus
tard, des échanges ont été organisés à la Primature par le Premier
ministre Arthème Ahoomey-Zunu, sur ordre de son employeur. Mais depuis,
plus rien. Ces discussions annoncées ce mardi sont censées être la phase
active du dialogue en vue d’obtenir un consensus pour la
matérialisation des réformes.
Une imminence qui explique l’annulation de la marche du Cst et l’enthousiasme de Dussey
Ce samedi 10 mai, les rues de Lomé devraient encore gronder, aux pas et cris des militants et sympathisants du Collectif « Sauvons le Togo ».
Me Zeus Ajavon et les siens avait en effet programmé une marche sur ce
jour, en fait un rattrapage de la manifestation du samedi 26 avril
prévue pour réclamer l’exécution des réformes mais étouffée par une
répression aveugle. Mais la manifestation a été « annulée » au
dernier moment par le regroupement. Une décision qui avait étonné plus
d’un Togolais qui a appris l’information dès la matinée du vendredi, car
l’argument mis en avant manquait de légitimité. Il a été en effet argué
que la marche programmée pour réclamer les réformes a été annulée pour
faire place à la commémoration du 1er anniversaire du décès
d’Etienne Yakanou dans l’affaire des incendies. Ce qui portait à croire
que les responsables du Cst ont été surpris par cet anniversaire et
ignoraient qu’il devrait être observé. C’est aujourd’hui évident que
c’est l’invitation au dialogue à la Primature ce mardi qui a motivé
cette annulation; et c’était assez responsable. Car du moment où il est
prévu un dialogue sur la question qui motivait leur marche, il n’y avait
donc pas de raison qu’ils la tiennent coûte que coûte.
L’autre fait à souligner,
c’est l’enthousiasme du ministre des Affaires étrangères et de la
Coopération, lors de la réception offerte le vendredi 9 mai dernier à la
Résidence de l’Europe par le chef de la Délégation de l’Union
européenne au Togo, à l’occasion de la célébration de la Journée de
l’Europe, au sujet des réformes. « Je vous rassure, Monsieur l’ambassadeur, que les réformes constitutionnelles et institutionnelles se feront. Elles se feront par le gouvernement togolais, elles ne se feront pas pour faire plaisir à l’Europe.
Elles se feront parce que le Président de la République, le Premier
ministre, le gouvernement togolais savent que ces réformes sont
indispensables pour l’avenir du Togo », a affirmé Robert Dussey
en guise de réponse à l’exhortation de Nicolas Barlanga-Martinez. Il ne
manquait qu’il donne sa tête à couper si le gouvernement ne s’exécutait
pas. Il se dégageait de ses propos une telle assurance qui avait de quoi
surprendre, mais qui s’explique aujourd’hui. C’est simplement parce que
le ministre était au fait de ces préparatifs du Premier ministre qu’il
était aussi enthousiaste.
En route pour une exécution consensuelle des réformes ?
Une chose est d’organiser
des discussions sur les réformes, une autre est qu’elles aboutissent à
du concret. Et le concret ici, c’est sans doute leur exécution de façon à
permettre une élection présidentielle transparente, équitable, crédible
et sans violences en 2015 et faire avancer la démocratie togolaise.
Faure Gnassingbé et le pouvoir sont-ils vraiment animés d’une telle
disposition d’esprit ? Ou ces discussions qui démarrent aujourd’hui
sont-elles juste un tour de farce de plus ?
La question reste posée
lorsqu’on considère toute la coulée de bile et d’adrénaline qui a suivi
les premiers échanges à la Primature les 13 et 14 mars derniers. Alors
que toutes les parties ont exprimé leurs positions et la majorité s’est
dégagée, et donc on attendait que les choses s’accélèrent dans les jours
suivants, le gouvernement a plutôt brillé par son mutisme sur la
problématique durant deux mois. Ce qui a poussé l’opposition à crier à
tue-tête – le Cst a même tenté d’organiser une marche sur la question,
mais réprimée – et les diplomates occidentaux et la communauté
internationale à multiplier les appels à l’endroit du pouvoir, eux qui
d’habitude observent des réverses sur les affaires internes des Etats et
sur des questions sensibles. Nicolas Berlanga-Martinez, Joseph Weiss,
François Hollande ne se sont pas empêchés d’appeler le pouvoir Faure
Gnassingbé à s’exécuter. Toutes ces exhortations ont été durant deux
bons mois ignorées par l’Exécutif togolais. Le dernier appel venait du
chef de la Délégation de l’Union européenne le 9 mai dernier à
l’occasion de la Journée de l’Europe. Et pour nombre d’observateurs,
c’est ce nième appel qui a boosté les choses et les discussions qui
démarrent aujourd’hui à la Primature ne sont destinées qu’à amadouer les
partenaires européens ; et donc qu’il faut y voir au bout un marché de
dupes de plus.
Difficile, en tout cas, de
parier sur la bonne foi de Faure Gnassingbé et les siens. Car c’est ce
qui fait défaut dans ce chantier d’exécution des réformes prescrites
depuis le 20 août 2006. Sur le cadre devant abriter les discussions
préalables aux réformes, la majorité s’est dégagée. L’Anc, l’Addi, le
Car ou la Coalition Arc-en-ciel, et aussi dans une certaine mesure
l’Union pour la République (Unir) qui ne fait pas de fixation et se dit
prêt à toute concession pour faciliter le consensus, militent pour un
cadre autre que l’Assemblée nationale, contrairement à la volonté de
Faure Gnassingbé et de l’Union des forces de changement (Ufc) qui ne
veut même pas en entendre parler. A priori il ne devrait plus y avoir de
polémique possible sur le cadre. L’essentiel devra se dérouler sur le
fond. Et justement à ce propos, il y a une question fondamentale : la
limitation du mandat présidentiel et la candidature ou non de Faure
Gnassingbé à la présidentielle de 2015. L’opposition et les Togolais
amoureux de la démocratie le veulent à deux, et avec effet immédiat. En
clair, Faure Gnassingbé qui sera en 2015 au terme de ses deux mandats
légitimes au pouvoir devra vider le plancher. En bon démocrate, comme le
peignent ses admirateurs, il ne devrait pas éprouver de la peine à se
retirer, car l’alternance est un principe sacralisé par les civilités
démocratiques. Mais bien inspiré qui pourrait présager de la suite.